61ème anniversaire de l'Indépendance : Une occasion pour réfléchir à l'avenir
La Tunisie fête, en ce lundi 20 mars 2017, le 61ème anniversaire de son indépendance. Une date clé de son histoire moderne pour célébrer, l’espace d’une journée, toute une action mêlant l’élite et le commun des citoyens ayant abouti au recouvrement de la liberté et de la souveraineté de notre pays.
Mais au-delà d’une célébration et des volets festifs, il s’agit d’un moment privilégié pour immortaliser les souvenirs d’une œuvre alliant l’action sur le terrain et l’approche diplomatique qui a changé le cours de l’histoire de la Tunisie. Une œuvre menée de main de maître par un groupe de patriotes et de compétences prêts à tous les sacrifices.
Et en dépit des divergences, parfois violentes, la ligne prônée par le leader Habib Bourguiba a fini par triompher. En effet, suivant la fameuse démarche des « étapes », l’équipe du Néo Destour a fini par aboutir au recouvrement de cette indépendance tant prisée.
Force est de reconnaître, en cette circonstance, que tout en étant un leader et un concepteur, Habib Bourguiba était accompagné d’une pléiade d’hommes et de femmes pour conduire le mouvement pour la libération et, surtout, pour la fondation d’un Etat moderne, même si, de son vivant, le « Zaîm » leur a fait de l’ombre, souvent d’une manière délibérée.
En effet, sans nier l’apport prépondérant de Bourguiba, ses compagnons ont été efficaces en se répartissant les rôles. On citera, à ce propos, les Mongi Slim, une figure à la popularité qui rivalisait avec celle du leader et qui a eu un rayonnement international majeur au service de la cause du pays, Taëb M’hiri, Ali Belhouane, Sadok Mokaddem, Ferjani Belhaj Ammar, Hedi Chaker, sans oublier les Abdelaziz Thaâlbi, Mahmoud Materi, Hedi Khefacha ainsi que Tahar Ben Ammar et Béhi Ladgham.
On n’omettra pas, non plus, l’apport de Salah Ben Youssef, même s’il avait une autre vision et une autre manière pour mener la lutte de libération.
Il est bon de profiter de cette occasion pour rendre hommage à certaines figures qu’on a tendance à oublier. On mentionnera d’abord Tahar Ben Ammar qui est réapparu sur la scène suite à la parution en 2015 de l’ouvrage biographique retraçant ses combats et sa carrière.
Il est important de souligner qu’il a été l’artisan des accords qui ont mené à l’indépendance de la Tunisie. Il est même le signataire, avec Christian Pineau pour la France, du Protocole d’indépendance en vertu duquel la Tunisie est indépendante depuis ce 20 mars 1956.
Et on apprend que, finalement, un double hommage sera rendu à cet ancien ministre tunisien. D’une part, un timbre à son effigie a été édité par la Poste tunisienne le 17 mars 2017. D’autre part, une rencontre autour de son œuvre sera tenue le 24 mars à l’espace Sophonisbe de Carthage et sera animée par André Abitbol.
L’autre personnage dont il faut mettre en exergue l’apport à l’indépendance et, plus particulièrement, la contribution à l’émergence de l’Etat tunisien moderne, est incontestablement, Béhi Ladgham, militant nationaliste de grande envergure, qui a été, dès l’indépendance en 1957, le véritable N°2 du régime.
Destourien convaincu, il a été le dauphin de Bourguiba, jusqu’en 1970. Secrétaire général du parti destourien, et secrétaire d’Etat à la Présidence, il avait dirigé le gouvernement, composé par de grands ténors comme Taieb Mehiri, Mongi Slim, Ahmed Ben Salah et autres Hédi Khefacha, et longtemps conservé sous son autorité directe le ministère de la Défense nationale.
En première position aux côtés de Bourguiba, il avait été l’un des bâtisseurs de la Tunisie moderne, fondateur de l’armée nationale et de la tunisification de l’administration. Il est connu pour son militantisme, sa loyauté à la patrie et sa discrétion, son intégrité, sa rectitude, son respect de la chose publique et son sens de l’État.
Bourguiba disait de lui : «Son seul défaut est son humilité». Fin négociateur, il fut l’homme des missions difficiles : négociations franco-tunisiennes pour l’indépendance, différend tuniso-égyptien, crise de Bizerte, crise de la nationalisation des terres appartenant aux colons, règlement du contentieux frontalier avec l’Algérie et la crise jordano-palestinienne de 1970.
Toutefois, l’Indépendance continue à être associée presque exclusivement au personnage du Zaîm qui fait, encore recette. Plus encore après la Révolution du 14 janvier 2011 et, plus précisément, avec le retour de Béji Caïd Essebsi sur la scène politique et la formation de son parti, Nidaa Tounes.
En effet, réunissant des personnalités en provenance de plusieurs bords, le parti s’est targué d’être l’héritier du bourguibisme.
Depuis, plusieurs formations politiques ne trouvent pas mieux, pour faire passer leurs messages, que de s’identifier à la pensée et à la « doctrine » bourguibiennes. C’est devenu un label en tant qu’approche positive pour gérer les affaires du pays.
D’ailleurs, nombreux sont les leaders politiques, se proclamant comme étant les héritiers du courant bourguibiste, n’oublient pas, lors de leurs grands meetings, de les faire coïncider avec les dates marquantes du mouvement national pour l’Indépendance tout en se rendant dans les lieux symboliques tels, Ksar Helal et Monastir.
En ces moments de célébration et de festivités de l’Indépendance, l’essentiel est de se rappeler les grands idéaux et la philosophie profonde de cet acquis en œuvrant pour sa consolidation en vue de l’émergence d’un Etat capable de garantir à tous les citoyens, sans exclusion ni discrimination, la dignité et la liberté tant clamés par le peuple tunisien.
Or, de tels objectifs ne peuvent être réalisés que grâce à un Etat de droit, des institutions fortes, un respect sans faille des libertés et des droits de l’Homme ainsi qu’une répartition équitable des richesses à travers toutes les régions du pays, plus précisément, celles défavorisées de l’intérieur sans oublier une magistrature indépendante et juste.
C’est dire que ce genre d’occasions, dont celle de l’Indépendance, devraient constituer des moments forts de réflexion pour aller de l’avant sur la voie de la construction de l’Etat Tunisie. Un Etat pour toutes les Tunisiennes et tous les Tunisiens.
Sarra Hlaoui