De « où est le pétrole ? » à « voilà le pétrole ! »
Les événements à Tataouine ont pris une tournure très grave aujourd’hui. La mort du premier manifestant a généré une situation hors de contrôle. Retour sur les premières étincelles qui ont mis le feu dans la région.
La campagne #Winou El Pétrole
Tout a commencé il y a deux ans de cela avec la campagne lancée sur le net : Winou El Pétrole ? [Ndlr : Où est le pétrole ?] Cette campagne fortement soutenue par les figures emblématiques du CPR et d’Attayar, outre certaines ONG et composantes de la société civile, a envahi les réseaux sociaux pour revendiquer davantage de transparence à propos des ressources énergétiques du pays et des contrats d’exploitation. Toutefois, le degré de manipulation dans ce mouvement était très palpable et a contribué à une certaine division du peuple tunisien.
Arrêt de production de Winstar et début d’une escalade interminable
Vers le début du mois de janvier 2017 la société pétrolière canadienne, Winstar a arrêté sa production sans préavis. Cette décision a engendré des répercussions négatives sur toute la région, notamment, à la suite du licenciement de 15 agents.
En effet, le 13 mars 2017, la section régionale de l’UGTT à Tataouine a décrété une grève générale dans le secteur pétrolier prévue pour le 16 mars 2017, avec arrêt de la production. Cette décision intervient suite à la dégradation de la situation dans la société pétrolière canadienne Winstar. Ses employés sont en sit-in actuellement et la production est à l’arrêt.
Face audit silence des autorités, les manifestants de Tataouine ont décrété une grève générale dans le gouvernorat, le 27 mars 2017, et les protestations se sont propagées dans plusieurs localités de la région. Les revendications commencent à prendre formes, les jeunes chômeurs appellent à l’emploi, au développement et la création de projets. Les protestataires ont poursuivi leur escalade, en bloquant les routes et l’acheminement des camions transportant les hydrocarbures.
Une délégation gouvernementale se rend sur les lieux
La pression se fait donc ressentir, le chef du gouvernement Youssef Chahed ordonne l’envoi d’une délégation gouvernementale pour s'enquérir de la situation le 4 avril 2017.
Une série de mesures urgentes a été annoncée par le gouvernement à l’issue d’une réunion ministérielle tenue le 10 avril 2017, sauf que ces mesures, jugées insuffisantes par les protestataires, ont été catégoriquement refusées et une nouvelle grève générale a été décrétée le lendemain.
Sit-in d’El Kamour : le point de non retour
Comme les choses ne se sont pas calmées, le chef du gouvernement Youssef Chahed a décidé de se rendre par lui-même à Tataouine. Les protestataires, loin d'être satisfaits, se sont dirigés, le 23 avril 2017, vers la zone pétrolière protégée par les forces armées, El Kamour, pour un sit-in ouvert.
A travers cette action, ils ont bloqué la circulation des camions et des véhicules de transport pétrolier dans le désert pour maximiser la pression sur le gouvernement et les sociétés pétrolières. Ils revendiquent, essentiellement, que 20% de la production pétrolière soit consacrée à l’impulsion du développement à Tataouine et le recrutement d’un membre de chaque famille dans les sociétés pétrolières opérant dans la région.
La visite de Youssef Chahed
Cette nouvelle étape n’a pas dissuadé le chef du gouvernement dans sa démarche. Il s’est quand même rendu à Tataouine comme prévu, le 27 avril 2017, avec 64 mesures entre les mains. Ces mesures n’ont pas été acceptées, encore une fois, par les manifestants. Youssef Chahed a même été évacué du siège du gouvernorat au milieu d’une vive tension. Les manifestants d'El Kamour se sont rués sur le siège du gouvernorat appelant à l’escalade. Toute la ville est en grève générale, les commerces sont fermés et des roues en feu bloquent les routes.
D’ailleurs, la coordination du sit-in d’El Kamour est allée jusqu'à considérer les propositions du gouvernement comme humiliantes.
Le discours de Béji Caïd Essebsi
Toutefois, et face à la poursuite du sit-in et du blocage de la production, le président de la République a annoncé dans son discours, tant attendu du 10 mai, que l’armée assurera la protection des sites de production. Cette décision du chef de l’Etat intervient au moment où les gens s’attendaient à une décision ferme pour mettre fin aux revendications exubérantes des manifestants.
Enfin une proposition acceptée par la majorité
Après de multiples tractations un accord a été accepté par la majorité des composantes de la coordination du sit-in d’El Kamour : Les termes de l’accord sont les suivants : 1.000 recrutements dans les sociétés pétrolières à partir de juin 2017, 500 autres recrutements avant fin 2018, 1.000 recrutements dans les sociétés environnementales et 1.000 recrutements supplémentaires à partir de janvier 2018. En outre, l’accord concerne une dotation de 50 millions de dinars par an pour un fonds d’investissement. Les manifestants échapperont aussi à toute poursuite judiciaire et la priorité sera donnée dans tous ces arrangements aux manifestants d’El Kamour.
La situation dégénère : Retour à la case de départ !
Dire que les choses se sont arrangées pour une situation qui dure des mois, était trop simple. « La minorité » qui n’a pas accepté les propositions faites par le gouvernement a maintenu le sit-in à El Kamour, poursuivant l’escalade dans une démarche de provocation des troupes militaires chargées de la protection des sites de production. Après la fermeture de la vanne et sa réouverture sur ordre du chef du gouvernement, la situation s’est envenimée. En effet, le chef du gouvernement a appelé à une application stricte et ferme de la loi, chose qui a fortement déplu aux sitinneurs.
Et c’est aujourd’hui, qu’on enregistre la mort du premier manifestant. Le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Yasser Mesbah, a affirmé, lors d’un point de presse tenu aujourd’hui même que le jeune homme a été renversé par une voiture de la Garde nationale alors qu’elle s’apprêtait à faire marche arrière. Il a, également, dressé le bilan d’une journée d’affrontements intenses ayant conduit à la blessure de 13 agents de police et 6 de la Garde nationale, outre l’agression du conducteur du camion de la Protection civile et la tentative de brûler vif un agent de sécurité.
Les « manifestations pacifiques » ont aussi abouti à l’incendie des districts de la Police et de la Garde nationales, ainsi que le vol du dépôt municipal.
En tout état de cause, la situation est loin d’être maitrisée pour l’instant. La chronologie des évènements démontre qu’ils ne sont point innocents. Tous les observateurs s’accordent sur le fait que les mouvements de protestations sont le fruit de manipulations politiques de forces extérieures qui veulent semer le trouble dans le pays.
Après la campagne "Où est le pétrole?", les manifestants-saboteurs posent fièrement, aujourd'hui, devant un gisement de pétrole qui part en l’air. Une pose prise par ceux qui se demandaient, il y a quelques mois, où étaient cachées les richesses naturelles du pays et qui n'hésitent pas aujourd'hui à les dilapider honteusement...