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Ben Moulehem : la BNA Bank a été résiliente, malgré la conjoncture !
30/04/2024 | 17:07
10 min
Ben Moulehem : la BNA Bank a été résiliente, malgré la conjoncture !

 

2023 a été un excellent cru pour la BNA Bank, avec des performances à deux chiffres, et cela malgré son soutien à plusieurs institutions publiques dont l’Office des céréales (plus de cinq milliards de dinars en 2023). Des résultats qui ont ravi les actionnaires mais qui ont aussi provoqué leur colère, à cause de ce qu’ils considèrent comme un faible dividende distribué par rapport au bénéfice par action réalisée.


C’est globalement ce qui ressort de l’Assemblée générale ordinaire de la BNA Bank pour l’exercice 2023 qui s’est tenue, mardi 30 avril 2024, sous la tutelle du président du Conseil d’administration Kamel Naoui et du directeur général par intérim de la banque Ahmed Ben Moulehem, et en présence du mandataire spécial de l’État Sahbi Bouchareb.

 

 

La banque a en effet achevé 2023 avec un résultat net passant de 159,25 millions de dinars fin 2022 à 190,01 millions de dinars (MD) fin 2023, en hausse 19,3%. La banque a dû constituer des provisions collectives additionnelles de 50,76 millions de dinars (MD) fin 2023, pour se conformer aux exigences de l’autorité monétaire, outre d’autres provisions supplémentaires de 202,1 MD. Par ailleurs, l’établissement bancaire a payé 97,07 MD d’impôt, 11,09 MD de contribution sociale solidaire, 693 mille dinars de contribution au fonds spécial relatif à la réforme de l’éducation outre 11,09 MD de contribution conjoncturelle au budget de l’État au titre des exercices 2024 et 2025. Des facteurs qui ont impacté le résultat de la banque, qui aurait pu être meilleur.

Ainsi, l’établissement bancaire distribuera des dividendes pour un montant global de 57,6 millions de dinars. Le dividende est de 0,9 dinar par action. Il sera mis en paiement le 2 juillet 2024.

 

Pour sa part, le produit net bancaire (PNB) a enregistré une hausse de 10,1%, pour atteindre 979,92 MD en 2023.

L’encours des dépôts de la clientèle a augmenté de 7,8%, situé à 11,89 milliards de dinars fin 2023 pour des créances sur la clientèle en légère baisse de 0,3%, atteignant les 13,79 milliards de dinars fin 2023. Le coefficient d’exploitation a atteint 38,5% contre 40,2% un an auparavant.

Côté ratios de gestion et de rentabilité, la banque termine son exercice 2023 avec un ratio de solvabilité est de 21,45% pour un Tier one de 17,78%, très au-dessus des normes requises par l’autorité monétaire. Quant aux ratios prudentiels, le ratio de liquidité LCR a atteint 221,64% alors que le ratio crédits/dépôts (LTD) est au-dessus de la norme, a spécifié le DG en réponse à une question du Business News.

Côté performances, la banque a surperformé en 2023 son business plan dans plusieurs indicateurs, a indiqué le DG par intérim.

Seul point noir au tableau, le taux de créances classées (CDL) qui est passé de 15,78% à 19,49% (loin des 7% réglementaires que devrait atteindre la banque d’ici 2026) alors que le taux de couverture des créances classées est passé de 67,4% à 64,81%.

 

Le groupe BNA a, quant à lui, terminé 2023 avec un résultat consolidé de 212,04 MD, en hausse de 24,8%. Le PNB consolidé réalisé s’est accru de 10,6% pour se situer à 1,05 milliard de dinars.

 

 

Dans leur rapport, les commissaires aux comptes ont précisé que « les engagements de l’Office des céréales envers la banque totalisent 5,07 milliards de dinars au 31 décembre 2023 (soit environ 31% du total des engagements de la clientèle). Ces engagements sont refinancés directement auprès de la BCT pour un montant de 2,65 milliards de dinars au 31 décembre 2023. Ils ont connu une hausse de 301,98 MD (+6,33%) par rapport à leur niveau au 31 décembre 2022 et enregistrent un dépassement significatif du seuil de 25% des fonds propres nets de la Banque, imposé par l’article 51 de la circulaire de la BCT n°2018-06 du 05 juin 2018. Le financement de l’Office des céréales a impacté de façon significative la trésorerie de la banque qui a enregistré un solde négatif de (4,69 milliards de dinars au 31 décembre 2023, contre 4,54 milliards de dinars au 31 décembre 2022. Il est à noter que les chèques tirés par l’Office des céréales sur la Trésorerie générale de Tunisie au titre de ses droits à la compensation, qui ne sont pas encore encaissés par la banque au 31 décembre 2023, totalisent 3,19 milliards de dinars. Les garanties de l’État accordées à la banque au titre des engagements de l’Office des céréales s’élèvent à 5,07 milliards de dinars au 31 décembre 2023, ce qui lui confère une couverture totale du risque de contrepartie sur ces engagements (en principal, agios, intérêts et commissions) ».

