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Chroniques
Les signes annonciateurs que les élections seront truquées
28/09/2014 | 17:26
6 min

Par Nizar BAHLOUL


Les prochaines élections seront inévitablement truquées. Les signes avant-coureurs sont là et il faut être obtus, naïf ou aveugle pour ne pas le voir. Si celles de 2011 sont frappées de simples suspicions, celles de 2014 ne supporteront aucun doute.
Entre lundi 22 et dimanche 28 septembre 2014, il y a eu au moins six incidents/événements qui ne présagent rien de bon quant à la transparence des deux prochains scrutins en Tunisie.

Tout d’abord, ce grand manège du lundi 22 septembre qui a vu clôturer la liste de 70 candidats à la présidentielle est à lui seul un motif pour que le procureur de la République déclenche plusieurs enquêtes sur les parties qui se cachent derrière ces hurluberlus venus à l’ISIE présenter leur dossier. Certains de ces gens que nous avons vus défiler sont incapables de gérer leur propre budget personnel ou familial et ils sont là, à faire des centaines de kilomètres pour déposer deux feuillets devant les caméras, en se présentant comme présidentiables bénéficiant d’appuis populaires. Quelles sont les transactions qui ont été négociées avant leur quart d’heure de gloire ? Mystère ! Aucun des grands partis en lice n’a protesté contre ce manège. Le monsieur qui n’a pas de « voiture motorisée », l’autre qui est arrivé avec deux parrainages de citoyens, la « botoxée-raciste » qui a réussi à boucler sa liste avec des parrainages d’Ennahdha, ou celui qui est carrément recherché par la justice, sont autant de « candidats » qui devraient être interrogés au plus vite par le procureur, si l’on veut vraiment des élections loyales. Sans parler de ces Bahri Jelassi et Slim Riahi dont les fortunes sont à l’origine inconnue. C’est le fisc et le procureur qui devraient intervenir pour ces deux-là.
Comment en est-on arrivé à ce manège ? C’est par le biais d’un code électoral fort permissif. Qui l’a rédigé ? Celui-là même qui va profiter de cette « clochardisation » et de l’éparpillement des voix.

Deuxième signe, l’incident ayant opposé mercredi Business News à l’Ordre des avocats. Notre journal a été accusé de falsifier un document portant l’entête de l’Ordre, mais la supercherie a été rapidement découverte et le bâtonnier a dû présenter des excuses. Me Mahfoudh est réputé pour son intégrité et cela ne saurait être mis en doute. Mais les faits sont têtus. Il y a bien eu « usage de faux » et un « coupable » a été rapidement identifié en la personne de ce salarié de l’Ordre qui a ouvert les locaux un dimanche. Il a profité des équipements de l’Ordre des avocats, il a utilisé leur papier entête et a usé du nom de l’actuel bâtonnier pour aider l’ancien bâtonnier, Abderrazak Kilani dans sa campagne présidentielle. Pourquoi l’affaire a été rapidement étouffée ? Me Kilani ne devrait-il pas être suspecté de tricherie ? Lui-même qui a été accusé par sa consoeur Maya Ksouri d’avoir utilisé la base de données de l’Ordre pour envoyer des SMS massifs aux avocats dans le cadre de cette même campagne ? Précisons au passage que ce candidat « indépendant » a bénéficié essentiellement des parrainages d’Ennahdha.

Troisième signe, ces doublons de numéros de cartes d’identité dans les listes de parrainage des candidats. Il y aurait des morts et des personnes qui n’ont jamais parrainé quiconque dans ces listes. Un candidat aurait même utilisé abusivement une liste de résultat d'un concours national comportant nom, prénom et numéro de CIN couplant cela avec le service SMS de l'ISIE pour l'identification du bureau de vote, d’après le témoignage d’un ami, membre de cabinet d’un actuel ministre. N’est-ce pas là une falsification pure et simple ?

