Hamma Hammami profite de la vie, et c'est scandaleux !
Hamma Hammami à Roland Garros, voilà ce qui intéresse les gens. Alors que Ennahdha tient son congrès, que Hafedh Caïd Essebsi prend le contrôle de Nidaa Tounes et que la loi sur les banques est rejetée pour inconstitutionnalité, Hamma Hammami est en train de regarder un match de tennis.
C’est logique quand on sait l’importance des apparences dans notre pays et quand on sait comme il est bon de taper sur Hamma Hammami. Plusieurs « analystes » chevronnés avaient même dit que c’était par sa faute que Nidaa Tounes a été « obligé » de s’allier avec Ennahdha. Parce que, au départ, Nidaa Tounes ne voulait pas… Mignon n’est ce pas ?
Même le gouvernement s’y est mis plus tard. Habib Essid nous avait bien dit que le Front populaire était impliqué dans les contestations de Kerkennah par exemple. Pour Ennahdha, les gauchistes sont les chantres de l’exclusion et ne veulent pas voir le parti islamiste exercer en toute liberté. Ce serait dommage de gâcher le plaisir de faire des terroristes d’hier les martyrs d’aujourd’hui. Bien sûr.
Mais revenons à Hamma Hammami. Il paraitrait, selon certains, qu’il n’aurait pas le droit d’assister à un match de tennis, ni à Paris ni à Tunis d’ailleurs, puisqu’il est de gauche. Pourquoi ? Parce que être de gauche c’est être proche du peuple, être proche du peuple c’est être pauvre, et être pauvre ne colle pas avec le fait d’être dans les tribunes d’un match de tennis. Oui, une quantité abyssale de bêtises peut se glisser en une seule phrase et un nombre incalculable de raccourcis et de lieux communs répugnants peuvent être exprimés en si peu de mots. Et pourtant, ça a été fait à plusieurs reprises.
A cela est venue se greffer une autre bêtise, celle de Roland Garros. On voyait bien que porter un chapeau à l’effigie d’une banque tunisienne dans un court de tennis à Paris était incongru. On savait bien que la photo était vieille et qu’elle a été faite à l’occasion du Nana Trophy à Tunis. Mais non, l’occasion était trop bonne pour taper sur Hamma Hammami.
Il faudrait rappeler que Hamma Hammami a été obligé, pendant de longues années à vivre dans la clandestinité. Que sa fille est née dans la clandestinité. Il faut se souvenir que pendant que ses détracteurs tremblaient devant leurs télés un certain 14 janvier 2011, Hamma Hammami était dans les caves du ministère de l’Intérieur.
Maintenant qu’il a gagné le droit de vivre normalement, pourquoi se priverait-il d’assister à des matchs de tennis ou à des concerts de musique classique ? Pour correspondre à l’image tronquée que se font les petits bourgeois des gauchistes ? Certainement pas. D’autres, un tout petit peu plus érudits, estiment que le comportement de Hamma Hammami ne correspond pas au discours politique qu’il porte. Les valeurs de gauche ne correspondent pas aux matchs de tennis ou aux diners dans des restaurants huppés. Les grands théoriciens de la gauche et même du communisme comme Marx ou Engels n’ont jamais préconisé de ne pas profiter de la vie. Ils en ont profité eux-mêmes. Et puis, plus récemment, des gens comme Dominique Strauss Kahn ou Tony Blair sont politiquement des hommes de gauche. Pourtant, ils ne sont jamais en bleu de travail et ne sont jamais critiqués pour avoir assisté à tel match ou diné dans tel restaurant.
En fait, le problème avec Hamma Hammami c’est qu’il renvoie ses détracteurs à leur propre inconsistance. Par son parcours et par sa droiture, il leur reflète leur opportunisme et leur vide. Hamma Hammami n’a pas de leçons à recevoir de ceux qui ont applaudi Rached Ghannouchi au congrès de Nidaa Tounes ni de ceux qui ont applaudi Béji Caïd Essebsi au congrès d’Ennahdha.