Le même document a indiqué que « les engagements des autres entités publiques (Etap, Transtu, OTD, ONH, El Fouladh, OCT, etc.) envers la banque qui totalisent 1,37 milliard de dinars au 31 décembre 2023, enregistrant ainsi une hausse de 195 095 KDT (+16,57%) par rapport à leur niveau au 31 décembre 2022. Les garanties obtenues par la banque en couverture du risque de contrepartie sur ces engagements totalisent 986,66 MD au 31 décembre 2023, dont des garanties de l’État pour un montant cumulé de 871,01 MD. Les engagements non couverts par les garanties de l’État, les autres garanties, les agios et intérêts réservés et les provisions constituées par la Banque totalisent 316,87 MD au 31 décembre 2023 et concernent principalement certaines entités publiques (ministère des Finances, CNRPS, CTF, SRTGN, etc.) dont les engagements sont qualifiés de réguliers ».

 

L’assemblée était assez houleuse, les petits porteurs exprimant leur colère sur divers sujets, les plus pertinents étant le dividende et le cours de l’action. Ils reprochent à la banque un bas cours de l’action, mais aussi de ne pas distribuer assez.

Mohamed Atrous a fait remarquer qu’alors que le bénéfice par action a avoisiné les 2,9 dinars, la banque va en distribuer seulement 0,9 dinar. Pour Cherif Guerfali, ce que fait la banque est « au niveau du gaspillage des deniers publics, car au lieu de servir l’État en dividende (gratuitement), la banque lui emprunte mais au coût fort ».

En outre, il a noté que la capitalisation boursière de la banque est très en dessous de sa valeur à cause du montant bas du dividende. Il relève que le cours de l’action devrait être situé à 28 dinars au lieu des neuf dinars actuels.

Il estime aussi que pour remonter le cours de l’action BNA, il faudrait distribuer le double du dividende proposé, soit 2,6 dinars par action. Donc, il faudra servir les 2/3 et garder le tiers en réserve, l’inverse de ce qui se passe actuellement.

Beaucoup ont d’ailleurs souligné, dans ce cadre, le cap entre la capitalisation boursière et la valeur comptable de la banque.

Plusieurs actionnaires ont rappelé aux dirigeants le contrat programme présenté il y a quelques années et l’engagement à servir un dividende et à l’augmenter chaque année, ce qui n’a pas été respecté selon eux.

Bien que saluant le rôle de la BNA Bank dans le soutien de l’État via le financement des entreprises publiques, Habib Bouzouita a, quant à lui, souligné le poids de ce rôle national sur l’établissement bancaire. Il s’est aussi inquiété de la hausse du taux de créances classées alors qu’il faudrait atteindre la norme de 7% d’ici 2026 et de la baisse en parallèle du taux de couverture.

 

 

À ce flot de questions, Kamel Naoui a rappelé que la banque est passée par cinq ans de restructuration en comptant seulement sur ses fonds propres. Pour lui, il est évident que lorsque le cours augmente, le dividende augmente aussi. Cela dit, il a souligné la nécessité d’avoir une politique de distribution stable.

Il a rappelé que les IFRS obligeront la banque à valoriser ses actifs au prix du marché et que les réserves demeurent la propriété des actionnaires, alors que si elles sont distribuées, l’impact des IFRS sera négatif sur la banque. Et de noter que la migration aux normes IFRS est un passage obligé.

Ahmed Ben Moulehem a, pour sa part, affirmé que la baisse du cours de l’action n’a pas uniquement touché la BNA, mais plusieurs autres entreprises, à cause des répercussions de la pandémie et de la conjoncture internationale difficile. Il aussi révélé que la Banque centrale de Tunisie est en train de préparer un projet de circulaire pour modifier les classes de risques, et cela en préparation au passage aux normes IFRS. Donc, pour lui, il est évident que la banque doit s’y préparer. Cela dit, il a rassuré les actionnaires en indiquant que l’impact sera positif.

