Coach de vie : Profession ou chamanisme New age ?
Coaching, développement personnel, programmation neurolinguistique, dans certaines sphères de la société tunisienne il n’est désormais plus possible de ne pas en entendre parler. Née au milieu des années 80 aux USA, cette « profession » est destinée à améliorer la connaissance de soi, à la valorisation de talents enfuis, à l'amélioration de la qualité de vie et à la réalisation de ses rêves. Rien que ça.
Malgré ces vertus, elle n’est pourtant pas reconnue par les législations en vigueur dans la plus part des pays du monde. De quoi s’agit-il alors ? Quels types de diplômes faut-il pour devenir coach de vie ? Quels sont ses domaines d’application ? Est-ce une doctrine ?
Comme dans beaucoup de pays dans le monde, la conjoncture économique en Tunisie n’est pas bonne. Cette situation qui perdure se répercute sur le moral de la population. « Les gens sont déprimés ! ». Cette phrase qui revient souvent au cours des discussions est un constat réaliste étant donné l’explosion des consultations chez les psychothérapeutes. Ce mal-être ambiant fait aussi le bonheur des « coachs de vie » qui proposent un accompagnement personnalisé visant à améliorer les performances et le « bien-être » pour atteindre « l’épanouissement ». Il s’agira aussi d’apprendre à garder, coûte que coûte, une attitude positive, de « vainqueur », au milieu de tous les désagréments d’un quotidien qui devient infernal.
Que vous ayez des problèmes relationnels, au travail, avec votre conjoint ou souffrez d’un quelconque mal-être, sachez qu’il existe aujourd’hui des « coachs » pour presque chaque situation, ou du moins c’est ce qui résulte de nos recherches. Ceci dit, cette nouvelle « profession » n’est pas réglementée. Une non-reconnaissance, conséquence de l’absence de diplôme officiel. N’importe qui peut donc s’improviser « coach ».
Au Etats-Unis où est née cette mouvance, certaines organisations regroupent des coachs dits qualifiés, en leur imposant entre 60 et 100 heures de formation avant leur adhésion. D’autres organisations comme la Société Internationale des Coachs en PNL, proposent, elles, des formations de 1000 heures et plus pour les futurs formateurs qui devront intervenir dans des société privées, individuellement ou sur des groupes, pour leur inculquer des techniques qui leur permettront de mieux gérer le stress et être plus efficaces. Même si cela n’est en aucun cas un gage de professionnalisme, être affilié à une organisation avec une charte déontologique permet de limiter les risques d’arnaques.
Se basant sur une prétendue médecine vibratoire, ces « bien faiteurs » utilisent une multitude de méthodes dites alternatives qui vont de l’adoption d’un certain type de langage (verbalisation), aux massages, à l’utilisation d’élixirs floraux dans l’alimentation, en passant par l’hypnose, le toucher thérapeutique et l’ésotérisme Reiki. Ils proposent également des méthodes d’analyse des rêves, de yoga, de chiropractie ou tout simplement de sport ! Une seule chose compte, l’élimination de tout obstacle à l’épanouissement. Même si cet obstacle est identifié par le coach comme étant un ou plusieurs membres de la famille. Il faut tendre à être libre, épanoui et débordant d’énergie, « positive ».
Sur internet les nombreuses écoles pour apprendre à devenir coach connaissent un succès phénoménal, certaines proposent même des promotions. A la fin du parcours, un certificat est délivré. Il n’a cependant aucune valeur légale vue la largeur du champ d’application et les méthodes employées aussi nombreuses les unes que les autres. Les plus sceptiques, souvent psychothérapeutes, qualifient la chose de « nébuleuse » mystico-sociale, et dénoncent « cette » pseudo-doctrine « New Age » base d’une nouvelle « religion » centrée sur l’individualisme parfaitement compatible avec le modèle consumériste.
En Tunisie, plus d’un couple en crise a un jour consulté un coach. Les tensions économico-sociales ayant démultiplié ses problèmes, les personnes cherchent donc par tous les moyens des solutions, des plus simples aux plus expéditives pour sortir du cercle vicieux dans lequel elles se sont empêtrées.
« Après que ma femme a commencé à consulter un DevPers, son comportement a changé ! Elle a commencé à fréquenter des groupes de personnes qui étaient suivis par le même coach. Ils sortaient le soir et je me suis rendu compte que nos histoires de familles étaient étalées au su de tous. Son comportement avec nos enfants a aussi changé. Du jour au lendemain elle a arrêté de s’occuper d’eux ! Elle répétait sans cesse que j’étais un frein pour elle et à son épanouissement !» a confié un quadra tunisien, interrogé dans le cadre de cette enquête. Notre témoin est, aujourd’hui, en instance de divorce. Il raconte qu’au lieu d’essayer de comprendre vraiment le mal-être de sa femme, le coach qu’elle suivait l’a persuadée que le problème venait des gens qui l’entourent, de sa propre famille.
Le marketing du réseau et la culture d’entreprise sont des domaines qui commencent aussi à être influencés par la programmation neurolinguistique (PNL). Pour motiver les troupes, un coach en entreprise, fait le suivant discours, bien rodé :
« Dans le marketing de réseau, si nous avons un rêve, un objectif et si nous sommes prêts à travailler pour le réaliser, rien ne peut nous arrêter, sauf nous-mêmes. Pour ceux qui se sont construits avec une attitude pour se faire gouverner et qui ont choisi des solutions de facilité sans ambition : vous faites partie de ce groupe de personnes pour lesquelles il est préférable de passer votre route. Le marketing de réseau n’est pas pour vous ». En d’autres termes, tous ceux qui n’adhèrent pas à cette manière de pensée sont des « losers ».
Il existe des personnes qui possèdent le don de savoir écouter et analyser. Ces personnes le font de manière naturelle et le don de soi est pour eux chose normale. Etant conscients de cette capacité, elles deviennent coachs. Des coachs qui opèrent sur des situations particulières et ne se disent en aucun cas capables de résoudre tous problèmes. Ils ne promettront jamais aucun résultat pour s’attirer de la clientèle et encore moins des réductions de tarifs. Dans cette nouvelle vague ou mode qui nous vient de l’Occident, il est difficile de les distinguer. Ils sont néanmoins présents et contribuent de leur mieux pour rendre la vie des gens moins pénible.
Les personnes qui souffrent de difficulté psychologiques sont facilement manipulables. Ces proies faciles qui font aujourd’hui la force de mouvements sectaires tel que la Scientologie, à titre d’exemple, ne s’en sortent généralement plus une fois qu’ils ont adhéré à ces pseudo-doctrines, alors qu’ils cherchaient à la base le bien-être !
En Tunisie, ces nouveaux mouvements à la mode prolifèrent au sein de la classe relativement aisée de la population.
Sofiène Ahrès