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Chroniques
Le règne de l’inertie
Par Houcine Ben Achour
12/04/2024 | 08:49
4 min
Le règne de l’inertie

 

 

« Sans liberté de blâmer, il n’est pas d’éloges flatteurs » ; « La critique est aisée, mais l’art est difficile ». Ces deux maximes se prêteraient bien au paysage politique du pays. Entre une opposition qui légitimement est en droit de critiquer l’action du gouvernement et un Exécutif désemparé face à l’énormité de la tâche à accomplir pour maintenir le pays à flots. On assiste en quelque sorte à des réponses du berger à la bergère. Sauf que les critiques de l’opposition sont constamment les mêmes et les répliques du gouvernement guère rassurantes. Les uns ne présentent pas d’alternatives sérieuses de sortie de crise et l’autre n’en est qu’à gérer le quotidien ne laissant aucune marge de manœuvre à ce qu’il faut vraiment entreprendre pour redresser le pays sur le court, le moyen et le long terme. Les uns se suffisant de discours superficiels sans objectifs précis et le gouvernement de mesures pare-feux qui s’entrechoquent.

Pourtant les instruments d’analyse existent pouvant permettre à l’opposition comme à la majorité au pouvoir de dégager des perspectives pertinentes de sauvetage. Malheureusement, elles ne semblent pas en tirer convenablement profit, à l’instar des différents rapports qui accompagnent chaque année le projet de loi de finances (PLF). Sur la dizaine de rapports qu’énonce l’article 46 de la loi organique du budget devant être présentés concomitamment avec le PLF, seulement deux bénéficient de l’intérêt des médias et de la classe politique : le Rapport sur les équilibres globaux du budget de l’État et celui retraçant la situation des établissements et entreprises publics. Accessoirement, le Rapport annuel sur la dette.

Le reste qui constitue aussi une mine d’information et pour le gouvernement et sa majorité à l’Assemblée des représentants du peuple et pour les partis de l’opposition leur permettant d’identifier des stratégies de sortie de crise qui se fondent sur des programmes opérationnels crédibles.

Quels enseignements, opposition et majorité au pouvoir, ont-elles tirées du Rapport détaillant les projets de chaque ministère et leurs performances, c'est-à-dire un état des lieux de l’action du gouvernement et les objectifs de chaque ministère ? Qu’ont-elles appris du Rapport sur l’activité des Fonds spéciaux – une malheureuse et subliminale coquille a marqué le Rapport sur la situation des Fonds spéciaux couvrant l’année 2022 dont le titre en français parle de Fonds «spécieux » et non « spéciaux » ? Des Foprodi, Fonapra, Fosda, ... ? Fournissent-ils l’efficacité requise sinon a-ton imaginé, chez les autres comme chez l’autre, une refonte de ces instruments de soutien qui traduirait le modèle de croissance et de développement souhaité par chacun ? Quelles leçons a-t-on tiré du Rapport sur la répartition régionale de l’investissement public, tenant compte des priorités et des opportunités ? A-t-on exploité au mieux les données du Rapport sur les dépenses fiscales, rapport qui évalue le coût budgétaire ou plutôt le manque à gagner budgétaire des exonérations fiscales partielles ou totales accordées par l’État aux entreprises et aux ménages ? A ce propos, le Rapport couvrant l’année 2022 recense près de 350 mesures d’exonération représentant un manque à gagner budgétaire d’environ 6,4 milliards de dinars, soit l’équivalent de près de 18% des ressources fiscales du budget de l’État. Une enveloppe qui ne cesse de croître d’une année à l’autre sans que ses retombées ne soient significatives en termes de croissance économique et d’emploi. A titre d’exemple, le coût des exonérations douanières d’intrants au titre de soutien à l’industrie locale a atteint près de 830 MD en 2022 tandis que le manque à gagner budgétaire des exonérations de TVA à l’importation de produits de consommation alimentaire est évalué à 525 MD environ. Les exonérations fiscales, douanières et de droit de consommation concernant le régime de Franchise pour changement de résidence, le fameux FCR, atteignent 1,6 milliards de dinars. Tout cela compte non tenu des exonérations fiscales et douanières sur les investissements des Tunisiens résident à l’étranger évaluées à un peu plus de 100 MD. La liste est forcément longue à énumérer représentant des niches fiscales qu’il convient de revisiter dans une perspective d’accroissement des ressources propres du budget de l’État à défaut de pouvoir réduire les dépenses budgétaires et par-delà de réduire le déficit budgétaire et le recours à l’emprunt.

Le Rapport sur le partenariat public-privé est lui aussi digne d’intérêt puisqu’il énonce que rien de substantiel n’a été entrepris pour mettre sur les rails. Près de la moitié du document se rapporte aux difficultés de démarrage de ce système. Qu’a-t-on fait, opposition comme majorité au pouvoir, pour y remédier en termes de propositions pour l’une et de mesures concrètes pour l’autre ?

Dans la perspective de l’élection présidentielle, chaque camp est invité à apporter des réponses fiables à ces questionnements et tant d’autres qui constituent somme toute les attentes du citoyen. A défaut, il faudra s’attendre une fois de plus à une abstention massive de l’électorat et une dégradation supplémentaire de la situation du pays.   

 

Par Houcine Ben Achour
12/04/2024 | 08:49
4 min
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Commentaires
Bta
Faux calcul
a posté le 13-04-2024 à 08:04
La Loi de Finance est faite pour consolider le budget de l'Etat par diverses taxes et les appliquer.
L'Etat pense qu'en raclant les fonds de tiroir va améliorer le Budget et les exonérations vont le léser.
C'est beaucoup plus complexe que cela. Le problème majeur c'est de faire de la croissance, limiter l'inflation donc investir et encourager les investisseurs pour créer de la richesse. Pour cela il faut des avantages et des sacrifices ( moins de taxes, pour une période).
En plus un investisseur étranger sera frileux si ses gains ne sont pas rapatriés en devises ( encore une défaillance de la BCT).
En fait il faut une stratégie globale , un programme sur le moyen terme avec des objectifs et non pas du bricolage le jour le jour.
Dring dring
Avis totalement en ligne avec l'article
a posté le à 12:47
Oui