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Les révélations de Ben Slama, noyées par les démentis ?
25/05/2016 | 20:38
5 min
Les révélations de Ben Slama, noyées par les démentis ?

Les révélations de secrets, et les parties obscures de l’histoire, ne cessent de titiller la curiosité et l’intérêt de l’opinion publique. C’est dans cette case que peuvent s’inscrire les propos de Hamouda Ben Slama, rapportés lors d’une interview publiée hier par l’hebdomadaire arabophone Akher Khabar. Retour sur un pan de l’Histoire tunisienne dévoilé par un ancien ministre.


C’est dans une longue interview réalisée par Taoufik Ayachi que l’ancien ministre Hamouda Ben Slama a parlé des relations entre l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali et les islamistes.

Issu du Mouvement des démocrates socialistes et proche des islamistes, M. Ben Slama a été ministre de la Jeunesse sous Ben Ali, avant d’être remercié. Après la révolution, il a été vu à plusieurs reprises dans les meetings d’Ennahdha et il a continué à être proche des islamistes, plus particulièrement de Rached Ghannouchi.

 

Selon M. Ben Slama, Ben Ali a cherché dès 1989 à normaliser les relations avec les islamistes refusant d’user de violence contre eux. Il rappelle que c’est lui qui s’est opposé à la pendaison de Rached Ghannouchi soulignant que c’est Ben Ali qui a fait monter la tension avec les islamistes afin de pouvoir paraître comme étant leur seul défenseur.

Après le 7-Novembre, l’ancien président a envoyé, via Hamouda Ben Slama, un message rassurant aux islamistes affirmant qu’il va redonner à l’islam sa place. Il a transformé immédiatement ses paroles en actes en les libérant des prisons, en les rétablissant dans leurs emplois d’origine et en leur rendant les passeports.

 

Continuant à jouer les émissaires entre le régime et les islamistes, Hamouda Ben Slama accueillait, à son bureau, des réunions entre Rached Ghannouchi, Abdelfattah Mourou et Hamadi Jebali d’un côté et Moncer Rouissi et Abderrahim Zouari, de l’autre.

Ces réunions se déroulaient sous les ordres de Ben Ali et sans même que le ministre de l’Intérieur de l’époque, Habib Ammar, ne soit au courant. « Ignorez-le ! », aurait affirmé Ben Ali. Ce début de normalisation avec les islamistes déplaisait à plusieurs ministres de l’époque, dont Habib Ammar et Hédi Baccouche, à l’époque Premier ministre. « Le seul proche qui poussait à une normalisation des relations entre le pouvoir de Ben Ali et les islamistes était Kamel Letaïef vers qui je me dirigeais systématiquement quand les négociations étaient bloquées », a-t-il dit.

Ces réunions ont fini, en dépit de tout, par aboutir à certains consensus comme par exemple la proposition de l’ancien président pour que les islamistes participent aux législatives de 1989. Il était question alors d’ouvrir la chambre des députés, à hauteur de 20%, aux non-destouriens. Sur ces 20%, il a été convenu que les islamistes obtiennent entre 4 et 5 sièges ce qui été fortement bien accueilli par Rached Ghannouchi. « Tout ce qu’il nous donne sera le bienvenu », a affirmé alors l’actuel président d’Ennahdha.

 

C’est durant la campagne que tout a changé et que la situation s’est détériorée, Ben Ali a constaté la force de mobilisation des islamistes et a eu peur qu’ils fassent un raz-de-marée durant les élections et ne respectent  pas le deal initial des 4-5 sièges. « Il a donc été poussé à falsifier les élections et à rompre son engagement », précise-t-il.

 

Ben Ali a choisi d’arrêter par la suite les négociations et d’user de la méthode répressive après les attentats de Bab Souika. 

Le véritable affrontement est venu après l’arrivée d’Abdallah Kallel et Hamed Karoui qui avaient une position anti-islamiste notoire, d’après M. Ben Slama. Ben Ali a nommé au ministère de l’Intérieur Abdallah Kallel à la place du général Abdelhamid Echeikh qui refusait catégoriquement la méthode répressive de Ben Ali pour affronter les islamistes.

 

 

Toutefois, ces révélations ont été démenties par le président d’Ennahdha dans une déclaration rapportée par le journal Assarih dans sa livraison d’aujourd’hui. Rached Ghannouchi a, en effet, nié de fond en comble les propos de Hamouda Ben Slama selon lesquelles Ben Ali lui aurait proposé 4 sièges au parlement. «  Ceci n’est nullement vrai. Avec tout mon respect pour M. Ben Slama, il s’agit de fausses allégations, tout en croyant en son bonne intention ».

