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Chroniques
Quel accueil pour les Subsahariens ?
Par Synda Tajine
07/05/2024 | 15:59
4 min
Quel accueil pour les Subsahariens ?

Avec son ironie habituelle, si l’histoire nous apprend encore quelque chose, c’est que les peuples n’apprennent pas forcément de leur histoire. Nous avons vu cela avec les Israéliens qui reproduisent l’horreur de la Shoah aux civils à Gaza et nous sommes en train d’assister à la même chose de la part des Tunisiens face aux Subsahariens. Deux phénomènes parfaitement incomparables, mais qui nous prouvent que les peuples n’ont pas de scrupule à faire subir aux autres ce qu’on leur a, eux-mêmes, fait subir.

 

Nous ne connaissons pas encore le nombre exact de migrants irréguliers venus de pays d’Afrique subsaharienne sur nos terres ces derniers mois. Au lieu de quantifier le problème, afin de mieux s’y attaquer, le pouvoir préfère jouer la carte complotiste…encore uns fois.

Les chiffres les plus crédibles évoquent la présence de 80 à cent mille clandestins en Tunisie. Mais, il est pratique pour le pouvoir de ne pas donner de chiffres officiels. Ceci permet de profiter des rumeurs propagées sur la toile et de nourrir les théories complotistes en tout genre.

Notre gestion du dossier des migrants clandestins ne nous montre pas sous notre meilleur jour. Le chef de l’État donne libre court à sa pensée complotiste pour évoquer « un plan criminel visant à métamorphoser la composition démographique de la Tunisie ». Des dirigeants – comme la députée Fatma Mseddi – brillent encore une fois par leur ignorance en proposant des solutions inutiles dans un racisme décomplexé.  La toile, elle, se déchaîne en véhiculant des messages de haine enrobés d’intox. Un tableau loin d’être des plus réjouissants. La position du pouvoir n’aidant pas, les discours présidentiels étant plus diviseurs que jamais.

 « Les migrants subsahariens sont certes des victimes, mais la Tunisie n’est pas responsable de leur misère […] la Tunisie ne sera pas une terre pour implanter ces gens-là. Elle ne sera pas une terre d’accueil pour eux », avait déclaré le président hier en réunion du conseil de la sécurité. Kaïs Saïed est allé jusqu’à accuser les ONG qui les défendent d’être des « traitres et des mercenaires », pointant du doigt, comme toujours, l’argent sale : « L’affluence de centaines de personnes au quotidien se fait parallèlement à l’affluence de l’argent provenant de l’étranger par milliards ».

La position officielle est limpide. Elle est non seulement hostile, mais aussi violemment clivante. Toute cette tension officielle ne fera que rendre la cohabitation avec ces migrants clandestins, eux-mêmes dans un état de grande détresse, impossible. La tension ne peut être créatrice que de tensions et la violence, engendrer encore plus de violence. Ce n’est pas du tout ce que les citoyens, las de cette situation de désordre provisoire, réclament. Loin de là.

Toute cette hostilité et la gestion tendue de ce dossier, qui n’est pourtant pas né d’hier, ni de l’année dernière, ne fait que prouver une ignorance évidente et une incapacité à placer les choses dans leur contexte. Il est en effet ridicule de penser que le pays est visé par un vaste complot de nature démographique. Cette vague migratoire émane, comme partout dans le monde, d’un contexte économique, social et politique global. Ceci n’est en rien différent des milliers de Tunisiens qui ont pris le large depuis 2011 pour s’entasser sur les côtes de Lampedusa. On n’avait de cesse de réclamer un traitement humain pour ces migrants tunisiens – pourtant illégaux – et de s’indigner contre le traitement inhumain qu’ils avaient dû subir. Les Subsahariens ne méritent pas moins de notre part.

 

Comme le dit si simplement l’excellent Zyed Krichen dans sa chronique radio : « il faut un dialogue apaisé sur la question ». Ceci est évident, mais loin d’être aussi simple sur le terrain.

La question migratoire a, à la fois, fait ressortir le racisme latent de la société tunisienne, mais aussi permis de relancer les questions identitaires cycliques qui se ravivent à chaque occasion. Les Tunisiens se sont brusquement rappelé qu’ils étaient eux aussi Africains, et non seulement maghrébins, méditerranéens, arabes et musulmans… Autant dire que le débat sur la situation migratoire est tout sauf un simple problème qui sera résolu en l’espace de quelques semaines – ou mois – au moyen de la matraque sécuritaire. Surtout que la solution sécuritaire, partout où elle a fait son passage, ne s’est jamais réellement révélée efficace.

