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L'automobile en Tunisie : un secteur en plein essor freiné par le gouvernement
04/12/2013 | 1
min
L'automobile en Tunisie : un secteur en plein essor freiné par le gouvernement
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Avant la révolution, il souffrait du favoritisme au profit du clan Ben Ali, et presque 3 ans après, les déboires du secteur de l’automobile continuent. Autopsie d’un secteur entravé et freiné dans son envol.

Alors que la demande enregistre une forte hausse, les perspectives du secteur de l’automobile en Tunisie demeurent mitigées car l’offre est limitée par la réglementation qui le régit, désormais. Mais, paradoxalement, le circuit parallèle connaît un essor fulgurant et ne fait l’objet d’aucun contrôle digne de ce nom.
En effet, officiellement, l’importation des véhicules est libre en Tunisie, en vertu des accords avec l’Union européenne. Donc, théoriquement chaque concessionnaire peut importer le nombre de véhicules qu’il désire en fonction de ce qu’il peut écouler en se référant à la demande de sa clientèle. Dans la pratique, cela se passe autrement. Chaque année, le gouvernement tunisien attribue un nombre de quotas à chacun des concessionnaires.
Le hic, c’est que sous l’ancien régime, on prétendait avoir recours au système de compensation alors qu’en réalité, certains bénéficiaient de favoritisme et de complaisance. En 2012, les importateurs-concessionnaires se sont répartis entre eux le volume total importé. Mais, c’était sans compter avec le ministère du Commerce qui a repris les rênes du marché en 2013, déterminant, de manière unilatérale, sans concertations et sans tenir compte des avis des professionnels, les quotas sans barèmes clair, ni aucune transparence dans le traitement des dossiers.
«Il fallait un bac +6 pour comprendre le système d’attribution des quotas sous l’ancien régime, maintenant il faudrait avoir au moins un bac +20», fustige l’un des concessionnaires, notant que chaque jour, le ministère nous sort une nouvelle théorie et que les règles établies au début de 2013 n’ont pas été respectées. Il souligne, dans ce contexte, que «les efforts de certains groupes pour l’exportation, faisant référence au système de compensation, ne sont pas reconnus dans les quotas».

Autre point, le secteur de l’automobile est fortement corrélé au contexte macroéconomique difficile que connaît la Tunisie depuis la révolution, notamment l’aggravation du déficit commercial et la baisse des réserves en devises. Ainsi, et en fonction de la conjoncture économique et des ressources en devises du pays, le ministère établit, chaque année, le programme général d’importation des véhicules.
Mais, en consultant les chiffres publiés par l’Agence technique des transports terrestres, on constate que le nombre des voitures importées jusqu’à octobre 2013 a atteint 65.784 véhicules, soit une hausse de presque 50% en plus du quota total (45.000 unités) accordé aux concessionnaires pour l’année en cours.
Les données indiquent, également, que les véhicules ré-immatriculés (donc d’occasion) ont augmenté de 1,7% entre 2012 et 2013, contre une baisse de 7,1% pour le nombre de voitures importées légalement par les concessionnaires officiels, pendant cette même période.
Le constat est sans appel : presque le tiers des voitures importées en 2013 sont des véhicules d’occasion distribués à travers les circuits parallèles exerçant dans le noir, notamment en recourant au régime FCR (Franchise de changement de résidence).
Certains concessionnaires avancent, pour leur part, que le marché parallèle a immatriculé, jusqu’à fin octobre, plus de 39.000 véhicules soit plus de 85% du quota alloué aux concessionnaires formels.

Il est évident que les importateurs des circuits parallèles ne sont pas soumis aux réglementations de différents taxes et impôts auxquels doivent répondre les autres concessionnaires et revendeurs, privant, de ce fait, l’Etat de recettes, de taxes à la consommation et de droits de douane que devrait générer l’importation des véhicules neufs : des revenus qui ne peuvent être que les bienvenus en ces temps de crise !
Pire, ces véhicules posent différents problèmes : certains se sont avérés en train de circuler avec des papiers falsifiés. D’autres maquillés, on ne peut plus déterminer leur « identité » : ces véhicules peuvent présenter des risques sécuritaires ou une vétusté faisant d’eux des pollueurs et de grands consommateurs de carburants. Autres points, la plupart du temps, ces véhicules sont sans garantie et surtout munis d’un moteur qui n’est pas compatible avec le climat chaud et poussiéreux de la Tunisie.

Ainsi, le secteur se trouve confronté à plusieurs problèmes (importation sauvage de véhicules et de pièces détachées, ouverture de showroom sans autorisation, etc.), qui «ne trouvent aucune oreille attentive même de la part du ministre du Commerce, trop occupé à faire de la politique, lésant de ce fait non seulement les professionnels du secteur mais également les consommateurs, les véhicules et pièces de rechange n’étant pas conformes à ce qui leur a été annoncé avant l’achat», nous confie l’un des concessionnaires.
«Le secteur de l’automobile est devenu la vache à lait des autorités tunisiennes», a noté un autre concessionnaire réagissant notamment aux nouvelles taxes annoncées dans la loi de finances, et se disant étonné par la passivité des autorités qui laissent prospérer le marché parallèle qui ne paie pratiquement pas d’impôts alors qu’eux en sont surchargés.

Autre aberration du système des quotas dans notre pays, les Tunisiens n’achètent pas ce qu’ils veulent comme véhicules mais ce qu’ils trouvent. C’est pour cette raison aussi, que le marché parallèle peut vendre parfois des véhicules plus chers que le concessionnaire officiel, en comblant des demandes que les circuits officiels sont incapables d’y répondre dans le sens où ils ont des listes d’attentes de 2 et 3 ans pour certains de leurs véhicules, notamment 5 CV.
En effet, le marché de l’automobile n’est pas régi comme il devrait l’être par les lois de l’offre et de la demande, en laissant la concurrence loyale jouer le rôle de régulateur et déterminer, de ce fait, les quotas de chacun. C’est le ministère du Commerce qui s’est érigé en tant que juge, distribuant les quotas au gré de son bon vouloir. Ainsi, plusieurs se trouvent limités dans leur envol, subissant un manque à gagner avéré et une croissance bridée.

Les concessionnaires sont presque à l’unanimité pour l’ouverture du marché de l’automobile qui laissera la concurrence décider des quotas selon la demande des consommateurs.
Cette ouverture permettra, enfin, aux clients de choisir leur véhicule, selon leurs besoins et leurs attentes. La concurrence obligera les concessionnaires à faire baisser leur prix tout en améliorant leurs prestations, à investir davantage en marketing et communication et à élargir leurs réseaux sur le pays contribuant, ainsi à la création d’emplois.

Imen Nouira
04/12/2013 | 1
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