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Koubâa : pour la BH Bank, nous prévoyons une évolution à deux chiffres par an du PNB et du résultat
29/04/2024 | 16:44
10 min
Koubâa : pour la BH Bank, nous prévoyons une évolution à deux chiffres par an du PNB et du résultat

 

La BH Bank a réalisé de bonnes performances en 2023. Mais, cela n’a pas empêché la colère des actionnaires, face à un dividende par action qu’ils estiment insuffisant. Ils appréhendent aussi l’entrée en vigueur des normes IFRS et leur impact sur les résultats de la banque. D’où quelques tensions pendant l’Assemblée générale ordinaire (AGO) pour l’exercice 2023 tenue samedi 27 avril 2024, sous l’égide de son président du conseil d’administration, Taoufik Mnasri, du directeur général, Wajdi Koubâa, et en présence du mandataire spécial de l’État, Fethi Belaoued.

 

 

« Les efforts déployés par la banque en 2023 ont été couronnés par la réalisation de résultats très positifs, et qui ont dépassé toutes les prévisions », a indiqué M. Mnasri.

En effet, la BH Bank a clôturé l’année 2023 avec un résultat net passant de 118,71 millions de dinars fin 2022 à 140,01 millions de dinars (MD) fin 2023, en hausse de 17,9%. La banque a dû constituer des provisions collectives additionnelles de 14,67 millions de dinars (MD) fin 2023, pour se conformer aux exigences de l’autorité monétaire, portant le solde des provisions collectives constituées par la banque au 31 décembre 2023 à 147,41 MD. En outre, l’établissement bancaire a payé 88,58 MD d’impôt, 10,12 MD de contribution sociale solidaire outre 10,12 MD de contribution conjoncturelle au budget de l’État au titre des exercices 2024 et 2025. Des facteurs qui ont impacté le résultat de la banque.

Pour sa part, M. Koubâa a souligné : « Malgré cette situation difficile qui a suivi la pandémie du Covid et les conséquences de la guerre en Ukraine sur l’économie, la banque a continué sa croissance et a prouvé sa solidité et sa capacité à faire face à ce genre de crises. On a pu efficacement ajuster et développer les méthodes de travail pour relever les défis internes et externes. La banque a d’ailleurs réalisé des résultats très positifs dont la majorité dépasse les prévisions », en assurant que l’établissement bancaire a essayé de renforcer de sa solidité et de ses fondamentaux, tout en jouant son rôle économique, en application à la stratégie 2023-2026 et qui vise à ce que la banque se hisse à la deuxième place derrière la Biat.

En outre, le DG a affirmé que la banque aurait pu réaliser 152 MD de bénéfice, s’il n’y avait pas eu une imposition supplémentaire de 4%.

Ainsi, l’établissement bancaire distribuera des dividendes pour un montant global de 52,36 millions de dinars (dont 8,1 MD en franchise de retenue à la source). Le dividende est de 1,1 dinar par action. Il sera mis en paiement le 10 mai 2024.

Pour sa part, le produit net bancaire (PNB) a enregistré une hausse de 6,8%, pour atteindre 665,05 MD en 2023, contre 622,89 MD en 2022.

L’encours des dépôts de la clientèle a augmenté de 2,4%, situé à 8,75 milliards de dinars fin 2023 pour des créances nettes sur la clientèle en baisse de 4,45%, atteignant les 10,21 milliards de dinars fin 2023. Le coefficient d’exploitation a atteint 39,5%.

 

 

Côté ratios de gestion et de rentabilité, la banque termine son exercice 2023 avec un ROE (rentabilité des fonds propres) de 10,5% et un ROA de 1,04%. Le ratio de solvabilité est de 15,4% pour un Tier one de 13%. Quant aux ratios prudentiels, le ratio crédits/dépôts (LTD) a atteint 115,1% alors que le ratio de liquidité LCR a atteint 125,1%.

Pour sa part, le taux de créances douteuses (CDL) a atteint 15,8% (loin des 7% réglementaires que devrait atteindre la banque d’ici 2026) alors que le taux de couverture des créances classées est de 69,4%.

Le groupe BH Bank a, quant à lui, terminé 2023 avec un résultat consolidé de 12,98 MD, en hausse de 14,3%. Le PNB consolidé réalisé s’est accru de 4,66% pour se situer à 744,65 MD.

