Chaque drame, et il y en a eu des masses dans ce pays, rajoute une couche à la tristesse ambiante, à un inconscient collectif qui intériorise les chocs à n’en plus finir. Jusqu’à quand ? Absurde. C’est l’idée qui me vient à l’esprit en apprenant le décès d’un jeune médecin happé dans une cage d’ascenseur déficient. Déficient par le fait de l’incompétence et de l’irresponsabilité de nos gouvernants. Jusqu’à quand ? Absurde dans le sens philosophique du terme. Et comme une réminiscence, cette phrase s’impose à moi : Aujourd’hui, Badr est mort. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai appris cela dans le journal : « Médecin décédé. Chute dans un ascenseur. 26 ans. Ouverture d’une enquête par les autorités ». Cela ne veut rien dire… Je représente à ce moment-là l’archétype de cet Humain broyé par le désarroi face au non-sens, de cet Humain qui se sent étranger dans un monde qui échappe à toute logique.
Après le désarroi face à l’absurde, vient l’imbrication d’une immense tristesse et d’une rage incandescente. Et un leitmotiv, toujours, - jusqu’à quand ? Comment mettre des mots sur une aberration ? Que dire encore quand tout a été déjà dit et écrit à maintes reprises à s’en abimer les articulations des doigts ? Attendre sagement qu’une commission d’enquête soit créée ? Patienter que les résultats de cette enquête soient révélés ? Associer commission et enquête après une tragédie en Tunisie est devenu une blague dont tout le monde se gausse. Si vous voulez enterrer une affaire, créez une commission !
Le fait est que la mort de Badr aurait pu être évitée. Le fait est que depuis 2016, le personnel a signalé la panne de l’ascenseur. Le fait est que l’hôpital n’a pu payer le prestataire faute de budget. Le fait est que rien n’a été fait depuis. Pas besoin de commission, pas besoin d’enquête pour désigner le responsable. Pas besoin de bouc émissaire qui prendra tout sur le dos afin de passer rapidement à autre chose sans que la situation ne change d’un iota.
Une jeunesse sacrifiée, victime d’années de corruption, d’incompétence, de mauvaise gestion, d’impunité et d’indifférence. Des gouvernants naviguant à vue, adeptes des rafistolages, court-termistes, sans vision aucune, sans planification, sans stratégie. Des gouvernants ne se remuant que quand c’est trop tard pour jouer aux pompiers le temps d’un drame et retrouver tout de suite après leur légendaire nonchalance. Jusqu’à quand ? J’ai lu cette phrase quelque part : « La Tunisie assassine ses médecins par non-assistance à une santé publique agonisante ». Indéniablement, il s’agit d’un homicide. Des médecins jetés, sans équipements adéquats, sans moyens pour pratiquer, dans des hôpitaux qui tombent en ruine, sans entretien, sans maintenance, parce que d’autres n’ont pas fait leur part du travail, parce que l’Etat est démissionnaire.
Vu comment ça se présente, comment la classe politique continue à se déchirer, un tableau noir se dessine et prédit l'extinction de tout espoir de réforme. A moins d’un sursaut, ou d’un miracle, l’avenir de toute une génération est scellé, l’avenir de la Tunisie.
Le décès du jeune médecin est une douloureuse métaphore de l'ère de la chute que traverse le pays. La chute des valeurs et des principes. La chute d’un secteur public à l’agonie. La chute d’une classe politique grabataire et incapable de trouver des solutions. La chute d’une gouvernance qui arrive aux limites de ce qui est supportable. La chute de l’espoir… Badr est un martyr, comme d’autres avant lui, de la chute de l’Etat.
Mon commentaire est tardif . J'espère que vous le lirez malgré tout . J'ai déjà écrit ici que vous êtes d'un amour sincère pour la Tunisie . Je viens de relire votre émouvant et touchant commentaire et il me conforte dans le même sentiment .
Je profite pour revenir sur votre commentaire au sujet du sieur Affès où vous écriviez : " il a été élu . C'est tout " .
Auquel j'ai réagi comme vous le savez , sans vindicte ,ni animosité . Je pense que sur le coup je n'ai pas saisi le fond de votre pensée qui est , si je ne me trompe pas :" maintenant vous n'avez que vos yeux pour pleurer " .
Ce en quoi vous n'avez nullement tort .
Votre commentaire a eu le mérite de me faire penser à l'idée de sédition de la part de cet individu , concept longuement et brillamment développé par @ abouali .
Les nouvelles du pays ne sont pas réjouissantes .Comme vous je me fais du mauvais sang .
Je vous souhaite une bonne soirée.
Y a-t-il plus absurde et plus révoltant ?
On ne meurt pas à 26 ans . Ce n'est pas dans l'ordre naturel des choses , sauf en Tunisie " absurdie " .
Madame Latif , cette incroyable et triste histoire rappelle furieusement le roman de Gabriel Garcia Marquez , " Chronique d'une mort annoncée " . C'est un concentré de l'histoire récente et " future " de la Tunisie . Où tout le village , l'ensemble des protagonistes , jusqu'aux futurs assassins eux mêmes - dans le cas de notre pays , j'ai un bémol - font tout pour alerter la victime et lui éviter la mort . Pour autant Santiago Nasar finira les tripes à l'air sous les coups de couteau de ses assassins , les frères Vicario .