 

Or, présent aujourd’hui même à Midi Show, M. Ben Slama a maintenu ses propos, « peut-être que Rached Ghannouchi a la mémoire courte, mais moi, je suis certain de ce que j’ai avancé ». Néanmoins, il est légèrement revenu sur ses propos concernant Hédi Baccouche, Hamed Karoui et Habib Ammar en présentant ses excuses aux personnes qui auraient pu être affectées par ses déclarations, affirmant, par la même occasion, qu’en février 1991 Ben Ali avait décidé de rompre le dialogue entamé avec Ennahdha en ayant recours à la solution sécuritaire.

 

Un autre nom, aussi impliqué dans les déclarations fracassantes de M. Ben Slama, a donné aujourd’hui, sa version des faits. Il s’agit de l’ex-premier ministre, Hédi Baccouche qui, dans une réponse à Mosaïque Fm, a nié qu’il était contre les négociations qui allaient avoir lieu entre le régime de Ben Ali et les islamistes après 1987. « J’aurais préféré ne pas entrer dans de tels conflits surtout dans de pareilles conditions si ce n’est à travers des témoignages crédibles, mais je dois répondre », a-t-il souligné. Avant d’ajouter que Ben Ali avait imposé certaines conditions en vue de reconnaître Ennahdha en tant que parti politique et lui accorder un visa. «  Ben Ali avait demandé à Ghannouchi de clarifier sa position par rapport à plusieurs sujets, notamment, concernant le Code du Statut Personnel (CPS). Chose qu’il a faite lors d’une interviewe accordée au journal Assabah ».

Par ailleurs, M. Baccouche a assuré que Ben Ali allait reconnaître Ennahdha suite à une rencontre avec Rached Ghannouchi et lui-même après la signature du Pacte National. Mais qu’il s’est rétracté par la suite précisant qu’il a insisté pour que l’Etat reconnaisse les islamistes malgré la position du chef d’Ennahdha.

 

Entre démenti de personnes concernées et persistance de Hamouda Ben Slama, la vérité reste à confirmer, d’autant plus que les faits évoqués sont au cœur de l’actualité, notamment, avec le mea-culpa annoncé d’Ennahdha à l’issue de son congrès où le mouvement se serait métamorphosé en dissociant le volet de la prédication de celui politique.

25/05/2016 | 20:38
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Commentaires (17)

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Fadi
| 28-05-2016 14:05
Tel père, docteurs, et Zaba était l'un des acolytes du Karoui gourou.
Quand au ministre des sports, il était le champion des escargots, au sprint.
Où va la Tunisie depuis 50 ans?

A_Zut !
| 26-05-2016 19:30
Cela doit être très dur 'ou, à tout le moins, bien décevant-- d'avoir toujours été proche des islamistes, d'avoir parfois servi de pont entre eux et le régime de Ben Ali et d'être, en témoignant au crépuscule de sa vie de quelques faits et gestes de l'époque, taxé de menteur par leur chef !

Une consolation, cependant, pour H.B. Slama: RG n'a pas été jusqu'à lui demander de répéter ses «fausses allégations» sous serment à la mosquée ! Mais peut-être qu'il le lui demandera, sait-on jamais ?

Forza
| 26-05-2016 17:23
Ensuite la falsification commence déjà par l'intimidation. Les membres des chouabs harcelaient les gens à aller voter. Les enveloppes de votes étaient transparentes, on pouvait voir qui mettait quelle couleur dans l'enveloppe. Les agents qui tenaient les registres des électeurs étaient en majorité des membres de chouabs et on top il y'a la falsification lors de tri au ministère de l'intérieur. On ne peut considérer les « élections » qui se déroulaient sous les régimes de Bourguiba et Ben Ali comme démocratiques et transparentes. Concernant les élections de 1989, la ruée pour les islamistes était palpable et je crois Ben Slama lorsqu'il parle de 30% et l'RCD a probablement obtenu 60 ou 65% mais il veut voir les 90%+. Je pense aussi que Ben Ali a posé un piège aux islamistes. Ces derniers et au lieu de se contenter du nombre minimum de signatures par candidat, ont voulu montrer leur force et délivraient beaucoup plus de signatures. Le MI n'a eu qu'a regarder dans les registres pour que la machine commence a broyer les islamistes, leurs familles, amis et même voisins. La terreur contre les islamistes des années 90 est vive dans les esprits, des islamistes suspendus de leur travail, d'autres qu'on a forcé de fuir le pays surtout avec ce qui se passait en Algérie. C'est simple, ni Bourguiba et ni Ben Ali étaient sérieux concernant la démocratie. Ben Ali voulait donner l'impression d'ouverture et puis l'extrême gauche arriva et a cru a sa chance de déraciner l'Islam du pays en utilisant Ben Ali (surtout aux années 90), après Ben Ali lui-même est devenu assez proche des thèses islamistes et la radio du Coran, l'appel a la prière, les banques islamiques etc. ne sont que des signe et il y'avait un rapprochement avec Ennahdha avant la révolution et la déclaration de Ghanouchi qui s'exprimait positivement concernant Sakht Elmatri est le résultat de ce rapprochement.

