A la Une
Tunisie – SOS, notre patrimoine en danger !
{legende_image}
Il y a près de huit mois, le feu a embrasé le mausolée de Saïda Manoubia, haut lieu du patrimoine culturel tunisien. Semant la terreur auprès des résidents des lieux et suscitant une colère froide auprès d’une société civile déjà en ébullition, cet acte criminel, quoique condamné par tous ou presque, a été renouvelé, au grand dam de tous les Tunisiens.
Pourquoi les mausolées ?
Une véritable folie incendiaire a frappé plusieurs sites du patrimoine tunisien, depuis quelque temps. Elle a emporté, sur son passage, de nombreux symboles de la pensée commune et de véritables joyaux architecturaux tel que le mausolée de Sidi Bou Saïd, classé patrimoine mondial par l'Unesco et incendié le 12 janvier 2013.
A chaque acte de ce genre que ce soit une tentative d’incendie, un incendie ou un saccage, les responsables semblent être les mêmes, ils seraient salafistes de crédos et surtout d’apparence.
Ces salafistes, vrais ou pseudos, s’érigent en défenseurs zélés des valeurs de la religion musulmane. Cependant, leurs attaques des mausolées sont des actes lâches et en opposition totale avec les valeurs de l’Islam voire avec toute valeur humaine.
D’abord, les mausolées sont des sanctuaires réservés à de hautes figures des études islamiques, à savoir des personnes, ayant consacré leurs vies à servir l’Islam en l’analysant, en transmettant ses valeurs et en en appliquant la noblesse autour d’eux.
Ensuite, il est à préciser que l’attachement des Tunisiens pour les mausolées de ces saints dont l’œuvre a été transmise d’une génération à une autre ne relève pas du polythéisme (shirk), contrairement à ce que certains islamistes fanatiques veulent faire croire.
Sortes de « Resto du cœur » nationaux, les mausolées sont les vecteurs d’une entraide sociale dans une société qui, au détriment d’une certaine modernité, engouffre certains dans le besoin et fait oublier à d’autres la notion du don (de soi, de son temps, de ses biens). Ce rôle est donc joué par et dans certains mausolées au moyen d’actes de bienfaisance de tout genre.
Ainsi et dans un attachement réel aux valeurs de notre religion, nos jeunes zélés auraient mieux fait d’user du dialogue et de la parole pour expliquer leur théorie aux quelques personnes qui manifestent une vénération excessive pour les saints de leurs régions.
Quelle est la position de la société civile et du réseau associatif et spécialisé ?
Cette violence excessive a été condamnée par certains partis politiques, par la société civile mais aussi par de nombreuses associations œuvrant dans le champ du patrimoine et des courants soufis.
L’Unesco a, en effet, condamné l’incendie de Saïda Manoubia et de Sidi Bou Saïd. « Porter atteinte aux lieux de la mémoire populaire et de l’histoire de la Tunisie, c’est commettre un crime contre le peuple tunisien qui s’est toujours distingué, au cours de son histoire, par sa tolérance et son respect de la diversité des croyances et des pratiques spirituelles », avait déclaré Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO, dans un communiqué datant du 21 octobre.
L’Institut national du patrimoine, condamnant à son tour ces actes, semble être déterminé à défendre ces lieux. Dans un communiqué, le Syndicat des chercheurs de l'Institut national du patrimoine (INP) avance que la profanation des mausolées "constitue un tournant dangereux portant atteinte au patrimoine civilisationnel et culturel de la Tunisie".
L’Union des confréries soufies de Tunisie a, pour sa part, manifesté son mécontentement quant aux attaques perpétrées contre les mausolées en Tunisie. Selon son vice-président, Mohamed Omrane, 38 mausolées auraient été profanés pendant les derniers huit mois.
Accusant au passage les adeptes du courant wahhabite d’être derrière ces profanations, l’Union avait déjà, depuis quelques mois, insisté sur la nécessité de protéger les mausolées de telles agressions.
Quelles sont les mesures prises par l’Etat ?
