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Chroniques
Les Subsahariens sont les bienvenus en Tunisie
Par Nizar Bahloul
06/05/2024 | 16:59
6 min
Les Subsahariens sont les bienvenus en Tunisie

Dans la marée nauséabonde des réseaux sociaux tunisiens, la part belle est donnée ces derniers jours aux migrants subsahariens. Des dizaines de publications sont consacrées au sujet de l’immigration massive des « Noirs » qui, à les lire et à les entendre, seraient en train d’envahir la Tunisie.

La particularité de ces publications (qu’elles soient sur Facebook ou sur Tiktok) c’est qu’elles appartiennent majoritairement à des personnes et des groupes réputées proches ou partisanes du régime putschiste de Kaïs Saïed.

Les publications sont abjectes, des plus abjectes. Elles parlent de maladies contagieuses ramenées du sud du Sahara, de bagarres entre migrants noirs et autochtones, du danger imminent du changement démographique de la société tunisienne, d’un complot international ourdi par d’obscures puissances étrangères et mis à exécution par des ONG locales, du vol des emplois des Tunisiens, de la présence certaine de terroristes parmi les migrants (dont ceux de Boko Haram), etc. Certains font appel au président de la République pour qu’il déclare l’état d’urgence et annonce l’alerte générale et attirent son attention sur le laisser-aller des autorités face à ces migrations massives et le transfert de fonds suspects au profit des ONG et des « Africains ». D’autres proposent le lancement d’une campagne « dégage » à l’encontre de tout « noir » qui circule dans nos rues, la programmation de charters et l’annulation de tous les accords signés avec l’Union européenne à propos de la migration clandestine.

 

Ce qui est à relever, c’est que plusieurs de ces pages appelaient, il y a seulement quelques mois, à voter une loi contre la normalisation avec Israël. Aussitôt le sujet enterré par la présidence et l’assemblée, ces pages ont cessé de parler de normalisation et de crimes sionistes.

Ce qui est également à relever, c’est ce point commun entre toutes ces pages, elles parlent toutes au nom du peuple tunisien, de tout le peuple tunisien et prétendent que ce qu’elles proposent émane d’une profonde revendication populaire. Leurs propriétaires se présentent comme des leaders d’opinion, des analystes et/ou activistes politiques ou des présidents ou membres d’organisations fantoches.

Enfin, il y a une dimension de politique politicienne sur laquelle on ne peut faire l’impasse. Ces pages proposent, ni plus ni moins, de faire reporter l’élection présidentielle car son timing est mauvais puisqu’il coïncide avec « l’invasion » de la Tunisie par les Subsahariens.

Les personnes derrière ces pages et cette sordide campagne ont beau avoir un égo surdimensionné, croire être des porte-paroles du peuple tunisien et suivies par la présidence et le pouvoir, elles ne représentent qu’elles-mêmes. Non seulement personne ne les a mandatées pour parler au nom du peuple, mais elles sont loin, très loin, de représenter un avis majoritaire. Elles sont bruyantes, c’est certain, mais elles n’ont d’influence que sur les âmes charitables et les gogos. La preuve est que leurs appels incessants n’ont pas d’impact réel sur le terrain. En revanche, il y a lieu de s’interroger si elles ont de l’influence sur certaines sphères du pouvoir, à commencer par le président de la République lui-même. On sait, hélas, que ce dernier est sensible aux réseaux sociaux et il lui est arrivé de prendre pour de l’argent comptant les intox qui s’y publient.

 

Théoriquement, quand on gouverne un pays, on s’occupe du terrain et non des réseaux sociaux.

Sur le terrain, force est de constater qu’il n’y a aucune invasion en Tunisie. Ni de Subsahariens, ni de Syriens, ni de martiens. Cela se voit à l’œil nu, il n’y a pas plus de Subsahariens à Tunis, Sfax ou Tataouine qu’à Paris, Londres, Amsterdam ou Stockholm.

En chiffres, le nombre total de migrants subsahariens irréguliers (nouveau terme pour désigner les clandestins), est estimé à cent mille personnes. Le chiffre est donné par Mostafa Abdelkebir, président de l’Observatoire tunisien pour les Droits de l’Homme, une personne réputée sérieuse, mesurée et sensée.

Cent mille migrants irréguliers sur une population de plus de dix millions d’habitants, cela représente moins de 1%. On ne peut pas décemment parler d’invasion et encore moins de changement démographique à cause de 1%, dans un pays qui accueille, chaque année, quelque neuf millions de touristes. Il n’y a pas plus de clandestins en Tunisie qu’en France qui compterait 700.000 clandestins pour une population de 68 millions d’individus.

Toujours sur le terrain, et à part quelques Tunisiens qui croient être d’une race supérieure, les migrants subsahariens ne sont pas rejetés par la population. Qu’ils soient irréguliers ou pas, on les voit travailler dans les arrière-cuisines des restaurants, dans les chantiers de maçonnerie ou de plomberie, dans les jardins ou dans les maisons en tant qu’aides ménagères. Ils font le bonheur de leurs employeurs (parfois très opportunistes) tant ils sont productifs et pas du tout revendicatifs. Qu’il y ait quelques incidents par ci, par-là, cela est peut-être vrai, mais les incidents entre Subsahariens et Tunisiens ne sont pas plus nombreux qu’entre Tunisiens.

