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Tunisie - Moncef Marzouki, un cœur brisé

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En décembre 2011, les débats faisaient rage à l’Assemblée constituante, entre une opposition désireuse d’équilibrer les pouvoirs entre les deux têtes de l’exécutif, et une majorité, dont le parti de Moncef Marzouki, qui ne laissera au futur président provisoire de la République que des miettes.
Dans le couple Jebali-Marzouki, c’est Hamadi qui portera la culotte et sur ce sujet, il n’y aura pas de négociations possibles. Qu’à cela ne tienne, le président, durant ses 6 mois d’exercice, fera fi du peu de prérogatives qui lui sont attribuées, promettant prospérité, investissements, fusions avec des pays « frères et amis » ou autre solution au conflit syrien. Le président de la République, gesticulant dans tous les sens, devient alors une épine dans le pied du parti islamiste.
Début juin, accueillant les caméras d’Hannibal TV au sein du Palais présidentiel, Moncef Marzouki aura à cœur de prouver qu’il n’est pas ce président fantoche que des personnes, nécessairement de mauvaise foi et ne désirant que la chute de la Troïka (et par conséquent la Tunisie), se plaisent à décrire. Son amour pour Hamadi Jebali est sans faille, l’harmonie qui règne entre les deux tourtereaux, totale, et rien ni personne ne pourrait empêcher le conte de fée de se poursuivre sans discontinuité. La déclaration d’amour que M. Marzouki avait faite au chef du gouvernement, a certainement fait pleurer dans les chaumières ! Que de don de soi, de dévouement, d’abnégation : « Je lui disais Hamadi, tu en fais trop, fais attention à ta santé », dira Marzouki, compatissant face à la santé fragile de son partenaire.
Dans un même temps, il profite de la tribune qui lui est offerte pour mettre le chef du gouvernement devant le fait accompli, affirmant qu’il ne signera pas l’extradition de Baghdadi Mahmoudi, tant qu’il y aura des doutes sur la capacité des autorités et de la justice libyennes à lui assurer un procès équitable et sans violation de ses droits élémentaires.
Pour Hamadi Jebali, ce sera la goutte d’eau qui fera déborder le vase, il est temps de remettre Moncef Marzouki à sa place une bonne fois pour toutes et lui faire comprendre qu’il n’est rien sans lui. « C’est moi qui commande, je peux me passer de l’accord du président pour extrader l’ancien Premier ministre libyen », affirmera-t-il, en substance.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Quelques jours plus tard, un dimanche matin à l’aube, alors que le chef de l’Etat profite de la douce chaleur du Sud tunisien, promettant monts et merveilles à qui veut le croire, dans un monde arabe sans frontières, Baghdadi Mahmoudi est envoyé, manu militari, dans son pays d’origine. Un coup de poignard dans le dos du président de la République… c’est du moins ce que ses proches tenteront de faire croire.
Depuis, les déclarations des conseillers et porte-paroles de la présidence de la République se suivent et ne se ressemblent pas. La plus marquante sera celle de Mohamed Abbou, ministre démissionnaire de la Réforme administrative et secrétaire général du parti fondé par le président. Parmi tous les problèmes soulevés par la question du cumul de fonctions, il est vrai que celui de la schizophrénie n’avait pas, jusqu’à présent, été posé.
En tant que ministre au sein du gouvernement ayant voté l’extradition de Baghdadi Mahmoudi lors du Conseil des ministres, Mohamed Abbou se range derrière son supérieur hiérarchique et soutient la décision du gouvernement. En tant que secrétaire général du CPR, M. Abbou s’offusque de ce camouflet infligé au président. Une position que sa femme, Samia Abbou, saura défendre de manière plus virulente et affirmée, lors de la séance plénière consacrée à cette polémique.
Sur les réseaux sociaux, les internautes s’en donneront à cœur joie pour railler ce couple, affirmant que Samia Abbou fait preuve de plus de courage et de pertinence que son mari. « Samia Abbou de loin au-dessus de son mari », peut-on lire, ou encore « C’est Samia Abbou qui a dit à son mari de démissionner, sinon il n’aura pas de diner !».
Et parce que les réseaux sociaux font, souvent, la pluie et le beau temps dans la Tunisie post-révolution, la presse internationale, par l’intermédiaire de l’AFP, apportera un coup supplémentaire au président, en reprenant, dans une des dépêches, le surnom de « tartour » que les internautes donnent à Moncef Marzouki en référence à ses prérogatives pour le moins limitées. Jamais alors la présidence de la République tunisienne n’aura été à ce point ridiculisée, caricaturée et raillée.
Vexé, le président cherche à se venger par tous les moyens, annonçant unilatéralement le limogeage de Mustapha Kamel Nabli (sans que ce dernier ne soit au courant) et refusant de signer les lois votées par l’Assemblée constituante sur le FMI.
Pour se sortir du marasme dans lequel il s’enfonce progressivement depuis quelques jours, Moncef Marzouki annonce jeudi 28 juin 2012, par l’intermédiaire de la page Facebook de la présidence (devenu l’outil officiel de la communication de cette institution) une adresse au peuple tunisien, au moment du journal télévisé de 20 heures. Alors que les suppositions allaient bon train sur le contenu de ce discours annoncé, et que le timing – la demi-finale de l’Euro allait se jouer au même moment – était jugé inadéquat, par les internautes tunisiens férus de football, le discours est annulé, par un simple post Facebook, une demi-heure avant sa tenue.
Retranché dans ses appartements, Moncef Marzouki a le cœur gros. La séance plénière consacrée à l’extradition de Baghdadi Mahmoudi participera à l’achever. Droit dans ses bottes, le sourire aux lèvres, « Hamadi » lui réserve un désaveu cinglant, lui préférant ses amis libyens à qui il présentera des excuses sincères pour tout le remue-ménage provoqué par un président capricieux qui ne sait s’en tenir à ses rares prérogatives.
Après tout le soutien, l’amour et la soumission dont il a fait preuve, voilà comment il est remercié ! Désavoué, humilié, diminué, lâché par ses amis et ses conseillers, qui ne respectent plus l’institution présidentielle au point d’annoncer une démission sur un blog, Moncef Marzouki, l’opposant intransigeant et infatigable qu’il était, fait la politique de l’autruche et se replie dans un silence accablant…
Monia Ben Hamadi


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