Il nous manque un vrai guerrier pour mener le combat
C’est l’histoire d’un mec qui tombe du haut d’un toit et qui se dit : jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien…avant de s’écrabouiller sur le sol. La célèbre réplique, tirée du film « La haine », s’applique à merveille à la Tunisie. On est tous en train de tomber : le Bardo, Sousse, Tunis, les soldats tués dans les montagnes et les bergers égorgés. Mais on se dit que jusqu’ici tout va bien.
Comme après le Bardo, comme après Sousse, on a brandi les slogans d’unité nationale, de lutte contre le terrorisme et de responsabilité. C’est normal, les sportifs du Châambi ont encore frappé et les chercheurs de trésors se sont encore exprimés. Les intelligences supérieures qui foisonnent en Tunisie ont déjà commencé à nous abreuver de leurs analyses venues tout droit d’une autre galaxie. On essaye déjà de nous convaincre que les actes de terrorisme sont commandités par des lobbies, des hommes d’affaires, des services étrangers etc. Les mêmes traitres s’expriment à chaque fois pour dire que le terrorisme n’est pas vraiment du terrorisme. Les mêmes vont venir nous expliquer que le terrorisme est un outil utilisé par certains pour brimer les revendications sociales, pour réinstaller l’ancien régime, pour les empêcher de chercher le pétrole ou pour donner le pouvoir aux vilains hommes d’affaires. Ce sont les mêmes qui nous avaient parlé de conteneurs pleins de barbes artificielles, de chercheurs de trésors et de sportifs à la montagne. Les mêmes qui mangent aux râteliers de Soros l’Américain à un marocain installé à Paris tout en faisant quelques « piges » par une instance publique nationale.
Il faudra aller expliquer aux veuves et aux orphelins ce que fait le terrorisme presque quotidiennement dans ce pays. Cachés derrière leurs immunités parlementaires ou derrière leurs statuts FB, ils vont continuer à se parer d’une fausse compassion envers les victimes tout en profitant de leur drame. Ils vont utiliser politiquement cette catastrophe pour pointer la présidence et le gouvernement. Il est vrai qu’ils ne sont pas infaillibles et qu’il y a beaucoup de choses à reprocher. Mais quand un menteur invétéré dit que le ciel est bleu, on vérifiera quand même !
Depuis quatre ans maintenant, le terrorisme sévit en Tunisie sans qu’une réelle prise de conscience n’ait lieu. Après chaque attentat, quel que soit le gouvernement, ce sont les mêmes indignations, les mêmes jérémiades, les mêmes slogans, mais rien ne change. Ils ne veulent pas comprendre que nous n’avons pas besoin de gouvernants compatissants et sensibles mais de gouvernants qui font leur travail dans l’intérêt de la nation.
Quand on sait que des personnes se félicitent de la mort de douze agents de la Garde présidentielle, est-il permis au moins de se poser des questions ? Est-ce qu’on peut être en colère et les traiter de chiens et de charognards au moins ? Mais surtout, est-ce qu’on pourra combattre le terrorisme alors que ses défenseurs profitent d’une totale impunité ?
Entrer dans une guerre contre le terrorisme est logique et même nécessaire. Le camp de la liberté, de la pluralité et de la démocratie fera face à celui de l’obscurantisme et de la terreur. Nous sommes tous prêts à nous battre et à mourir pour ce pays. Le problème, c’est que les soldats du terrorisme, aussi bien intellectuel que politique, sont dans nos rangs. Livrer une guerre nous grandira et nous nous n’en sortirons que vainqueurs, mais encore faudrait-il savoir qui est notre ennemi.
Ceux qui justifient le terrorisme, qui lui trouvent des excuses, qui fournissent aux idiots une base théorique pour ses actes, ce sont eux nos ennemis. Les suceurs de sang, les salauds qui se baignent dans le sang de nos martyrs, ce sont eux nos ennemis.
Une fois nos ennemis identifiés, il nous faudra un commandant pour cette guerre. Là aussi, on a un autre problème puisque ce commandant n’existe pas en pratique. Habib Essid est totalement effacé et n’a ni la carrure ni la stature pour conduire un tel combat. Béji Caïd Essebsi, dans un discours improvisé après l’attentat d’hier, a jugé bon d’adresser un mot aux journalistes pour ne pas « effrayer » la population ! Avec une cadence d’un attentat tous les trois mois, un bus qui explose en plein centre-ville et des adolescents égorgés, notre président a peur que ce soient les journalistes qui effrayent la population ! Autant dire, en bref, que lui non plus ne pourra pas conduire le combat contre le terrorisme.
Quand on saura qui sont nos ennemis et qu’on aura un vrai guerrier pour conduire ce combat, on pourra éventuellement espérer mettre un terme au bain de sang. En attendant, on n’aura que nos yeux pour pleurer et il faudra creuser encore plus de trous pour nos martyrs.