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Chroniques
Saoussen Mâalej face aux intégristes de Facebook
20/12/2010 |
min
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Par Nizar BAHLOUL


Pour la deuxième fois en moins d’un an, la comédienne tunisienne Saoussen Mâalej se débrouille pour être au centre de la polémique. Du scandale, diront certains.
La première fois, elle a eu le malheur d’ajouter 50 cm sous le pantalon de son sketch à peine salace, cette fois elle s’est permis de parler, dans une interview accordée à Tunivisions (Cliquer ici pour voir la vidéo de l’interview), du bon Dieu ou, plutôt, de son interprétation de ses lois.
Comme tout un chacun sait, les lois du bon Dieu sont nombreuses. Hélas, le nombre de ces lois reste infinitésimal comparé au nombre des interprétations qu’on en fait.
Toujours est-il que certains interprètes, auto-érigés en avocats du Bon Dieu, pensent que certaines de nos femmes n’ont pas à parler des lois divines car, disent-ils, elles ne sont ni outillées ni cultivées pour cela.

Sous nos cieux de cette vaste terre arabo-islamique, un analphabète, incapable de rédiger son propre nom correctement, se croit plus cultivé qu’une universitaire. Et il le crie sur tous les toits.
Sous nos cieux de cette vaste terre arabo-islamique, le nombre des analphabètes est largement supérieur au nombre des universitaires. Selon les chiffres officiels de l’Alecso, 30% des Arabes sont analphabètes. 47,5 % des femmes arabes ne savent ni lire ni écrire.
Sous nos cieux de cette vaste terre arabo-islamique, de sociétés patriarcales et machistes, les femmes n’ont pas droit de parole, fussent-elles des universitaires chevronnées.
De cette vaste terre arabo-islamique, un petit pays fait de la résistance à l’ignorance et s’oppose à l’occupant. Depuis la nuit des temps, de la Kahéna jusqu’à Olfa Youssef en passant par Aziza Othmana.

Dans ce petit pays qu’est la Tunisie, l’interprétation de la religion est basée sur le bon sens et les principes pacifiques et d’ouverture de l’islam. Sur les principes de l’égalité et de la liberté des croyances religieuses de tout un chacun. Il s’agit là de nos traditions ancestrales en matière d’interprétation religieuse.
Mais ce n’est pas l’avis de plusieurs analphabètes qui s’ignorent. C’est que nos analphabètes à nous savent lire et écrire et ce grâce aux principes d’ouverture et d’égalité des chances instaurés dans ce pays depuis son indépendance avec l’Éducation gratuite et obligatoire pour tous. C’est un modèle de société que nous avons choisi et que nous tenons à préserver.
C’est ce modèle de société qu’a défendu Saoussen Mâalej dans son interview, comme beaucoup d’autres telle Olfa Youssef. Ce modèle de société déplait à nos analphabètes qui s’ignorent. Ils aimeraient adopter le modèle de société qu’ils observent sur plusieurs chaînes satellitaires intégristes du Golfe. Non seulement ils aimeraient adopter ce modèle, mais ils tiennent à ce que tout le monde l’adopte. De gré ou de force.

Malgré leur esprit rétrograde, et leur désir farouche d’épouser le salafisme (le retour à l’islam des origines), ils savent utiliser les technologies les plus modernes. Allez comprendre cette schizophrénie consistant à appeler à l’abandon de la modernité tout en utilisant Facebook.
Dans leur interprétation de l’islam, à la manière salafiste ou intégriste, Saoussen Mâalej, Olfa Youssef ou encore Riyadh Zeghal sont des mécréantes méritant la mort. Ni plus ni moins ! On se croirait au Pakistan ou en Afghanistan ! Et ils n’hésitent pas à le crier haut et fort à travers des pages dédiées appelant au crime et la haine. A travers des photos personnelles et familiales sorties de leur contexte. A travers la violation des valeurs même de l’islam.

Cela se passe en Tunisie, en 2010, et le nombre de ces intégristes de Facebook ne cesse d’augmenter. Et comme ils sont nombreux, ils réussissent à faire du bruit, à trouver des sympathisants, à semer le trouble dans un pays qui ne cherche qu’à vivre pacifiquement.
Ce pays, fondé sur le bon sens, a toujours fonctionné sur ce principe : que l’on soit musulmans, athées, mécréants, juifs ou chrétiens, on est d’abord et avant tout des Tunisiens. La croyance religieuse est une affaire qui touche l’individu et son créateur et nul autre.
Mais ce n’est pas l’avis de nos intégristes, car on est musulmans d’abord et c’est tout. Le reste n’a pas lieu d’exister, il s’agit d’inventions occidentales.

A partir de ces interprétations rétrogrades, inventions purement orientales, le foulard est entré à l’école (chez les enseignantes !) sans que cela ne choque, l’intolérance a gagné la société sans qu’il n’y ait d’opposition et les menaces de mort ont trouvé place dans le paysage numérique tunisien, sans qu’il n’y ait de sanction. Une minorité ? Des paroles en l’air ? Peut-être. Ce que je sais, c’est que la décennie sanglante algérienne des années 90 a commencé avec ces menaces de mort ayant touché les comédiens, les universitaires, les journalistes. L’intelligentsia, selon les normes occidentales. Les incultes, selon les normes intégristes.

Aux dernières nouvelles, Saoussen Mâalej et Olfa Youssef ont déposé plainte contre un rappeur dont les tubes incitent clairement à la haine. Le même rappeur a nié son implication dans la campagne de Facebook et les menaces de mort.
Un lâche ? Les intégristes ont cela de commun : la lâcheté. Ils n’ont jamais osé affronter leur pire ennemi, la gangrène qui les tue tous : cet analphabétisme et cette incapacité de comprendre l’essence même du texte islamique.
20/12/2010 |
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