Loi contre les violences faites aux femmes : Une victoire, mais beaucoup reste à faire
Le Code du Statut personnel (CSP) a permis à la Tunisie de se hisser, à l’époque, au rang de nation garante des droits des femmes et de l’enfant. Au fil du temps, le CSP est devenu un tantinet dépassé par les nouvelles normes internationales en la matière.
Ce 26 juillet 2017, au lendemain de la fête de la République, la tant attendue loi organique relative à la lutte contre les violences faites aux femmes, a finalement été votée à l’unanimité à l’ARP. En quoi fera-elle évoluer le statut de la femme et de l’enfant en Tunisie ?
Votée avec 146 voix pour, donc à l’unanimité, la loi organique n°60 -2016, portée par le camp progressiste, mené par la députée Bochra Belhadj Hamida, est finalement adoptée par les élus de l’Assemblée des Représentants du Peuple. Considérée comme une consécration de l'article 46 de la Constitution de 2014, cette loi a été qualifiée d’historique par le journal « Le Monde » et d’autres médias, ayant relevé le fait que le nouveau texte supprime entre autres, la possibilité pour l’auteur d’un acte sexuel avec une mineure d’échapper à des poursuites en épousant sa victime.
L’amendement de l’article 227 bis du Code pénal a en effet été codifié dans la nouvelle loi. Dorénavant : sera puni de 6 ans d'emprisonnement quiconque aura des rapports sexuels avec une mineure consentante de moins de 16 ans. Cinq années d'emprisonnement sont prévues pour quiconque entretiendra des rapports sexuels avec une mineure consentante de plus de 16 ans et de moins de 18 ans. Le nouveau texte prévoit en outre le dédoublement de la peine si l’accusé est considéré comme faisant partie de l'entourage proche de la victime.
Toujours selon le nouveau texte, la majorité sexuelle a été élevée à 16 ans au lieu de 13 ans. Ce qui reviendrait à dire qu’en dessous de 16 ans tout acte sexuel sera considéré par la loi comme un acte de viol sur mineur. En deçà de 16 ans, il s’agira de détournement de mineur. L’âge du consentement est donc resté lié à l’âge de la majorité. En France, l’âge du consentement aux rapports sexuels est fixé par la loi à 15 ans, en Italie à 14 ans. Les mineurs de cet âge et dans ces deux pays ont donc le droit d’avoir des rapports sexuels en toutes légalités, ceci vaut également pour les couples homosexuels.
La philosophie de cette loi portée par les progressistes, se base sur la reconnaissance de tous types de violences, y compris morales. Ces violences concerneront désormais l’Etat et ne relèveront plus du domaine privé. En d’autres termes, si plainte il y a, les poursuites judiciaires sont maintenues même si la victime décide de retirer sa plainte. Le texte introduit également l’accès à une assistance juridique et psychologique aux victimes. Il vise aussi à instaurer nombres de programmes scolaires et universitaires, spécifiques, afin d’ancrer les principes des droits humains et de l’égalité entre les genres. En y cite en outre l’impératif de former du personnels apte à prendre en charge médicalement et psychologiquement les victimes.
On n’oublie pas le harcèlement de rue : Dorénavant chaque personne qui importune une femme dans un lieu public est passible d’une peine d’un an de prison. Des passages du texte abordent la tutelle des enfants. En plus d’interdire le travail des mineurs, on peut y lire que : toute violence verbale et psychologique commise à l’encontre d’un mineur sera punie par la loi.
Interrogée dans Midi Show sur Mosaïque FM ce 27 juillet 2017, la militante féministe et députée Bochra Belhadj Hamida a expliqué que ces acquis nouveaux sont le fruit d’un travail qui dure depuis des dizaines d’années. « L’Etat a finalement compris qu’il était impératif d’affronter le discours des violences faites aux femmes. C’est la première fois dans l’histoire du pays qu’on emploie le terme « viol », avant, on disait : rapport sans consentement ! », a-t-elle déclaré. Elle ajoute que « même dans les pays démocratiques et développés le chiffre des violences est très élevé ! Aussi dans le nouveau texte et pour la première fois, on traite d’ « inceste » ! Même en France cette notion est nouvelle ».
Lors de son intervention, l’élue a aussi souligné que cette loi protège les victimes en introduisant de nouvelles notions comme celle qui empêche l’accusé de s’approcher de sa victime.
« C’est une victoire pour toutes les femmes qui ont été un jour victimes de violences. Je suis fière que la Tunisie fasse partie des pays les plus développés en matière de droits accordés aux femmes et aux enfants. » a-t-elle relevé, tout en rappelant que le combat continue car il s’agit de faire évoluer les mentalités.
Si la femme tunisienne a beaucoup gagné cet été 2017, à travers l’adoption de cette loi, la partie reste encore ouverte pour ce qui est de l’égalité des genres. Il s’agit d’une bataille qui reste encore d’actualité dans la plupart des pays du monde.
Il faut dire que selon l’Organisation mondiale du travail, pour avoir le même salaire, une femme doit en moyenne travailler, annuellement, 2 mois de plus qu’un homme. En d’autres mots : Si les hommes bouclent leur exercice financier annuel le 31 décembre, les femmes elles, n’y arrivent qu’en février voir mars, on parle alors d’« Equal Pay Day », et sur ce point précis, la Tunisie a devancé la France en affichant un excellent score dans le « ranking » de l’égalité salariale. Pourtant beaucoup reste à faire et notamment au niveau de la société où la mentalité patriarcale a la dent dure.
Sofiène Ahres