Le commissaire aux comptes a, quant à lui, précisé que la BNA Bank a conclu un contrat avec un cabinet spécialisé pour faciliter ce passage aux normes IFRS. Il a assuré qu’elle est la première banque qui est en train de constituer les provisions requises à cette migration. Il a aussi spécifié que la banque a engagé des évaluations à sa juste valeur de ses biens immobiliers, pour une éventuelle réévaluation pour consolider de ses fonds propres.

« La banque est résiliente. Elle a réalisé de bons résultats et a de bons fondamentaux », a-t-il martelé, dans ce cadre, en notant que ses équipes sont en train de se préparer à ces nouvelles normes.

Le président du conseil a noté, dans ce cadre, que le conseil est en train d’envisager plusieurs scénarios pour augmenter le cours de l’action BNA, dont notamment le rachat d’action ou l’aboutissement de quelques projets stratégique comme la BNA Assurances.

 

En ce qui concerne les engagements de l’Office des céréales, le DG a précisé qu’ils n’ont pas énormément évolué et que la banque a réalisé des bénéfices grâce à l’office. Il a aussi le 19 décembre 2023, l’État a procédé au règlement partiel de la dette de l’Office des céréales envers la banque pour un montant égal à 850 MD et que montant a été investi par la banque dans la souscription à des Bons du trésor assimilables (BTA) remboursables sur dix ans pour un taux de 9,9%.

S’agissant de la hausse du taux de créances classé, il a indiqué que c’est le fruit d’une migration de classe. Le président du conseil a, quant à lui, souligné que cela permettra d’assainir le portefeuille des créances.

Sahbi Bouchareb a souligné : « La BNA est un établissement bancaire public. L’État lui a confié un rôle : le soutien du secteur agricole. Elle finance la politique de l’État dans ce secteur, en toute indépendance »

Et d’ajouter en réponse à certaines attaques contre l’autorité monétaire : « La BCT est une structure publique qu’on doit respecter. Elle est une autorité de contrôle du secteur financier. On doit respecter ses décisions », en précisant que lors de la dernière AGO la BNA a respecté la circulaire de la BCT en ce qui concerne la distribution.

Pour lui, on ne peut que féliciter la banque, son management et ses équipes pour les excellents résultats réalisés. Il a aussi souligné qu’on ne peut pas comparer les banques privées et les banques publiques, n’ayant pas le même engagement dans l’économie du pays. Et de soutenir que le commissaire aux comptes a donné une image claire et très positive de la banque, en rappelant que l’État a fourni des garanties pour les créances des entreprises publiques et qu’il est apte à couvrir tous les risques.

En ce qui concerne le dividende, le mandataire spécial de l’État a estimé qu’il fallait voir la partie positive : la distribution de 0,9 dinar de dividende malgré que 2023 soit une année difficile pour l’État ayant compté sur ses propres ressources et la BNA Bank a été l’un de ses soutiens.

Il a aussi que le montant distribué a été choisi après réflexion et en prenant en considération divers facteurs, dont la prochaine migration vers les IFRS, qui aura certainement un impact sur les banques tunisiennes, donc la BNA doit être prudente. Et de souligner que les indicateurs du premier trimestre 2024 sont réconfortants.

 

 

S’agissant des perspectives, Ahmed Ben Moulehem a indiqué que les résultats du premier trimestre 2024 sont la confirmation des résultats de 2023, espérant faire mieux en 2024.

Pour sa part, Kamel Naoui a estimé que « la BNA est une banque citoyenne, une banque au service de notre pays, une banque viable avec un PNB de 980 MD, une banque socialement responsable, une banque rentable avec un bénéfice net de 190 MD avec une rentabilité de fonds propres de 11,1%, une banque résiliente et une banque capable de servir le pays et qui constitue l’un des piliers de l’économie tunisienne en matière de financement ».

Pour lui, les ratios de solvabilité et Tier One dépassent de loin les normes de la BCT, ce qui constitue un matelas qui permet à la banque d’être résiliente et de surmonter les chocs.

 

La BNA Bank a réalisé un bon cru en 2023, avec un bénéfice en hausse de près de 20%. Malheureusement, côté distribution, la banque s’est voulu prudente en distribuant un dividende qui n’a pas convaincu les petits porteurs. Mais pour le management, préparer la migration aux normes IFRS était la priorité, avant même la satisfaction de ses actionnaires.

 

Imen NOUIRA

30/04/2024 | 17:07
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