 

La banque a continué à financer le budget de l’État (entre emprunt national et BTA, ndlr) 752,27 MD en 2023 contre 521,38 MD en 2022. Dans ce cadre, Wajdi Koubâa a indiqué : « La BH Bank dispose de tous les ingrédients du succès, malgré la conjoncture. Elle poursuivra sa stratégie et la mise en œuvre de son programme. Elle continuera de jouer son rôle historique et à soutenir les entreprises publiques. Elle restera l’instrument financier de l’État et un soutien aux sociétés communautaires ».

 

Notons que les commissaires aux comptes ont mis en relief dans leur rapport les insuffisances du système d’information de la banque qui ont impacté négativement les process de justification, de contrôle et de reporting de l’information comptable et financière. « Ces insuffisances entravent l’identification systématique des produits par client, sont à l’origine d’écarts entre les données de gestion et les données comptables et sont génératrices d’importants suspens non apurés à temps », ont-ils précisé.

 

L’assemblée était comme à son accoutumé houleuse, les petits porteurs exprimant leur colère sur divers sujets, le plus pertinent étant celui du dividende. Ils reprochent à la banque de ne pas distribuer assez.

Pour Cherif Guerfali, ce que fait la banque est « au niveau du gaspillage des deniers publics, car au lieu de servir l’État en dividende (gratuitement), la banque lui emprunte mais au coût fort ». Selon lui pour les 200 MD empruntés dans le cadre de l’emprunt obligataire, l’État devrait rembourser en intérêt 98 MD si le remboursement est sur sept ans et 109 MD si le remboursement est sur dix ans.

Pour lui, la capitalisation boursière de la banque est en dessous de sa valeur à cause du montant bas de dividende. Il relève que le cours de l’action devrait être situé à 28 dinars au lieu des quatorze actuels.

Il estime aussi que pour remonter le cours de l’action BH, il faudrait distribuer le double du dividende proposé, soit 2,2 dinars par action. Donc, il faudra servir les 2/3 et garder le tiers en réserve, l’inverse de ce qui se passe actuellement.

D’autres, comme Abdelaziz Ben Youssef, se sont interrogés sur la TFBank et sa restructuration, étant déficitaire. M. Ben Youssef a aussi pointé le poids du financement des entreprises publiques sur les banques publiques et la BH Bank, en estimant qu’il faut fixer des limites. Certains ont pointé le taux de créances classés élevés et loin du standard de la Banque centrale de Tunisie. Quelques-uns se sont interrogés sur l’impact de la norme IFRS sur la banque.

 

 

En réponse à ce flot de questions, le président du conseil d’administration a expliqué que la BH Bank pouvait distribuer jusqu’au 50% de son bénéfice 2023, tout en respectant les ratios prudentiels, mais elle n’a pas voulu proposer plus à la distribution pour ne pas se heurter au refus de l’autorité monétaire. Et d’assurer que l’année prochaine, la banque essayera de préparer tôt ses états financiers, pour pouvoir soumettre sa proposition de dividende à l’avance à l’autorité monétaire, afin de ne pas essuyer un refus. Le DG a indiqué, en réponse à Business News, que la BCT prend en compte le portefeuille de l’établissement bancaire et surtout anticipe l’application des normes IFRS.

Il a aussi admis que le taux de créances classées n’est pas confortable, mais que la banque va œuvrer à le baisser au cours des trois prochains exercices.

Fethi Belaoued a, quant à lui, souligné que la BCT traite l’État comme un actionnaire normal et donc il n’a pas son mot à dire par rapport à ses exigences prudentielles. En revanche, il a indiqué que le ministère des Finances est en train de penser à une autre façon de gratifier les petits-porteurs des banques publiques via une distribution d’action gratuite par incorporation des réserves. Cette proposition est actuellement à l’étude et pourrait être mise à l’œuvre à partir de l’exercice prochain.

S’agissant du financement des entreprises publiques, le mandataire spécial de l’État a estimé qu’il faut aussi voir la partie positive : les entreprises publiques alimentent les banques publiques avec un flux important en termes de dépôt. Il a souligné dans ce cadre que le taux de créances classées relatif aux entreprises publiques ne serait que seulement de 2% par rapport aux engagements classés de la banque. Et de rappeler que l’État a aussi mis à la disposition de la banque d’autres ressources.