 

Comme à chaque fois, le pouvoir attend que la situation devienne insoluble pour commencer enfin à chercher des solutions. Nous avons vu cela avec plusieurs autres dossiers critiques, dont celui du stress hydrique. Il est plus que jamais temps d’apaiser les tensions afin de s’attaquer, enfin, au cœur du problème…de manière non seulement apaisée, mais aussi durable.  

Par Synda Tajine
07/05/2024 | 15:59
4 min
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Commentaires
Rationnel
Populisme Conspirationniste
a posté le 08-05-2024 à 14:00
On un régime d'exception qui a besoin d'une crise existentielle pour se justifier.
Le modèle de gouvernance est le populiste conspirationniste donc les conspirations sont essentielles.
S'il n y avait pas la migration des subsahariens une autre conspiration serait inventée.
Le régime n'a aucune raison pour résoudre cette 'crise' puisque elle est essentielle pour sa continuité.
Rien n'a change depuis l'année dernière quand soudainement ce problème est devenu grave pour se dissiper au bout d'un mois sans résolution.
Les crises ne peuvent pas dominer le paysage médiatique, facebookien et tiktokien pour plus d'un mois ou deux, donc le régime programme une série de crises et de conspirations. La crise du complot contre l'état a perdu sa puissance médiatique et son pouvoir de convaincre donc il passe a la suivante.
Le cas de KS est devenu un domaine d'étude pour les politologues, une nouvelle discipline: le populisme conspirationniste ( voir Exploring Conspiracist Populism in Power: The Case of Kais Saied in Tunisia ).
Ceci inquiétant pour le futur du monde, KS est un pionnier dans ce domaine et son modèle va être imite par d'autres leaders populistes.
Faute de solutions, on peut occuper le peuple avec des conspirations.
Be zen
Rationnel
a posté le à 15:08
Tant que le peuple répond présent au populisme, tant qu'il acquiesce et soutient ces thèses conspirationnistes et farfelues, le pouvoir aurait tort de se priver de ce discours qui lui est profitable !
Moi, je dis qu'il faut changer le peuple ;)
Agatacriztiz
Remettons un peu les pendules à l'heure
a posté le 08-05-2024 à 12:38
Cessez ce discours répétitif de victimisation des "malheureux subsahariens" qui, selon vous, n'y sont absolument pour rien dans leur destin d'eternels brimés, victimes innocentes dans leur dilemme de choisir entre le marteau de leur situation misérable dans leur pays de despotes (pourvoyeurs entre autres de toutes les matières premières dont les nantis de la planète ont besoin pour écraser celle dont ils font partie) et l'enclume de traverser de manière hasardeuse la Méditerranée pour un emploi d'esclave exploité jusqu'aux os en Europe, avec le risque certain d'être, entre-temps et sur leur parcours "organisé" par de sinistres mafias, matraqués, violés, déplumés de leur "maigres ressources" ou tout simplement tués pendant la traversée du Sahara pour subir de surcroît, en fin de parcours, les affres des autorités tunisiennes qui les pourchassent comme des lapins comme vous le suggérez à chaque ligne.
Au delà de ces organisations mafieuses, vous faites abstraction des sbires de la soldatesque libyenne ou algérienne qui ne font absolument rien pour rendre leur parcours plus agréable et ne sont, bien entendu, aucunement responsables de leur "transfert" sur notre territoire, histoire de se laver les mains de leurs péchés, partagés souvent contre rétribution généreuses avec ces mêmes organisations mafieuses, ne nous voilons pas la face au nom de la
"solidarité maghrébine".
Une fois ici, vous faites totale abstraction de l'hypocrisie maladive qui caractérise beaucoup de nos concitoyens qui n'ont aucune vergogne à les employer pour deux sous, à leur faire ramasser des bouteilles en plastique, abuser de leurs jeunes filles, les loger comme de la volaille et, plus grave, grâce à la corruption de plus en plus visible qui gangrène les institutions de notre pays, permettre aux organisations mafieuses d'avoir quasiment "pignon sur rue" pour s'installer, organiser, "contrôler"et surtout "rentabiliser" leur parcours infernal à partir de notre pays et agir souvent sous couvert "d'associations caritatives et autres organisations non-gouvernementales à but no lucratif" (tu parles).
Car c'est d'un véritable trafic qu'il s'agit, tout comme celui qui caractérise celui des stupéfiants ou des armes.
L'état doit faire face à ces organisations criminelles très structurées permises par des corrompus et appuyées parfois par des services de renseignements, trop contents de pouvoir
exploiter une situation qui suscite l'affaiblissement des institutions du pays.
Alors, ce n'est pas trop demander aux forces de l'ordre de "taper dans le
tas" et de renvoyer dans leurs bleds ces individus et d'y aller plus fort si besoin est.
En ce faisant, on atténuera fortement les effets pernicieux de la gangrène
qui s'installe et qui commence, dans certains coins, à sentir vraiment mauvais.
Pour information, au cas où vous ne le sauriez pas
encore, la peste fasciste Meloni a décrété en Albanie (pays connu pour son honorabilité et sa transparence) la construction de centre de "tri", réservés à la détention
d'hommes "valides" en vue de leur "sélection" de leurs candidature à l'immigration sur le sol européen, ou, au cas échéant, à leur renvoi dans leur pays d'origine
respectifs, au cas où ils seraient malades, souffreteux, atteints de tares ou n'ayant pas les dents tout à fait blanches.
Après et le plus beau dans cette triste histoire, c'est
nous qui sommes traités de racistes....
le financier
il faut juste leur vendre des bateaux pour rejoindre l europe
a posté le 08-05-2024 à 12:31
l occident pille ces pays , il faut juste leur vendre des bateaux a ces migrants pour rejoindre l europe . Que l europe se debrouille
Nephentes
Morpions hystériques
a posté le 07-05-2024 à 19:28
Ces gens là ne sont pas venus tous seuls. De hauts gradés de l'armée et de la police ont des 2020 dénoncé la passivité étonnante de la police des frontières de la douane et des forces sécuritaires en général vis-vis des flux - pour le moins visible- des migrants sur tout le territoire.