Précisant que les attaques sur les mausolées répondent à une démarche planifiée, le ministre de la Culture a annoncé, samedi 26 janvier sur les ondes de Mosaïques Fm, qu’une « stratégie d’urgence » sera mise en place afin de coordonner les efforts de son ministère de tutelle et ceux du ministère des Affaires religieuses dans le but de faire face aux actes de violence contre les mausolées.
Sur le plateau de l’émission « 9 heures du soir » du jeudi 24 janvier, sur la chaîne Ettounissia, le représentant du ministère des Affaires religieuses avait, quant à lui, précisé que la garantie de la sécurité des mausolées ne relève pas du ressort du département qu’il représente mais fait partie des prérogatives du ministère de l’Intérieur.
Par ailleurs, l’incendie qui a touché le mausolée de Sidi Bou Saïd a suscité de nombreuses réactions auprès de la classe politique. La présidence de la République, avait, en l’occurrence, en date du samedi 12 janvier, condamné cet acte, le qualifiant de « criminel » et le décrivant comme une tentative de déstabilisation. La présidence avait exhorté les forces de l’ordre et le ministère de l’Intérieur à œuvrer pour combattre ce genre de violence et à tenter de mettre la main sur les commanditaires de ces actes.
Le ministère de l’Intérieur avait condamné, dimanche 13 janvier 2013, en la personne d’Ali Laârayedh, ministre de l’Intérieur, la destruction du mausolée de Sidi Bou Saïd. Il a appelé les citoyens à tenter de protéger les mausolées.
Près de 38 actes de profanations et seulement 5 détenus (suspectés d’avoir exécuté l’incendie qui a touché Saïda Manoubia). Ce sont, du moins, les seules arrestations autour desquelles le ministère de l’Intérieur a communiqué. Et c’est trop peu…
On tente de nous ôter un pan de notre patrimoine culturel, de gommer à coups de feu et de flammes une partie de notre mémoire collective. On détruit des emblèmes et non des moindres, de notre architecture et de notre histoire nationale. Pendant ce temps, nos figures politiques les plus influentes et les plus illustres du moment s’ingénient à condamner, dans un vocabulaire figé daté d’un autre temps, des actes perpétrés par une frange de la population qui s’est marginalisée d’elle-même, marginalisant aux passages des us et coutumes vieux de siècles.
L’Etat serait-il incapable de se protéger de violences qui sont de nature, à terme, à le déstabiliser lui-même et remettre en cause son rendement ? Outre la force de condamner verbalement et via des communiqués, nos politiciens au pouvoir ont-ils la force d’être les garants de notre sécurité et de celle de nos biens communs ?
A noter que 38 mausolées ont été profanés en huit mois. Le bilan est lourd en chiffres, en symboliques et en interrogations.
De Sidi Bouzid à Sidi Bou Saïd, le pays s’embrase, les responsables condamnent et les commanditaires courent toujours.
Voici une liste non exhaustive des actes de profanation dont les mausolées ont fait l’objet :
- le mausolée de Sidi El Kacem, à El Kef, incendié en avril 2012
- le mausolée de Sidi Assila, au Bardo, a été détruit en avril 2012
- le mausolée de Sidi El Mouhareb, à Monastir, a été incendié en mai 2012
- le mausolée de Sidi Yacoub, dans la commune de Zlitna, à Tataouine, a été détruit en mai 2012
- un mausolée soufi, à Kairouan, a été détruit en août 2012
- le mausolée de Sidi Abdallah El-Ghribi, à Sidi Bou Zid, a été détruit en août 2012
- le mausolée de Sidi Abdelkader El-Jilani, à Menzel Bouzelfa, détruit en septembre 2012
- le mausolée de Saïda Aïcha Manoubia, à La Manouba, incendié mardi 16 octobre 2012
- le mausolée Sidi Ali Ben Salem à El Hamma incendié le 23 décembre
-Le mausolée Sidi Mohamed El Ghouth à Douz incendié le 24 décembre
- le mausolée de Sidi Ali Hachani, situé à Menzel Abderrahmane, incendié le 1er janvier 2013
- le mausolée de Sidi Abdelaziz El Mahdi, situé à La Marsa (banlieue nord de Tunis), incendié le jeudi 10 janvier
- le mausolée de Sidi Bou Saïd El Béji, à Sidi Bou Saïd, incendié le 12 janvier 2012
- le mausolée Sidi Ouerfelli à Akouda a été incendié le 23 janvier
Et d’autres encore, à Skhira, Monastir, Djerba, Mahdia, Maharès…
Pourquoi les mausolées ?
