Déficit budgétaire: l'ambitieux pari du gouvernement
Oui, cela ne fait aucun doute, l’Etat vit largement au-dessus de ses moyens. Les déficits budgétaires qu’il accumule depuis des décennies n’en sont que la preuve la plus évidente. Mais, il n’y a pas que l’Etat qui vit au-dessus de ses moyens. Tous les agents économiques de ce pays vivent au-dessus de leurs moyens. Cela se constate aisément à la lecture des données de comptabilité nationale que publie annuellement l’Institut national de la statistique (INS). En 2015, Le revenu national disponible par habitant (RND/hab) était de 6.670 dinars tandis que la consommation finale par habitant affichait un montant bien supérieur à 6.898 dinars. Une première depuis 2011. Ainsi, ce n’est pas seulement l’Etat qui devrait être cloué au pilori. Cela ne devrait nullement l’exonérer de montrer l’exemple et de réduire son train de vie. Bien au contraire. Particulièrement en période de vache maigre.
C’est ce que compte entreprendre le gouvernement Chahed durant ces prochaines années. Pas plus tard que ces derniers jours, le chef du gouvernement a indiqué que l’objectif serait de ramener le déficit budgétaire sous la barre des 3% du PIB à l’horizon de 2020. S’il faut saluer, ici, l’ambition du gouvernement. Il s’agit aussi de ne pas se dérober du principe de réalité. Car, réaliser une telle performance est loin d’être une sinécure. Elle nécessitera un effort sans précédent d’imagination.
En 2016, le déficit budgétaire a dépassé les 6% du PIB (5,5 milliards de dinars) contre une prévision initiale de 3,9% révisée à 5,7% (5,2 milliards de dinars) par la loi de finances complémentaire élaborée par le gouvernement Chahed. Pour 2017, la loi de finances escompte un déficit budgétaire de 5,4% du PIB. Arrivera-t-on à réduire de presque la moitié un tel taux, d’ici deux ans?
Il faudrait d’abord espérer que la croissance économique reprenne le trend qui était le sien avant 2011, permettant ainsi d’accroître sensiblement les ressources propres du budget. Cependant, cela ne suffira pas pour autant à réduire le déficit budgétaire 3% du PIB. En effet, si tout serait égal par ailleurs, le gouvernement devra opérer des économies de dépenses qui devraient atteindre environ 2 milliards de dinars en année pleine en 2020.
Grignoter sur le budget des rémunérations ? C’est possible en réduisant les effectifs de la fonction publique et non plus se suffire de stopper les recrutements nets. Réduire drastiquement le budget de fonctionnement ? C’est aussi possible pour peu qu’on engage une réelle opération de chasse au gaspi. Malheureusement, celle-ci ne pourra pas donner de substantiels résultats sur le court terme. Ne reste alors qu’à s’attaquer au budget d’intervention publique, c’est-à-dire les programmes d’aide de toute sorte (Programme d’aide aux familles nécessiteuses, Aide médicale gratuite, aides pour les fêtes, aides à l’occasion de la rentrée scolaire, …) ainsi qu’au budget de la subvention et surtout de la subvention à l’énergie. Atteindre 3% de déficit budgétaire reviendrait à opérer des coupes claires sur ces programmes et cette subvention. Cela supposera, entre autre, des réajustements successifs du prix public de l’énergie. Cela supposera, aussi, la radiation de plusieurs centaines, sinon milliers, de familles bénéficiant, jusque là, des programmes d’aides précités. Et tout cela devrait être engagé dès l’année prochaine. Le projet de budget de l’Etat pour l’exercice 2018 devrait refléter cette démarche.
Il faudra bien de l’audace et du courage au gouvernement pour faire passer de telles pilules. Poursuivant, imperturbable, son petit bonhomme de chemin en dépit de la contestation de plus en plus ouverte au sein même de son propre camp, Youssef Chahed résistera-t-il plus en osant affronter en même temps la contestation sociale ? Le pari est difficile et tout pronostic serait hasardeux.