On ne dispose pas de chiffres, mais il semble que la majorité des migrants parmi nous sont bien intégrés et que, malgré cela, ils considèrent la Tunisie comme une terre de transit et non une terre d’asile définitif. L’objectif final d’une majorité d’entre eux est d’aller en Europe rejoindre un frère, un cousin ou un ami. Partant, la Tunisie n’a pas à jouer l’agent de police des frontières européennes.

Au-delà de tous les chiffres et des aspects mercantiles et politiques, la Tunisie a une tradition d’accueil séculaire qu’on se doit de préserver, car elle fait partie de notre identité et de notre culture. Le Tunisien est réputé pour être accueillant et bienveillant. Ce n’est nullement un hasard que l’on soit un pays touristique. À ce titre, et rien qu’à ce titre, les Subsahariens sont les bienvenus en Tunisie, encore et toujours, quoique pensent les aficionados de Kaïs Saïed. Les Subsahariens sont nos amis, nos frères et nos sœurs et ils/elles le demeureront.

 

Au vu de ces chiffres et de ces données, la conclusion s’impose d’elle-même. Les publications abjectes des réseaux sociaux sont en train d’exploiter le sujet des migrants irréguliers pour obtenir des objectifs politiques tuniso-tunisiens.

Elles l’utilisent pour occuper l’espace virtuel et faire oublier les véritables préoccupations du peuple, à savoir l’inflation, les pénuries, l’échec cuisant du mandat de Kaïs Saïed ou encore la normalisation.

Les propriétaires de ces pages tentent de faire croire qu’ils représentent une opinion majoritaire dans le pays et, qu’à ce titre, ils peuvent demander au chef de l’État le report de l’élection présidentielle.

En vérité, ces propriétaires ne cherchent qu’à servir les intérêts du régime et celui personnel de Kaïs Saïed. Ce dernier a conclu des accords avec l’Union européenne, et particulièrement Giorgia Meloni, et veut les exécuter sur terrain. Pour réaliser cet objectif, il faut faire avaler au peuple la pilule de l’invasion de migrants subsahariens. Comme le président n’est pas vraiment soutenu par les médias influents, à ce sujet, ces propriétaires se proposent de le soutenir sur les réseaux sociaux. La question est de savoir si ces propriétaires font leur exercice de leur propre chef ou s’ils ont reçu une consigne du chef de l’État. Peu importe, le résultat est le même et on fait face à des publications abjectes et racistes dont la liberté de ton et l’impunité pourraient faire saliver Eric Zemmour et Marine le Pen. Des publications qui ne collent pas avec la réalité du terrain et sont à l’exact opposé de la culture d’accueil des Tunisiens.

Par Nizar Bahloul
06/05/2024 | 16:59
6 min
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Commentaires
Lol
Notre misère ne les intéresse pas
a posté le 07-05-2024 à 10:51
Comme d'habitude on prend parti sur des débats importants seulement en fonction de son opinion sur le pouvoir actuel.
Et on sombre facilement dans les théories du complot a chercher une organisation obscure qui regroupe ces diffuseur de messages de haine.
En attendant le vrai problème n'est pas abordé et la situation s'aggrave.
Il ne faut pas nier la souffrance d'une partie de la population déjà chauffée a blanc par la dégradation de ses conditions de vie.
Quant aux pauvres migrants qui arrivent chez nous au bout d'une traversée dangereuse et pénible du désert. Ils ne veulent pas s'installer. Notre misère ne les intéresse pas. La situation n'est pas celle d'un pays d'accueil mais plutôt celle de Lampedusa ou de la jungle de Calais .
Anna
Crise humanitaire
a posté le 07-05-2024 à 08:43
C'est avec un c'?ur lourd que je lis ces lignes, témoignage d'une triste réalité où la peur et la méfiance prennent le dessus sur l'humanité et la compassion.
L'utilisation des migrants comme boucs émissaires pour tous les maux de la société, par des voix qui devraient prôner l'unité plutôt que la division, est profondément désolante. Le récit de la menace, qu'elle soit sous forme de maladies ou de prétendues invasions démographiques, montre combien nous sommes éloignés de la compréhension et de l'empathie que mérite chaque être humain, quel que soit son origine.
Ce désespoir est d'autant plus poignant qu'il met en lumière une crise humanitaire, non seulement pour ceux qui fuient des situations désastreuses, mais aussi pour notre propre humanité, mise à l'épreuve et souvent trouvée défaillante. Comment avons-nous pu laisser la peur altérer à ce point notre jugement et notre bonté ?
Où est notre compassion pour ceux qui ont tout perdu et cherchent refuge et sécurité ? Cette rhétorique de l'exclusion et de l'urgence, invitant presque à des mesures extrêmes, est un appel à la tristesse et à la réflexion sur ce que nous sommes devenus et sur le monde que nous laissons à nos enfants.

