alexametrics
dimanche 19 mai 2024
Heure de Tunis : 00:50
A la Une
L’omerta pour politique d’État
03/05/2024 | 17:30
5 min
L’omerta pour politique d’État

 

Le régime de Kaïs Saïed n’aime pas rendre de comptes et continue à agir comme si la Tunisie était une ferme personnelle. Le chef de l’État limoge des ministres et de hauts responsables sans donner de raisons et en nomme d’autres sans justifier pourquoi, ni même accompagner ses nominations de biographies. La culture de l’omerta atteint maintenant le système judiciaire avec l’interdiction de traiter médiatiquement l’affaire la plus chaude, celle dite de complot contre l’État et ce malgré l’achèvement de l’instruction.

 

La décision est on ne peut plus claire. La chambre d’accusation près la cour d’appel de Tunis a décidé jeudi 2 mai 2024 de maintenir l’interdiction de traitement médiatique de l’affaire de complot contre l’État. Dans cette affaire, il y a quarante prévenus dont plusieurs hommes politiques de haut rang, des lobbyistes de renommée, de grands journalistes ou des avocats parmi les ténors du barreau tunisien.

L’affaire intéresse au plus haut point l’opinion publique pour plusieurs raisons, la première d’entre elles est qu’elle a l’air d’avoir été montée de toutes pièces par le régime. L’absence totale de faits concrets alimente grandement la suspicion qu’il s’agit d’une affaire politique, de bout en bout, fomentée pour mettre à plat l’opposition. Cela n’a rien d’exceptionnel, le scénario est des plus vieux et il a été observé, et s’observe encore, partout dans le monde. La différence est que le scénario tunisien est mal ficelé et renferme un tas de vices de procédures et d’aberrations. Les témoins principaux se présentent sous forme de pseudonymes et les accusations manquent de consistance.

À écouter les avocats et à lire les actes d’accusation et le rapport de fin de l’instruction qui circulent sous le manteau (ou plutôt sur les réseaux sociaux et les forums de chat), le summum de l’aberration, dans ce dossier, est ce syndicaliste décédé en 2020 qui complote contre l’État en 2022 ou encore ces suspects qui complotent au Luxembourg, alors qu’ils n’y ont jamais mis les pieds. Mais chuuut, il est interdit d’en parler et ce depuis juin 2023, quatre mois après le début de l’instruction. Interdiction confirmée hier, après la clôture de l’instruction, par la chambre d’accusation.

 

À défaut de parler de l’instruction et ses aberrations, les Tunisiens parlent de l’interdiction et de son ridicule. Sur les réseaux sociaux, on pointe du doigt le traitement médiatique de l’affaire par la chaîne « France 24 » basée à Paris et on s’en donne à cœur joie pour se moquer du régime. « Comment le régime va-t-il réagir quand une affaire tuniso-tunisienne est traitée sur une chaîne française et viole allègrement l’interdiction ? », lit-on sur Facebook et X (anciennement Twitter).

« L’interdiction de traitement de l’affaire. On met en prison qui on veut et comme on veut et vous vous taisez, sinon votre sort sera la prison », commente l’universitaire Raja Ben Slama, limogée en février 2023 de son poste de directrice de la Bibliothèque nationale tunisienne à cause d’un post Facebook soutenant les prisonniers politiques.

« Si vous n’aviez pas honte de votre dossier, vous en auriez parlé et vous ne serez pas dérangé qu’on en parle. Mais celui qui a quelque chose à se reprocher, il interdit », réagit la célèbre avocate Dalila Msaddek, qui défend plusieurs prisonniers politiques dont son frère Jawhar Ben Mbarek.

 

C’est un fait, il n’y a pas que le contenu du dossier et l’interdiction qui sont ridicules, il y a également le comportement du régime. À ce jour, plus de quatorze mois après le début de l’instruction et à l’exception de la question de l’interdiction, le parquet n’a rien communiqué sur l’affaire, malgré la polémique qui n’a jamais désenflé. Il n’a rien dit sur les actes d’accusation et n’a répondu à aucune des attaques incessantes de l’opposition et des avocats.