G&G
| 26-05-2016 15:57
Ayant participé au dépouillement des élections de 1989, je n'ai pas constaté une seule falsification. Bien au contraire, la majorité écrasante des circonscriptions électorales dépassait les 90%. et c'était un fait réel. Cela s'explique par une popularité sans précédent d'un chef d'Etat qui sauva le pays du gouffre.
Mais, supposant qu'il y eu falsification, croit-on que Nahdha pourrait s'accaparer du pouvoir en 1989 ou après? Sinon pourquoi aujourd'hui n'a pas la majorité du suffrage.
D'autre part, personne ne va me croire si je confirme que lors des élections de 1994 il y a eu falsification au profit de l'opposition pour lustrer l'image de la Tunisie à l'extérieur. En effet, sur instruction de Ben Ali, les gouverneurs étaient obligés de réduire les taux de 100% reellement à des taux inférieurs à 92% ce qui n'avait pas plus à certaines circonscriptions comme Chébika qui voulait maintenir son taux réel (100ù). Les PV existent encore et l'on peut s'y référer.
Donc que l'on s'arrête d'halluciner et de prétendre que l'RCD n'st pas le plus fort sinon pourquoi l'empêche-t-on d'exister légalement sous son nom RCD ?
Tout simplement, parce que l'RCD fait peur par son poids.
G&G
RCDiste pour toujours.

JOHN WAYNE
| 26-05-2016 15:03
Q-1 : Vous avez qualifié les déclarations récentes de Hamouda Ben Slama comme étant des plus importantes depuis la révolution de la CIA du 14 Janvier 2011. Pourquoi ces déclarations sont-t-elles importantes ?
JW : Ces déclarations sont en tous points ou presque, véridiques et émanent d'un homme qui a la fin de sa vie ne désire qu'une chose : Marquer une carrière politique controversée et parfois confuse et ayant atteint un fin de parcours, par des confessions qui rendront justice a la Tunisie et a son histoire des dernières trois décennies. Les intentions de cet homme sont courageuses et respectables du point de vue intellectuel. Cela explique par ailleurs le démenti de Rached Ghanouchi et de son parti islamiste Enahdha.

Q-2 : Quelle est la valeur historique de ces déclarations ?
JW : Ces déclarations rendent justice au Président Ben Ali. Elles indiquent que cet homme qui jouissait d'un génie militaire et d'une intelligence proche de celle de Bourguiba, n'était pas un despote mais un homme doté d'une tolérance et d'une profondeur en pensée politique. Ben Ali a tendu la main aux islamistes Tunisiens dans une entente qui en théorie aurait été bénéfique à la Nation Tunisienne et à l'avenir même des islamistes. Détenir une poignée de sièges a l'assemblée Nationale aurait permis aux islamistes Tunisiens de survivre en tant que mouvement politique dans une atmosphère politique sereine ou ils auraient existé sans nuire a l'avenir économique, politique, et sécuritaire du pays. Les islamistes ont accepté cette entente de principe mais ont joué la même carte jouée actuellement par Enahdha : une carte d'entrisme et de camouflage politique qui dissimule des intentions d'avènement d'un régime totalitaire cruel et intolérant fondé sur les principes d'un Islam orthodoxe et fanatique.

Q-3 : Quelles autres informations cruciales sont dévoilées par les déclarations de cet homme ?
JW : Celles-ci tendent à indiquer que très tôt, l'homme d'affaire K.L. a tissé un lien solide avec les islamistes Tunisiens puisqu'il a servi de modérateur et de réconciliateur. Cela soutient donc mes informations publiées maintes fois sur Business News et qui qualifient cet homme d'agent des Américains. Les Américains n'avaient qu'une seule intention après le 7 Novembre 1987 : celle d'imposer à la Tunisie les islamistes Tunisiens dans un programme d'affaiblissement du monde Arabe par l'Islam au profit d'Israël et parce que les Etats Unis sont très proches de pays comme l'Arabie Saoudite et le Qatar avec lesquels ils entretiennent des relations historiques en termes de coopération militaire et énergétique. Sans compter que pour les Américains, l'Islam est la seule alternative pour les pays Arabes dans un contexte de bain masse du FMI car l'Islam est par définition une secte capitaliste qui considère les socialistes comme étant des mécréants. Déjà au lendemain du 7 Novembre 1987, la CIA avait détaché des agents doubles Tunisiens dont le but était l'affaiblissement du régime de Ben Ali et l'ouverture d'une faille fatale sur la Libye.

