Les patrons en colère, Wided Bouchamaoui dans la tourmente
C’est un véritable séisme qui a secoué l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), la centrale patronale historique. La fracassante décision de la Fédération nationale du textile (Fenatex) de quitter corps et biens l’organisation patronale, suivi par le profond malaise exprimé par la Fédération nationale du cuir et de la chaussure, relayé par les menaces, à peine voilées, de la Fédération des transports, de voler de ses propres ailes, ont donné clairement à voir le mal-être et la colère des patrons vis-à-vis du traitement qu’ils subissent depuis quelque temps.
Ils ne veulent pas être les seuls à supporter les charges du redressement économique du pays, d’autant qu’ils considèrent que les orientations imprimées à ce redressement sont loin d’être celles qui répondent aux besoins de l’entreprise. Après les lourdes charges fiscales qui leur ont été imposées à travers les dispositions de la loi de finances 2017 afin de satisfaire les besoins de financement du budget de l’Etat, voila qu’ils doivent supporter les charges sociales des augmentations de salaire, afin de satisfaire les désidératas de l’UGTT. Cela en fait trop alors que par ailleurs le gouvernement leur semble ne rien faire pour lutter contre la corruption qui a pris une ampleur sans précédent ou contre le commerce parallèle et le trafic en tout genre qui prend des proportions de plus en plus alarmantes et que l’UGTT ne donne pas des gages pour inciter les salariés à améliorer leur productivité.
Les patrons ont le sentiment qu’on les considère, à tort, comme des poules aux œufs d'or, à tout le moins des vaches à lait, en même temps que des bêtes de trait.
En tout cas, ils en tiennent manifestement pour premier responsable Wided Bouchamaoui, dont ils reprochent de plus en plus l’exercice individuel du pouvoir au sein de l’organisation, son absence d’écoute et sa naïveté politique face aux subtiles manœuvres de ses partenaires sociaux lors des négociations. Résultat : on consent tout sans rien obtenir en retour. Car, les sacrifices financiers consentis n’ont pas été compensés par des réformes et des lois économiques qui les confortent : le nouveau code d’investissement n’a pas répondu à leurs attentes ; la nouvelle loi sur les avantages fiscaux n’a pas satisfait leurs espérances ; la loi d’urgence économique peine encore à voir le jour ; la loi sur le partenariat public-privé attend toujours ses décrets d’application…. A la place, on a ouvert grand les portes aux importations, donné libre cours au secteur de la franchise, etc.
A la veille d’un renouvellement des structures de l’organisation patronale qui marquera le démarrage du processus menant au prochain congrès fixé au mois de janvier 2018, on peut légitimement craindre que d’ici là, les coups d’éclat ne se multiplient au sein de l’UTICA et que le démantèlement qu’a réussi à éviter Wided Bouchamaoui en 2011 ne se produise en 2018 au grand plaisir de ceux qui ne cherchent que cela ou ceux qui ont quitté l’organisation patronale à l’époque.