Le paradoxe est que l’interdiction ne frappe qu’une partie de l’opinion, celle de l’opposition. Le président de la République a évoqué le sujet plus d’une fois dans ses monologues face à ses ministres. Ses aficionados sur les réseaux sociaux et dans les plateaux médiatiques sont systématiquement présents pour répondre, avec moult détails, aux adversaires du régime quand ils parlent de l’affaire. C’est d’ailleurs l’un de ces aficionados du régime qui a été, le premier, à communiquer sur la décision de la chambre d’accusation, jeudi 2 mai, bien avant les avocats de la défense. En clair, ce qui est interdit aux avocats et aux médias est permis pour le président de la République et ses partisans.

 

Cette omerta du régime n’est pas nouvelle et n’a pas commencé avec l’affaire de complot. Loin s’en faut. C’est une seconde nature chez Kaïs Saïed et c’est devenu, au long des années, une politique d’État.

Contrairement à tous les chefs d’État de pays démocratiques, le président tunisien ne dit pas ce qu’il fait, ne fait pas ce qu’il dit et méconnait totalement ce qu’est la communication. Il n’a toujours pas trouvé de successeur à sa directrice de communication limogée en octobre 2020. Depuis, les communiqués de la présidence ressemblent à des publications Facebook ou, au mieux, à un blog avec des phrases à l’emporte-pièce, des accusations légères, des impressions et des approximations, des formules creuses, identiques et récurrentes et une quasi-absence d’informations utiles. À l’opposé de ce qu’on lit à l’étranger, dans les pays démocratiques, où chaque virgule compte, où aucun mot n’est placé par hasard et où chaque phrase contient une information utile.

Outre la langue de bois, le président de la République ne communique jamais son agenda à l’avance, contrairement à ses pairs, et ne diffuse jamais un compte-rendu détaillé des échanges que ce soit avec ses homologues ou ses subordonnés.

Mais là où il y a vraiment un couac, c’est concernant les nominations et les limogeages. La présidence se suffit, le plus souvent, à des communiqués secs pour annoncer le limogeage de tel ministre ou haut responsable et la nomination d’un autre. À ce jour, Business News a décompté quelque 75 limogeages, mais il n’y a jamais eu d’explication à l’un d’eux. Certains des hauts responsables limogés ont été nommés par le président lui-même, il y a quelques mois seulement.

Cette culture de l’omerta du régime Kaïs Saïed est maintenant devenue une politique d’État puisqu’elle s’est élargie au pouvoir judiciaire et touche plusieurs départements ministériels.

Le chef de l’État a beau crier sur tous les toits qu’il répond à la volonté du peuple et qu’il n’est pas dictateur, le fait est que son comportement démontre l’inverse.

 