Dans ce cadre, le président du conseil a affirmé qu’à part quelques crédits sans garantie de l’État, les emprunts accordés aux entreprises publiques sont des crédits sains.

 

En ce qui concerne la TFbank, M. Mnasri a rappelé, et comme l’a affirmé le chef de l’État, que les entreprises publiques ne sont pas à vendre. Et de souligner que l’agrément de la TFbank est un agrément européen qui lui permet d’exercer dans plusieurs pays du continent.

Pour sa part, M. Koubâa a affirmé qu’il croit au potentiel de cette banque, étant lui-même administrateur dans l’institution. Il a précisé qu’au cours de 2023, le management s’est attelé à réorganiser la banque, notamment en y injectant les fonds propres nécessaires. La TFbank ambitionne de devenir bénéficiaire en 2026, selon son business plan. Il a rappelé aussi qu’un nouveau DG, Mondher Ghazali, a été désigné à sa tête ainsi que plusieurs autres hauts cadres et il a aussi dépêché le directeur du système d’information de la BH Bank pour changer le système d’information. « Aujourd’hui, elle a tous les moyens nécessaires pour pouvoir se développer. (…) Il y a un potentiel de développement très important aujourd’hui qui n’est pas exploité, mais il le sera demain », a-t-il martelé.

S’agissant des IFRS, le DG a indiqué qu’ils auront un impact positif comptable d’environ soixante MD. Pour l’impact de l’IFRS 9, l’autorité monétaire n’a pas encore arrêté les normes, notamment en ce qui concerne la décote sur les titres de l’État. Dans une déclaration à Business News, il a admis, cependant, que l’impact sera négatif.

 

 

En ce qui concerne les perspectives, Taoufik Mnasri a précisé : « Tous les signes montrent que 2024 devraient enregistrer une aggravation des difficultés financières à cause des guerres en Ukraine et en Palestine, outre la poursuite des pressions de manque de liquidité et l’aggravation du déficit des finances publiques. Malgré cette situation difficile et les défis qui attendent la banque, nous espérons le soutien indéfectible des actionnaires, l’engagement de la direction générale et des employés, pour que la banque œuvre à poursuive ses programmes stratégiques pour développer ses performances, tout en continuant à assainir le portefeuille des créances douteuses et le recouvrement de ces créances, pour atteindre de hauts niveaux de bénéfices et consolider les fondamentaux de la banque, suite à la réussite de sa restructuration. L’objectif étant d’atteindre une place meilleure au niveau du secteur ».

Pour sa part, Wajdi Koubâa a espéré que 2024 sera meilleure que 2023. Il a indiqué en réponse à une interrogation que les résultats à fin mars 2024 sont toujours dans le même trend que ceux de 2023. Et d’ajouter : « Le business plan a été présenté au conseil d’administration de la banque et il prévoit une évolution à deux chiffres par année du PNB et du résultat de la banque. L’augmentation en 2026 devrait être autour de 35 à 40% par rapport au résultat de cette année ».

En outre, le DG a spécifié que « la banque œuvre sur de gros dossiers de recouvrement, comme celui relatif à Tunisie sucre qui lui permettrait, si le recouvrement était réussi, de faire une reprise de provision de 140 MD, quasiment le résultat de 2023 ».

« Nous avons un potentiel. J’anticipe des choses positives malgré le contexte économique compliqué, malgré le fait qu’on est sensé financer les entreprises publiques et leurs importations, car si on ne le fait c’est le chapiteau qui tombe ! C’est un devoir national, il en va de la stabilité du pays. Nous allons continuer à le faire et nous avons la garantie de l’État, et jamais l’État a failli à ses responsabilités », a-t-il affirmé.

 

2023 a été un bon cru pour la BH Bank, en dépit d’un contexte économique difficile. 2024 s’annonce aussi difficile, mais le management de la banque s’est montré optimiste. Cependant, avec la prochaine entrée en vigueur des normes IFRS, pourrait changer la donne. Affaire à suivre.

 

Imen NOUIRA



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