Je pleure mon Qatar !
Les pleureuses tunisiennes continuent à se lamenter sur le sort du Qatar, mis au ban et de plus en plus en difficulté. Les veuves éplorées n’en reviennent pas de ce revirement de situation qui ne sert aucunement leurs intérêts et qui fragilise d’autant plus leur position. Un vent de panique a soufflé cette semaine sur les inféodés tunisiens au régime qatari. De qui perdait un soutien politique et stratégique solide, de qui se voyait perdre son bailleur de fonds et les millions de dollars qui renflouaient ses caisses. C’est le choc et les pauvres ne semblent pas s’en remettre, surtout que les événements semblent s’accélérer et se compliquer pour le minuscule Qatar.
Prudents et rusés comme ils sont, nos Frères ont préféré se la jouer stratèges. En fins tacticiens, ils ont accouché d’un communiqué officiel très langue de bois diplomatique, appelant au dialogue entre les protagonistes et encourageant une médiation pour le retour des relations.
La chute du Qatar et la disgrâce à l’échelle internationale de la Confrérie auront irrémédiablement une incidence directe sur nos islamistes. Il fallait donc se prémunir et protéger ses arrières afin de ne pas être pris au dépourvu. C’est dans ce contexte qu’un soudain rapprochement s’est opéré cette semaine entre Ennahdha et Nidaa. Un avant-goût d’une alliance qui assurerait justement les arrières du mouvement. Optimiser ses chances et consolider les meilleures relations possibles à l’échelle nationale, ce n’est pas bête.
Entre temps, l’armée d’admins islamistes fait campagne contre le bannissement du Qatar et déverse toute sa haine sur les détracteurs de ce pays, protecteur du terrorisme, qu’ils le veuillent ou non. Seul l’ancien secrétaire général d’Ennahdha, également ancien chef du gouvernement a appelé clairement à une prise de position forte, déplorant un complot tramé contre les révolutions des peuples arabes et leur premier soutien qu’est le Qatar.
Les plus virulents, toutefois, ont été les anciens CPR et actuels Harak, à leur tête l’ex-provisoire Moncef Marzouki. Un Marzouki qui, comme à son habitude, n’a pas pris en compte son statut particulier d’ancien président et de la retenue qui lui est due. Atterré, indigné, inconsolable face à la déchéance de ses grands amis les qataris, Marzouki ne cesse de crier haut et fort sa peine depuis une semaine.
Celui à qui l’ancien émir du Qatar apprenait fièrement à se tenir, n’a pas hésité à justifier la nature de ce régime dictatorial en ces termes qui resteront dans les annales de la flagornerie : « le Qatar ne prétend pas être démocratique pour des raisons qui le concernent » (sic !). Déstabilisé et très affecté par ce qui se passe au Qatar, il en vient à oublier son supposé droit-de-l’hommisme. Il n’était pourtant pas spécialement affecté lorsqu’on avait imposé un embargo à l’Irak et que le pays avait été attaqué. Il affichait même son soutien à cette entreprise…
Dans la soirée de jeudi, l’Arabie saoudite et ses alliés ont publié une liste des personnes et des organismes terroristes soutenus par le Qatar. On y retrouve entre autres, l’Egyptien Youssef Qaradhawi et le Libyen Abdelhakim Belhaj. Tous deux entretiennent d’excellentes relations avec nos islamistes tunisiens, ils ont même eu droit à des visites en Tunisie avec les honneurs, alors que Qaradhawi recevait à son bureau, il y a moins de deux ans, le vice-président de l’ARP, Abdelfattah Mourou. Ce n’est pas ce dernier qui défendra le prédicateur, mais encore un Marzouki survolté et plus royaliste que le roi qui plaidera en faveur du « cheikh » à la solde du plan politique suspect du Qatar.
Mais encore, parmi les entités citées dans cette liste se trouve l’association Qatar Charity, une organisation active dans différents pays, dont la Tunisie via sa filiale Tunisia Charity. Qui était le président de cette succursale : Abdelmonem Daïmi, frère du député Harak Imed Daïmi. Les sources de financement et l’opacité des activités de Tunisia Charity ont été épinglées sans qu’il n’y ait de suite… Accusée à l’époque de soutenir le terrorisme par des syndicats sécuritaires tunisiens, l’étau se resserre aujourd’hui.
Les répercussions de la crise qatarie se font déjà ressentir en Tunisie. Des têtes vont tomber et la peur au ventre, le camp des amis du Qatar tente tant bien que mal de tirer son épingle du jeu. Les accusations portées par l’armée libyenne concernant un colonel qatari qui aurait financé le terrorisme depuis la Tunisie aggravent la situation. Les pleureuses n’ont pas fini de pleurer.