Raouf Ben Hédi

03/05/2024 | 17:30
5 min
Suivez-nous
Commentaires
Abidi
Impolitesse
a posté le 05-05-2024 à 17:58
Et l'impolitesse est une discipline chez nos pseudo médias
Ancien '?lu de la république française d'??origine tunisienne assil iRRiF luid ETTABOUNA
Un message aux traîtres du peuple tunisien
a posté le 05-05-2024 à 16:48
Les critiques sont constructives, pour les insultes, elles ne sont que l'arme des faibles et des traîtres du peuple tunisien, je m'adresse aux traîtres, aux islamistes,aux vendus tunisiens et tunisiennes, les lycées en France lundi 6 et mardi 7 avril 2024 seront bloqués en soutien au peuple palestinien, les tunisiens et tunisiennes se battent pour le pouvoir pour détruire la république tunisienne encore plus grave et plus profond, je demande aux lycéens tunisiens de faire autant
Ancien '?lu de la république française d'??origine tunisienne assil iRRiF luid ETTABOUNA
6 et 7 mai
a posté le à 22:49
Faute de frappe 6et 7 mai
CL
MDR
a posté le à 21:38
Bravo pour cet article c'est du Bon travail quant @ancien élu maintenant il demande je ne sais quelle base aux lycéens tunisiens de bouger son ancien titre lui monte au cerveau ou quoi est il sur de la date du 6 et 7 Avril 2024 alors qu'on est le 5 Mai de l'an de grâce 2024 l'ancien élu hbil
Ancien '?lu de la république française d'??origine tunisienne assil iRRiF luid ETTABOUNA
Tu vas chez le serrurier pour te une clef pour fermer ton clapet
a posté le à 08:46
Les chiens aboient la caravane passe, nous n'avons jamais eu les mêmes valeurs, je n'ai jamais dérobé l'argent du peuple tunisien pour venir vivre à Paris comme un pacha, si tu arriveras à faire autant pour les écoles d'irrif en Tunisie tu pourras ouvrir ton clapet, les traîtres vous êtes là juste pour chasser les patriotes tunisiens et tunisiennes , tu verras Kaïs Saïed sera réélu haut les mains
Hbib
Lapsus !
a posté le à 16:42
J'espère que " haut les mains" est un lapsus, sinon, on sait à quoi on doit s'attendre.
hourcq
Ce qui me plaît dans B.N......
a posté le 05-05-2024 à 15:01
.........outre ses articles intéressants et documentés faits par d'excellents journalistes, c'est qu'il laisse la parole libre à tous ses lecteurs. Qu'ils soient des islamistes forcenés, des antisémites qui vénèrent paradoxalement le dieu dollar ou pétrodollar, des critiques de l'autocrate tunisien ou à l'inverse de ses adeptes qui pensent que, grâce à lui, ce pays va connaître un avenir radieux alors qu'il s'enfonce dans la misère économique, sociale, intellectuelle et culturelle., toutes les opinions s'expriment dans les commentaires. Pas de censure et c'est tant mieux. A chacun de distinguer le vrai du faux.
Pour en revenir à l'article, oui, la théorie du "complot contre l'Etat" est utilisée par toutes les dictatures passées et présentes sur cette terre. Et censurer ceux qui en parlent est une preuve de la faiblesse de ce genre d'accusation. qui ridiculise ceux qui la portent .Et à ceux qui rétorquent que, malgré cette mascarade, le Président autocrate K.S sera réélu avec 80% des voix, peut-être, mais avec 10% de votants comme pour l'ARP. Un véritable exploit sans ses principaux opposants tous emprisonnés ou écartés de la course.
Juan
Korea , comme TN .... peuplés de moutons suiveurs . No way.
a posté le 05-05-2024 à 11:22
Kim et sa chanson de propagande , un gros succès planétaire sur TikTok.
qu'attend Said pour l'imiter
youtube: north korea "friendly father"
Kays
Politique du RIEN
a posté le 05-05-2024 à 10:59
Aucun résultat tangible sur le plan économique. Des infrastructures à l'abandon. Un pays sale partout.
Aucune direction pour orienter le pays vers le mieux.

La Tunisie de Ben Ali était beaucoup plus belle et plus dynamique.

Les dirigeants dorment-ils?

TAHYA TOUNES
Juan
tu insultes la révolution
a posté le à 14:55
comment u peux défendre le despote Ben Ali baba et sa clique de 40 voleurs
Bta
Mission
a posté le 05-05-2024 à 07:22
KS a une mission nettoyer ce Pays des magouilleurs. Le cirque depuis 2011 est fermé. Maintenant rigueur et discipline.
Autant travailler sur des bases solides et propres. '?a vous a plus cette gabegie de la Troika, de Gassas, de Nahdha .., et j'en passe.
KS a une excellente comm : le fait d'interroger un Pdg en direct a la TV plaît au Chaab Yourid . Déroger un ministre ou un responsable, ca c'est le pouvoir absolu.
Je vous assure que si on fait un sondage KS aura 80% ( je n'ai pas voté pour lui). Il a une mission nettoyer ce pays des faux démocrates, des corrompus, des politiciens véreux, des faux jetons et j'en passe.
Personne n'est parfait, faut espérer pour son 2eme mandat qu'il redressera l'économie et maitrisera l'inflation ( bien en ce moment les indicateurs ne sont pas si mauvais).
Nephentes
Une spirale pathologique promise à l'auro destruction
a posté le 04-05-2024 à 19:14
BN est soumise à maints détours pour souligner un fait très simple :
Ce régime est une macro-pathologie un délire collectif institutionnalisé comme malheureusement l'histoire et l'ignorance de masse a pu en générer

Cette tentative de dissimulation d'affabulation infantile et proprement maladive est beaucoup trop inconsistante pour être viable. Je suis par exemple de loin quelques données officielles en cours de bidonnage et j'ai du mal à vous restituer la débilité et l'indécence de ce bidonnage. Fait fondamental, le Président croit en ces bidonnages la plupart du temps et ne semble pas être en mesure de vérifier leur véracité; on est donc en termes de gouvernance dans un processus de perte de contrôle et d'efficacité décisionnelle avancés

Paradoxalement ceci laisse à penser que pareils clowns ne peuvent se maintenir au pouvoir sans créer une catastrophe majeure notamment au niveau socio-économique - mais pas que- et que donc leurs jours sont réellement comptés.