Q-4 : Je ne comprends toujours pas.
JW : Ces négociations ont été en elles-mêmes une erreur stratégique de Ben Ali dès le début de son règne. Elles ont offert aux islamistes une victoire électorale virtuelle qui devait leur garantir une assise populaire et une certaine légitimité politique. Les négociations ont fait gagner du temps aux islamistes qui se sont renforcés au niveau du peuple et au niveau de leur support international, c'est-à-dire au niveau des gouvernements occidentaux pro-Israël et de leurs services secrets.

JOHN WAYNE
| 26-05-2016 15:02
Q-5 : Pourquoi les Américains n'ont-ils pas manifesté autant d'hostilité envers Bourguiba et son régime ?
JW : La réponse est simple : les Américains savaient que Bourguiba jouissait d'un support à la fois historique et populaire et qu'il était devenu une légende intouchable. S'attaquer à Bourguiba aurait été peine perdue, mais l'arrivée de Ben Ali au pouvoir dont ils ont d'ailleurs au début contesté la légitimité, leur a offert une opportunité historique de débuter une campagne de subversion par medias et ONG interposées et qui devait porter ses fruits le 14 Janvier 2011.

Q-6 : En conclusion ?
JW : Ce pan de l'histoire de la Tunisie servira un jour d'exemple dans les plus grandes universités du monde. Il démontre que l'Islam et ses doctrines politiques ne sont guère compatibles avec des régimes stables au Moyen Orient ou en Afrique du Nord. Ben Ali était comme Mossadeq, tolérant et démocrate. Ce sont ces qualités ou faiblesses selon les interprétations de l'histoire, qui ont mené à sa déchéance. L'avenir du Monde Arabe repose sur des régimes socialistes, laïques, militaires, et autoritaires dont la raison même sera de démanteler l'Islam et de prévenir la menace que cette secte représente aujourd'hui pour le monde Arabe.

F.M. Alias JOHN WAYNE
Ancien Elève au Collège Sadiki.
Diplômé d'Histoire et de Sciences Politiques de l'Université Paris-Sorbonne.
Ancien Fonctionnaire aux Ministères des Affaires Etrangères et de l'Intérieur Tunisiens des gouvernements d'Habib Bourguiba et de Zine El Abidine Ben Ali.
Diplomate de carrière et spécialiste de la sécurité et du renseignement.

Citoyen_H
| 26-05-2016 12:00

Plus qu'exact, tout comme E=MC2.
Salutations.



déja-vu
| 26-05-2016 11:06
Qu'importe ce que disent les uns et les autres.

Les va-nu-pieds incultes qui vivent encore à l'ère des 'révélations' ignorent que la/les vérités sont aujourd'hui à la disposition des gamins sur la toile et ne dépendent plus des humeurs d'individus aussi honnêtes soient-ils. Des industries de manipulation de l'opinion fabriquent des 'histoires' chaque jour, avec des témoignages, des images, de la vidéo...qui font tourner le vent dans la direction voulue.
BN et ses commentateurs écrivent l'histoire chaque jour. Elle est plus crédible, plus vivante ...

Si vous savez voyager dans le temps, revenez à 2010 ou avant et suivez la chute vertigineuse de cette nation à travers ce valeureux journal et d'autres. Suivez vos transformations, oui vous-memes, parfois époustouflantes. Ça, personne ne pourra le changer.
La culture n'est plus seulement dans le toucher grisant du papier, mais encore et de plus en plus dans les paramètres d'un pixel()...
Laissez ce monsieur déclarer et faites vos recherches. C'est ce que des gosses ont appris à faire. Ils/elles haissent vos bouquins parcequ'ils n'offrent que des mensonges noir et blancs ridicules.

kameleon78
| 26-05-2016 10:45
La leçon du passé nous démontre qu'il ne faut jamais croire un islamiste. Un islamiste par essence est fourbe, menteur, haineux et vindicatif, il n'y a pas de remède, ils ne changeront jamais.

Bourguibiste nationaliste
| 26-05-2016 10:28
Entièrement d'accord avec l'équation.