PS Que la paix et la compréhension reprennent leur place avant que nous ne nous perdions complètement dans l'obscurité de l'ignorance et de la haine.
Un 2ème lecteur (impuissant)
Notre humanité..
a posté le à 11:21
..on l'a perdue depuis longtemps, si humanité aucune y avait !

Il suffit de se rendre compte de la misère généralisée, du travail forcé imposé à des gosses, des âmes innocentes à jamais perdues dans la délinquance et la violence que les rues tunisiennes leur fait subir pendant le "survival" mode !
Il suffit de voir l'étendue des dégâts infligés à la nature, à l'environnement où nous vivons ! Il suffit de passer à côté des poubelles et conteneurs à déchets, des chat(on)s jetés, des chiens errants y trouvant refuge et source de subsistance.. on y voit même des miséreux cherchant du plastique !
C'est tout à fait compréhensible que les africains voulant atteindre l'Europe, changent d'avis et décident de rester chez nous !
Rationnel
Combattre la desinformation
a posté le 06-05-2024 à 19:28
BN a de moyens pour combattre la désinformation vous pouvez amplifier vos capacités avec la collaboration de vos lecteurs.
La majorité de ces fausses nouvelles sont publiées sur Facebook et Instagram des Apps du groupe Meta. Ces fausses nouvelles ont moins de chance sur TikTok vu l'algorithme.
Facebook prétend qu'elle a mis en place des processus pour combattre le désinformation, BN doit alerter FB et signaler les pages de propagande. BN peut communiquer la liste des pages FB ou comptes Instagram et vos lecteurs peuvent a leur tour signaler ces pages a FB.
DHEJ
La Tunisie...
a posté le 06-05-2024 à 18:54
Un état civil et des subsahariens des citoyens civilisés.
Juan
on propose à Nizar des les acueillir dans sa maison ....;
a posté le 06-05-2024 à 17:56
Nizar ne connait pas les stats.
1 % est 1 moyenne. dans certains coins, ils sont 40 voir 60 %. demandez aux oliviers de sfax. c'est ce qui les rend insupportables.
aux US , ils sont 15 m , mal répartis sur le continent. Trump veut les virer par l'armée.
en CH: malgrés leur dispersion sur le territoire, y a malaise. les prisons en sont pleines. on a jouté des containers dans les prisons.
idem en UE.
la barque est pleine.
on peut pas acceuillir toute la misère du monde.
Ahmed Can
Statistiques
a posté le à 08:27
Oh, Nizar et les statistiques, quelle saga ! L'homme qui pourrait apparemment bénéficier d'une petite session de rattrapage en mathématiques?

Mais passons aux "1 % moyenne", transformés magiquement en 40 à 60 % juste par la force de l'assertion. Incroyable ! Et demandons aux oliviers de Sfax, pourquoi pas ? Peut-être que les arbres, dans leur sagesse séculaire, ont une meilleure prise sur les chiffres que certains commentateurs.

--> Quant à l'histoire américaine, oh la la, 15 millions dispersés avec Trump en général devenant le chasseur de sorcières en chef ! Quelle scène digne d'un blockbuster hollywoodien, non ?


---> Et la Suisse, avec ses prisons remplies et des containers pour tout le monde ' on dirait presque le scénario d'une nouvelle dystopie à succès.

--> Et en Europe ? "La barque est pleine", quelle métaphore nautique ! Vraiment, on ne pourrait pas écrire un script meilleur que ça.

--> Mais, chers amis, revenons sur terre. Les statistiques nécessitent précision et contexte, pas juste de l'hyperbole pour faire gonfler le drame. Peut-être que c'est moins captivant que l'image d'une armada de containers de prison, mais ça a l'avantage de rester ancré dans la réalité.
Hassine
'du vol des emplois des Tunisiens,'
a posté le 06-05-2024 à 17:38
Admettons que c'est vrais
Que font les Tunisiens en européens,ne volent ils lemploy des eu et langer leurs pains
Ces ridicule (un prov tun dit : le chamau ne peut voire sa bosse)
Chelbi
Fascistes en sursis
a posté le 06-05-2024 à 16:35
NB aurait du appeler ces pages par leur vrai nom: des fascistes en sursis. Je ne pense pas que la campagne de dénigrement qu'ils mènent contre des êtres humains aboutira à un scénario désirable.
Déjà en faisant le sommaire de leurs publications contre toutes les voix libres de ce pays (en état d'auto destruction), ils ne sont pas si timides pour exposer leur fascisme: incarcérations en masse, exécutions sur commande, pendaisons en public. Ils salivent bien sur les violences physiques. C'est juste une affaire de temps pour qu'ils passent à l'acte soit de leur propre initiative, soit, et très probablement, par les moyens de l'Etat puisqu'ils contrôlent tout maintenant.