Une véritable folie incendiaire a frappé plusieurs sites du patrimoine tunisien, depuis quelque temps. Elle a emporté, sur son passage, de nombreux symboles de la pensée commune et de véritables joyaux architecturaux tel que le mausolée de Sidi Bou Saïd, classé patrimoine mondial par l'Unesco et incendié le 12 janvier 2013.
A chaque acte de ce genre que ce soit une tentative d’incendie, un incendie ou un saccage, les responsables semblent être les mêmes, ils seraient salafistes de crédos et surtout d’apparence.
Ces salafistes, vrais ou pseudos, s’érigent en défenseurs zélés des valeurs de la religion musulmane. Cependant, leurs attaques des mausolées sont des actes lâches et en opposition totale avec les valeurs de l’Islam voire avec toute valeur humaine.
D’abord, les mausolées sont des sanctuaires réservés à de hautes figures des études islamiques, à savoir des personnes, ayant consacré leurs vies à servir l’Islam en l’analysant, en transmettant ses valeurs et en en appliquant la noblesse autour d’eux.
Ensuite, il est à préciser que l’attachement des Tunisiens pour les mausolées de ces saints dont l’œuvre a été transmise d’une génération à une autre ne relève pas du polythéisme (shirk), contrairement à ce que certains islamistes fanatiques veulent faire croire.
Sortes de « Resto du cœur » nationaux, les mausolées sont les vecteurs d’une entraide sociale dans une société qui, au détriment d’une certaine modernité, engouffre certains dans le besoin et fait oublier à d’autres la notion du don (de soi, de son temps, de ses biens). Ce rôle est donc joué par et dans certains mausolées au moyen d’actes de bienfaisance de tout genre.
Ainsi et dans un attachement réel aux valeurs de notre religion, nos jeunes zélés auraient mieux fait d’user du dialogue et de la parole pour expliquer leur théorie aux quelques personnes qui manifestent une vénération excessive pour les saints de leurs régions.
Quelle est la position de la société civile et du réseau associatif et spécialisé ?
Cette violence excessive a été condamnée par certains partis politiques, par la société civile mais aussi par de nombreuses associations œuvrant dans le champ du patrimoine et des courants soufis.
L’Unesco a, en effet, condamné l’incendie de Saïda Manoubia et de Sidi Bou Saïd. « Porter atteinte aux lieux de la mémoire populaire et de l’histoire de la Tunisie, c’est commettre un crime contre le peuple tunisien qui s’est toujours distingué, au cours de son histoire, par sa tolérance et son respect de la diversité des croyances et des pratiques spirituelles », avait déclaré Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO, dans un communiqué datant du 21 octobre.
L’Institut national du patrimoine, condamnant à son tour ces actes, semble être déterminé à défendre ces lieux. Dans un communiqué, le Syndicat des chercheurs de l'Institut national du patrimoine (INP) avance que la profanation des mausolées "constitue un tournant dangereux portant atteinte au patrimoine civilisationnel et culturel de la Tunisie".
L’Union des confréries soufies de Tunisie a, pour sa part, manifesté son mécontentement quant aux attaques perpétrées contre les mausolées en Tunisie. Selon son vice-président, Mohamed Omrane, 38 mausolées auraient été profanés pendant les derniers huit mois.
Accusant au passage les adeptes du courant wahhabite d’être derrière ces profanations, l’Union avait déjà, depuis quelques mois, insisté sur la nécessité de protéger les mausolées de telles agressions.
Quelles sont les mesures prises par l’Etat ?
Précisant que les attaques sur les mausolées répondent à une démarche planifiée, le ministre de la Culture a annoncé, samedi 26 janvier sur les ondes de Mosaïques Fm, qu’une « stratégie d’urgence » sera mise en place afin de coordonner les efforts de son ministère de tutelle et ceux du ministère des Affaires religieuses dans le but de faire face aux actes de violence contre les mausolées.
