La nouvelle de l’assassinat de Khalifa Soltani date de samedi dernier. Trois jours se sont écoulés après que le jeune homme ait été retrouvé assassiné par des terroristes au mont Mghilla. Le même sort a été, il y a deux ans en 2015, réservé à son plus jeune frère Mabrouk. Les citoyens se sont enflammés suite à cette nouvelle, les publications de dénonciation ont fusé et la toile s’est déchaînée pour crier sa rage. Après les cris de colère et d’incompréhension, les photos de profil changées sur Facebook et les longues envolées lyriques attristées, aujourd’hui, on n’en parle plus.
Faut-il s’en offusquer outre mesure lorsque l’on sait que le terrorisme a tué, et tuera encore, des dizaines de nos concitoyens depuis 2011 ? Que certains ont été enterrés dignement et avec les honneurs alors que d’autres ont été complètement oubliés ?
Cette triste nouvelle a été enterrée, trois jours après, cédant la place à la crise entre les pays du Golfe, aux tergiversations de Moncef Marzouki, à la guerre proclamée par Youssef Chahed contre la corruption et la contrebande et à l’interdiction de la diffusion d’un film à cause de prétendus propos tenus par son héroïne principale. Quoi de plus « naturel » lorsque l’on sait que le terrorisme n’est plus un « phénomène » mais « une réalité » à laquelle on s’habitue doucement ? Quoi de plus naturel lorsque ceux qu’on accuse aujourd’hui d’en être responsables et de laisser faire sont ceux qui le font rimer avec une amère résignation.
A voir une certaine frange de la classe politique s’enflammer davantage pour le ban du Qatar que pour l’assassinat d’un de leurs concitoyens, dans des circonstances aussi abominables.
A voir un président de la République ne pas piper mot après ce triste attentat, éviter de faire le moindre commentaire et se contenter de recevoir au palais de Carthage des députés sur lesquels planent des soupçons de corruption. Ce même président qui avait décrété un deuil national après la mort du roi Abdallah d’Arabie Saoudite… On en serait presque à regretter les jours de deuil national décrétés par Moncef Marzouki après chaque attentat terroriste. Mais on se ravise rapidement lorsque l’on se souvient de ses menaces au peuple tunisien quand il s’agit de « porter atteinte à l’Etat du Qatar »…
A voir aussi des journaux sortir les détails des « dons » et « privilèges » reçus par la famille Soltani. Comme si les sommes d’argent versées par l’Etat pour « apaiser » la douleur de la famille désacralisaient la tragédie qu’elle venait de vivre. Comme si les avantages perçus devaient faire taire à jamais une mère qui, en deux ans, a vus ses deux fils assassinés par des terroristes, dans des conditions quasi-similaires.
On tente de nous faire accepter le terrorisme dans la résignation et l’amertume. De nous faire croire que le terrorisme fait moins mal lorsque l’on est pauvre et marginalisé. On tente de calmer les esprits en annonçant une guerre sans relâche contre le terrorisme après chaque acte odieux, mais on continue de le laisser s’installer les esprits comme une maladie insidieuse contre laquelle on ne peut rien.
Il est vrai que nous n’avons que les politiques qu’on mérite, mais les nôtres font vraiment pitié. A voir quels sujets les titillent, on comprend rapidement quelles sont les questions qui les touchent le plus. La lutte contre la corruption ? Certains y sont impliqués. La crise entre les pays arabes ? Certains de leurs plus fidèles soutiens et sponsors y sont impliqués.
Ceux-là même qui s’agitent farouchement lorsque des non-jeûneurs exercent leur liberté en public ou qu’un film dans lequel une actrice israélienne tient le premier rôle, ne bougent pas le petit doigt lorsque le terrorisme touche l’un des leurs. Notre si chère identité nationale, nos traditions, notre appartenance et notre religion sont plus importantes que la vie elle-même.
Commentaires (4)
CommenterQuestion de portance de l'important!
Et avant eux il y a eu un autre ... Octobre 2015
Ecrit par A4 - Tunis, le 15 Octobre 2015
Le bâton est orphelin
Il a perdu son berger
Ça s'est passé ce matin
Et personne n'a bougé
Le pauvre berger est mort
D'une balle sur le front
Il ne roulait pas sur l'or
Et vivait sans compagnon
Est-ce que c'est pour cela
Qu'il est parti en silence
Sans prière, ni blabla
Sans aucune reconnaissance ?
Ce n'était pas un élu
Un gradé ou un grand chef
Il n'a droit sur son talus
Qu'à quelques mots courts et brefs
Il a été la victime
D'enfants pieux et sanguinaires
Un berger sans patronyme
Vit et meurt en solitaire
.....
Il est vrai qu'un mort riche pèse beaucoup plus lourd qu'un mort pauvre,
N'est-ce pas si Béji et si Ganouchi ?
Bien sûr en Tunisie,
Mais aand Rabbi Soubhanou est-ce la même chose?