Une passivité et une indifférence des plus étonnante en effet, qui fait froid dans le dos
Quelques éléments ; dans ce qui suit les lieux cités ont fait l'objet d'afflux massif et inopinée de dizaines quelquefois de près d'une centaine de migrants débarqués de la planète Mars :

juin 2023, port de rades cité Mellaha : une centaine de subsahariens surgissent d'on ne sait où femmes enfants compris. Ils crapahutent 3 jours sous les yeux ébahis des habitants qui ont alerté la police. En vain. Le 14 mai ils disparaissent comme par enchantement. Une hallucination collective sans doute.
Autres lieux - avec un flux moins important : Cap Zebib, et Rimel gouvernorat de Bizerte
Bir Ejaddi pres de Sidi Daoud plage Ezzouhour Lebna plage Enfidha plahe Ellouza etc etc

Mr le Président commence a poser les bonnes questions. Cela signifie t-il qu'il a sous-estimé le l'ampleur de la corruption qui sous-tend cet afflux massif ou bien qu'il n'a pas eu le courage de l'affronter ?

Ces migrants sont soigneusement encadrés des leur arrivée aux frontières tunisiennes et sont globalement acheminés selon le même mode opératoire que l'acheminement des marchandises de contrebande. Il y a tout un flux logistique très structuré qui supporte les flux de ces gens là.

Alors la véritable cause la cause racine il faut la chercher là ou elle est et non pas s'exciter comme des morpions hystériques alors que l'on est manipulés depuis plus de 10 années par les autorités
Chelbi
Pouvoir toxique
a posté le 07-05-2024 à 19:15
Jusqu'à maintenant on ne sait rien sur l'accord conclu avec Meloni sur la question migratoire. Quel est le rôle de la Tunisie dans tout ça? Les consignes de « maître Meloni » pour qu'elle nous renvoie des miettes? Etc., etc.
Quel est le rôle de l'Algerie aussi puisque nous sommes rendus une wilaya algérienne grâce à ce pouvoir qui prétend défendre la souveraineté nationale?

Je ne voit pas un bon issu pour notre pays tant et aussi longtemps que ce pouvoir reste en place. Il essaye de tourner les tunisiens les uns contre les autres, mais aussi les tunisiens contre eux autres. Un pouvoir qui non seulement est incapable de résoudre un iota de nos problèmes, il en rajoute!

Vieux Routier
Racisme
a posté le 07-05-2024 à 18:04
Dans les conversations d'après janvier 2011, on répétait souvent que Feu Ben Ali s'est échappé en apportant avec lui les couvercles des bouches d'égout... permettant au Tunisien d'exprimer sans limite sa vraie nature.
Après le 25 juillet le racisme latent du Tunisien à pu s'exprimer librement sans aucune limite raisonnable ... mettant tous nos maux sur plus misérable que nous.
Comme d'habitude on s'attaque aux symptômes sans traiter rationnellement les racines du phénomène.
Des gens traversent nos frontières comme une passoire et nous n'osons pas exiger de nos voisins de prendre leurs responsabilités et en refoulant les passagers clandestins d'où ils viennent, comme ceci est reconnu dans les pratiques internationales. Entre la myopie, la peur et l'opportunisme on laisse couler jusqu'à ce que des camps soient construits ... pour en faire un problème tuniso-tunisien et découvrir des associations à criminaliser ... en attendant les élections présidentielles s'il y en aura.
DHEJ
Trop bete
a posté le 07-05-2024 à 17:02
Un accueil légal.