Quatrième signe, l’application stricte du cahier des charges de la HAICA qui a fait l’objet, il y a quelques mois, d’une grande polémique. La Haute autorité chargée de l’audiovisuel a fixé une deadline aux chaînes n’ayant pas une autorisation. Ces autorisations sont accordées par cette même HAICA, tout comme les cahiers des charges. Cette haute autorité a légiféré toute seule, a jugé toute seule et va appliquer toute seule ses propres lois. Personne d’autre n’a un droit de regard. Et si vous critiquez ces agissements, on vous accuse d’attaquer une institution constitutionnelle, de défendre l’argent sale, de rouler pour ces méchants hommes d’affaires et patrons de télés rapaces et de ne pas respecter la loi. Passons. On aimerait bien croire que la HAICA ne roule ni pour Marzouki ni personne, mais qu’elle ait l’amabilité de nous expliquer sur quelle base a-t-elle accordé des licences à des chaînes aux fonds inconnus comme TNN ou Al Moutawassat. Ces deux chaînes n’ont pas de pub, n’ont pas de ressources financières classiques connues, sont lancées par des inconnus et leurs animateurs ont été formés par une chaîne suspecte (Al Jazeera) dans un pays qui est loin d’être respectueux de la démocratie (le Qatar). Passons aussi. Mais pourquoi donc la HAICA devient prolixe en arguments quand il s’agit de dire pourquoi elle a interdit tel et autre dossier et devient, soudain, muette quand il s’agit de médias proches et fort élogieux de la présidence de la République (TNN) et d’Ennahdha (Al Moutawassat) ? Coïncidence.

D’après Espace Manager, une instruction judicaire aurait été ouverte contre Larbi Nasra et Hachmi Hamdi concernant les commandes publicitaires de la défunte ATCE. MM. Nasra et El Hamdi sont deux candidats à la présidentielle. Les faits datent de plus de cinq ans et c’est maintenant qu’on se rappelle de cette histoire ! Sachant que l’écrasante majorité des médias tunisiens avaient des commandes publicitaires de l’ATCE et la raison est très simple : toutes les commandes publiques passaient par cet organisme. Mais ce n’est qu’une coïncidence que le contentieux de l’Etat réagisse maintenant. Et ne dites surtout pas que c’est une tricherie que d’éliminer des candidats en dépoussiérant des affaires de cinq ans et plus, si affaires il y a déjà !

Sixième signe de la semaine, le gros scandale déclenché par l’hebdomadaire Akher Khabar relatif au président de la République. Les Tunisiens sont habitués aux bourdes de Moncef Marzouki, mais là on fait face carrément à de la haute trahison. Le président-candidat appelle le Qatar pour faire pression sur Ennahdha afin de l’appuyer dans sa candidature. En contrepartie de ce coup de pouce, il utilise son poste de président de la République pour s’immiscer dans des affaires internes d’autres pays ! La Syrie ou la Palestine sont-elles des priorités pour nous Tunisiens, en ce moment si délicat de notre Histoire ?

Tout ce qui précède a été observé en sept jours seulement. On peut élargir la liste des suspicions si l’on remonte plus loin et que l’on évoque les circonstances dans lesquelles a été rédigé le code électoral, ont été choisies les dates des élections ou ont été sélectionnés les membres de l’ISIE. Le code électoral à lui seul comporte des textes favorisant clairement la tricherie et qu’on ne retrouve dans aucune démocratie.

Face à tout cela, les partis et leaders politiques sont silencieux ! Ils ne disent rien ! Le président de la République est attrapé la main dans le sac et personne ne trouve rien à redire. Il est démenti publiquement par l’ISIE quant à sa candidature soi-disant indépendante, alors qu’il est enregistré CPR, aucun ne lève la voix. Aucun ne crie au scandale, aucun ne dit que nous allons vivre le 26 octobre un cirque, une comédie ou une tragédie. Les dés sont déjà pipés et on continue encore à user de la langue de bois classique : « Nous allons tout faire pour que les élections soient transparentes et irréprochables ! ».

Messieurs les candidats, messieurs les dirigeants de partis, le trafic des élections ne se fera pas le jour J ou lors du dépouillement des voix. Le trafic se prépare à l’avance et il se prépare là sous vos yeux ! Réagissez ! Unissez-vous et bloquez tout le process jusqu’à ce que les tricheurs soient écartés de la course ! Ne soyez pas silencieux face à cette comédie de laquelle vous allez sortir forcément perdants puisque ceux qui pipent actuellement les dés ne cherchent qu’à vous écarter !

PS : Exceptionnellement, Sofiène Ben Hamida et Nizar Bahloul ont switché le jour de parution de leurs chroniques. Vous retrouverez demain à 16 heures M. Ben Hamida
28/09/2014 | 17:26
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