Sur le plateau de l’émission « 9 heures du soir » du jeudi 24 janvier, sur la chaîne Ettounissia, le représentant du ministère des Affaires religieuses avait, quant à lui, précisé que la garantie de la sécurité des mausolées ne relève pas du ressort du département qu’il représente mais fait partie des prérogatives du ministère de l’Intérieur.
Par ailleurs, l’incendie qui a touché le mausolée de Sidi Bou Saïd a suscité de nombreuses réactions auprès de la classe politique. La présidence de la République, avait, en l’occurrence, en date du samedi 12 janvier, condamné cet acte, le qualifiant de « criminel » et le décrivant comme une tentative de déstabilisation. La présidence avait exhorté les forces de l’ordre et le ministère de l’Intérieur à œuvrer pour combattre ce genre de violence et à tenter de mettre la main sur les commanditaires de ces actes.
Le ministère de l’Intérieur avait condamné, dimanche 13 janvier 2013, en la personne d’Ali Laârayedh, ministre de l’Intérieur, la destruction du mausolée de Sidi Bou Saïd. Il a appelé les citoyens à tenter de protéger les mausolées.
Près de 38 actes de profanations et seulement 5 détenus (suspectés d’avoir exécuté l’incendie qui a touché Saïda Manoubia). Ce sont, du moins, les seules arrestations autour desquelles le ministère de l’Intérieur a communiqué. Et c’est trop peu…
On tente de nous ôter un pan de notre patrimoine culturel, de gommer à coups de feu et de flammes une partie de notre mémoire collective. On détruit des emblèmes et non des moindres, de notre architecture et de notre histoire nationale. Pendant ce temps, nos figures politiques les plus influentes et les plus illustres du moment s’ingénient à condamner, dans un vocabulaire figé daté d’un autre temps, des actes perpétrés par une frange de la population qui s’est marginalisée d’elle-même, marginalisant aux passages des us et coutumes vieux de siècles.
L’Etat serait-il incapable de se protéger de violences qui sont de nature, à terme, à le déstabiliser lui-même et remettre en cause son rendement ? Outre la force de condamner verbalement et via des communiqués, nos politiciens au pouvoir ont-ils la force d’être les garants de notre sécurité et de celle de nos biens communs ?
A noter que 38 mausolées ont été profanés en huit mois. Le bilan est lourd en chiffres, en symboliques et en interrogations.
De Sidi Bouzid à Sidi Bou Saïd, le pays s’embrase, les responsables condamnent et les commanditaires courent toujours.
Voici une liste non exhaustive des actes de profanation dont les mausolées ont fait l’objet :
- le mausolée de Sidi El Kacem, à El Kef, incendié en avril 2012
- le mausolée de Sidi Assila, au Bardo, a été détruit en avril 2012
- le mausolée de Sidi El Mouhareb, à Monastir, a été incendié en mai 2012
- le mausolée de Sidi Yacoub, dans la commune de Zlitna, à Tataouine, a été détruit en mai 2012
- un mausolée soufi, à Kairouan, a été détruit en août 2012
- le mausolée de Sidi Abdallah El-Ghribi, à Sidi Bou Zid, a été détruit en août 2012
- le mausolée de Sidi Abdelkader El-Jilani, à Menzel Bouzelfa, détruit en septembre 2012
- le mausolée de Saïda Aïcha Manoubia, à La Manouba, incendié mardi 16 octobre 2012
- le mausolée Sidi Ali Ben Salem à El Hamma incendié le 23 décembre
-Le mausolée Sidi Mohamed El Ghouth à Douz incendié le 24 décembre
- le mausolée de Sidi Ali Hachani, situé à Menzel Abderrahmane, incendié le 1er janvier 2013
- le mausolée de Sidi Abdelaziz El Mahdi, situé à La Marsa (banlieue nord de Tunis), incendié le jeudi 10 janvier
- le mausolée de Sidi Bou Saïd El Béji, à Sidi Bou Saïd, incendié le 12 janvier 2012
- le mausolée Sidi Ouerfelli à Akouda a été incendié le 23 janvier
Et d’autres encore, à Skhira, Monastir, Djerba, Mahdia, Maharès…
Inès Oueslati
sur le fil
Dans la même Rubrique
Commentaires
Pépites