Evidemment il y aura un prix a payer mais quand vous avez 73% des votants qui élisent un parfait inconnu sans aucun programme sans aucune responsabilité exercée il ne faut pas s'étonner des conséquences
Faysal
Trop c est trop!
a posté le 03-05-2024 à 21:55
Apres lecture de cet article,je soutien volontiers
la pretendue politique de
l omerta du president. Trop
c est trop BN!
SALIM
ET ON A ATTENDU L'ENQUETE DE M6.
a posté le 03-05-2024 à 20:27
Mais M6 et les media étrangers sont mille fois plus doux et plus objectifs que ce qu'on lit sur quelques sites en TUNISIE.
Larry
Les Pros-Poutine et Pro-russes sont en pleine euphorie !...
a posté le 03-05-2024 à 18:41
Cest le début de l'annonce d'un même régime dictatorial...
C'est le comble !
(ils critiquent K.S. et son régime mais sont en pleine idolatrie avec la Russie)
Vous y comprenez quelque chose ?....

Où allons nous avec ce Kaiser ?...
The Mirror
Silence Is Golden
a posté le 03-05-2024 à 18:35
Je rappelle à ceux qui l'auraient oublié, que Kais Said n'est, ni juge. ni justicier.
Kais Said est tout simplement le Chef d'Etat, le président de la République tunisienne. La noblesse de la fonction présidentielle le place au-dessus de la mêlée.
Said ne met pas en prison, et il ne fait pas sortir de prison non plus.

La Justice tunisienne a retrouvé sa transparence et sa dignité, elle travaille à son rythme. Certains cherchent à harceler la Justice pour la discréditer; c'est peine perdue.

Les pouvoirs Exécutif et Judiciaire sont pour la première fois séparés et autonomes. Les râleurs habituels, les avocats ayant échoué dans la défense de leurs clients, cherchent à essuyer leur échec professionnel en faisant l'amalgame Exécutif et Judiciaire. Cela ne marche plus.
Chelbi
Niveau éblouissant
a posté le à 19:08
Tellement votre intervention est convaincante, j'ai envi d'en faire des tonnes de copies pour les étudiants en psychiatrie.
Zarzoumia
Le deuil de la transparence
a posté le 03-05-2024 à 17:58
Pour KS, son pouvoir doit être absolu. Il ne peut souffrir d'aucune contestation. Toute opposition ou contradiction est vécue comme une trahison et ne peut être que mal intentionnée. Celui qui détient le pouvoir absolu n'a pas à se justifier, il n'a pas à s'expliquer. Ses décisions et ses visions sont infaillibles. Fuir les questions des journalistes, pratiquer l'omerta, ne sont que des moyens pour cacher ses échecs et son incompétence. Et lorsqu'il est acculé, il passe en force en "retournant la feuille ", c'est ce qu'il nous a déclaré à l'issue des élections honteuses de l'ARP.
En somme, on est face à un bon dictateur qui se respecte.
Chelbi
La photo
a posté le 03-05-2024 à 17:30
Juste la photo accompagnant l'article dit tout :)
banana
republic
a posté le 03-05-2024 à 16:59
pour parler d'affaire d'état, il faut déjà un état proprement dit...

banana republic with so many bhayem and one bghal
Juan
@ banana
a posté le à 18:40
in arabic: hamir taqudohom hamir ....
Djodjo
A personnalité médiocre, régime médiocre
a posté le 03-05-2024 à 16:50
On a ce qu'il se fait de pire au plus haut niveau de l'état, le personnage est profondément médiocre, pas étonnant que l'on tende vers la médiocrité et que le pays se déclasse mois après mois.