Contre la corruption, « j'irai jusqu'au bout »
On avait fini par désespérer du courage, de la volonté et de la détermination du chef du gouvernement, Youssef Chahed à appliquer ce qu’il avait promis du haut de la tribune de l’Assemblé des représentants du peuple, lors de son investiture. Sur le rétablissement de l’autorité de l’Etat, le redressement économique par la mise en œuvre des réformes qui rendent possibles ce qui est nécessaire au pays, la lutte contre la fraude et la corruption, etc., l’on commençait à douter sur la capacité du chef du gouvernement à gagner de tels paris.
L’autorité de l’Etat ? Il suffit de revenir sur les événements de Tataouine et l’accueil qui lui fut réservé lors de son déplacement dans cette région pour en situer le niveau : au plus bas.
Le redressement économique ? Il suffit de se rappeler la manière avec laquelle fut accueilli le projet de loi de Finances pour l’exercice 2017 et les amendements dont il a fait l’objet pour évaluer l’état de nos finances publiques : au plus mal.
Certains objecteront que, malgré tout, la croissance est de retour. Certes. Mais il ne faut pas crier victoire prématurément. L’arbre de la croissance ne doit pas cacher la forêt de difficultés à surmonter et de problèmes à résoudre : une inflation qui reprend du poil de la bête, des importations qui ne cessent de rogner ou nos réserves en devises ou bien notre taux de change, des exportations en panne et des investissements qui ne se matérialisent pas ou si peu.
La lutte contre la fraude fiscale ? On sait de quelle manière elle a été traitée, en faisant preuve de bienveillance à l’égard des corporatismes et des élites bien pensantes appartenant aux professions libérales. N’était-ce pas à eux de faire preuve d’exemplarité et de constituer la véritable locomotive pour une équité et une justice fiscale intraitable. La lutte contre la corruption ? Jusqu’à ces derniers jours, rien de vraiment significatif n’est venu éclairer l’opinion.
Enorme coup de tonnerre
Pourtant, des signaux étaient lancés, par le chef du gouvernement, lui-même, mais semblent n’avoir pas été perçu. Qu’on se rappelle la dernière interview télévisée de Youssef Chahed. La question sur la corruption lui fut posée. En guise de réponse, il indiqua que le gouvernement est en train de mettre en place la plateforme idoine pour combattre ce fléau à travers la création de plusieurs centaines de poste de magistrats dont une partie sera dédiée pour instruire et juger de manière diligente les affaires de corruption.
Mais ce n’est pas tout. Face à l’insistance des journalistes, il annonça, quelque peu agacé, que l’opinion publique verra très prochainement de lourds dossiers de corruption transmis à la justice, sous-entendant par là que cela provoquera un véritable coup de tonnerre compte tenu des personnes impliquées.
A l’époque, l’incrédulité était forcément de mise. Aujourd’hui, ce sentiment ne peut plus être de mise. A tout le moins, il est fortement ébranlé. La mise au secret de Chafik Jarraya que l’on croyait intouchable tant ses soutiens étaient puissants, à tous les niveaux, à droite, à gauche et partout, ainsi que les multiples interpellations qui s’ensuivirent, corroborent la prédiction du chef du gouvernement. Manifestement, on est aussi en présence d’un véritable coup de tonnerre.
Sur le dossier de la corruption, Youssef Chahed joue son va-tout. D’autant que les rumeurs de son départ sont devenues de plus en plus pressantes. En s’attaquant de la sorte à la corruption, il a fait le choix de couper les têtes pour assécher les racines.
En s’attaquant de la sorte au phénomène qui gangrène le pays, il administre la preuve qu’il a du courage, de la volonté et de la détermination. Et, tant qu’à faire face à une mise à l’écart annoncée, il est préférable de sortir par la grande porte, avec les honneurs, que par la petite porte de l’échec. «J’irai jusqu’au bout », a insisté, hier, Youssef Chahed, dans une brève et impromptue intervention médiatique.
Ce qui signifie qu’aucun rétropédalage n’est possible, qu’aucun compromis, a fortiori marchandage n’est recevable. Ça passe ou ça casse, torpillant au passage et l’Instance Vérité et Dignité (IVD) et le projet de loi sur la réconciliation économique, cher à la présidence de la République. De la réussite sur ce dossier dépendra l’assise et l’autorité de Youssef Chahed à mener sa politique et à réaliser les promesses qu’il a faites le 26 août 2016, lors du vote de confiance pour son gouvernement.
En tout cas, plus qu’un tournant, c’est un processus qui est engagé. Il n’est pas encore irréversible, loin de là. Maintenant, c’est à l’autorité judiciaire d’être au rendez-vous des attentes. Non point pour être expéditive, mais pour instruire sereinement et pour juger en son âme et conscience.