Clairee métaphore de l'indigence morale de ses concitoyens qui s'applique bien à notre pays .
Rien sur ce bout de terre d'Afrique du Nord ne semble en mesure de s'opposer à l'inéluctable dessein du destin .
C'est la destinée méritée d'une société dévoyée .
Volonté , hasard , fatalité , enchaînement de circonstances malheureuses et chaotiques .Tout cela à la fois
Voici un court extrait du roman de G.G.Marquez qui s'applique à bien des citoyens de ce pays : " il se portait mieux que nous tous , mais quand on l'auscultait on entendait bouillonner les larmes de son c'?ur ".
Vous connaissez sans doute cette scène du film " La Haine " de Mathieu Kassovitz , un type qui chute d'un immeuble de 50 étages et qui à chaque étage dit " jusqu'ici tout va bien ", " ce qui compte ce n'est pas la chute , c'est l'atterrissage ".
Je crains que le plancher des vaches ne soit pas bien loin et que l'atterrissage ne soit des plus douloureux .
Bien à vous .
Il n'y a pas eu de lutte et donc pas de souveraineté : il ne nous reste que les perspectives de la pax americana et ce serait une erreur fatale de ne pas s'y accrocher, c'est notre dernière planche de salut.
Nous avons besoin d'un Poutine, par exemple
Notre Tunisie est foutue à cause des responsables minables sans aucun un grain de patriotisme, elle foutue à cause de l'ignorance d'un peuple, à cause de ces minables des commerçants de la religion pour qui on vote
Elle est vraiment foutue sauf peut-être le patriotisme d'une junte militaire patriote , pas d'autre solution ...
Nous voici après une décennie le constat est frustrant et amèrement ressenti aux quatre coins du pays cette peuplade d'incompétents sévit impunément, en semant un chaos indescriptible à travers les régions,des manifestations paralysants des secteurs vitaux du pays en ces périodes hivernales où l'alimentation en gaz est nécessaire.
Toutes actions destructrices et nos élus somnolents, indifférents pas de préoccupation comme si ça ne les concernent pas !
Toutes actions destructrices de l'économie paraissent inaudibles ils ne sont pas concernés ces Messieurs de l'ARP en bataille rangé pour des chamailleries et de l'improductif qui règne ces messieurs répondent présents pour plus d'anarchie et désordre.
Tout un pays plongé dans le désarroi,ce délabrement de l'infrastructure des bâtiments officiels qui tombent en lambeaux des hôpitaux devenus mouroirs pour les citoyens et même pour ceux qui résidents qui font tant que mal donner des soins avec un matériel vetuste à l'agonie des ascenseurs devenus pièges pour utilisateurs, ou on va avec ce laisser-aller ?
A quand prendront ils conscience et cesser de faire semblant, dans l'attente de la chute qui balaiera tous ce beau monde qui a mis tout un pays dans les marasmes et le désespoir.
Un jeune parmi les meilleurs happé au fleur de l'âge par négligence, et irresponsabilité de quelques uns qui se sentent au dessus des lois,des intouchables profitant du système. (Manai)
PS : Allah yarhamou,paix à ton âme BADR éddine martyre pour venir en aide à ses concitoyens.
Bien à vous
pauvre patrie .
c'est le Tunisien qui est démissionnaire, il n'en a rien à foutre et pleurniche après.
Comme nous tous. sinon j'ai beaucoup aimé l'article.
La responsabilité en incombe à tous ceux qui ne se sont pas révoltés à la mort de Belaid et Brahmi, et contre des gouvernements indigents, qui massacrent le pays depuis 10 ans. Et à tous ceux qui les ont élus, élection après élection.
Les dernières élections ne comptent pas, tellement elles ont été manipulées, l'un des deux candidats majeurs en taule durant la campagne, sans décision judiciaire.
Un vieux sénile incompétent a tenu les rênes durant ces 10 années de malheur, où la fonction publique a doublé ou triplé ses effectifs sans le moindre iota de gain de production. Les caisses de l'Etat ont été pillées au titre de l'amnistie, les terroristes constituent maintenant un second pouvoir, bien plus efficient, dans ses desseins, que l'officiel qui rampe et se couche devant eux.
Alors oui, c'est la chute, le Titanic Tunisie plonge l'étrave vers les abîmes et se déchire.
Des ascenseurs bricolés par des ignares dangereux, il y en a partout. Des routes, des ponts, des trains, des bâtiments, des entreprises jadis prospères, sont comme ce symbolique ascenseur qui a tué un jeune parmi les meilleurs.
Ma famille, jadis pauvre, ne vit aujourd'hui que de l'aide que nous lui envoyons pour manger, acheter du gaz quand il y en a, payer l'électricité et l'eau, quand il y en a. Et les médicaments et... Adieu la fierté qui tient les pauvres debouts. C'est la chute, croyez moi je le constate avec rage, la Tunisie il y a encore 10 ans, était un beau pays où il faisait bon vivre.
Le miracle serait qu'un dictateur patriote reprennent les rênes, mais les miracles sont rares.