CSM : Le point de non-retour !
Le conflit opposant les membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) entre eux, sur fond de bras de fer entre l’Association des magistrats tunisiens (AMT) et le Syndicat des magistrats tunisiens (SMT), semble avoir atteint un point de non-retour. Une situation qui se confirme après les deux réunions dudit CSM avec la moitié de ses membres et la décision du Tribunal administratif de reporter l’exécution des mesures prises par le CSM lors de ses réunions.
Depuis, les choses ont évolué vers le pire puisque un membre du camp de l’AMT est porté manquant suite à son départ à la retraite alors qu’un membre dans l’autre camp est porté manquant, en l’occurrence le respectueux juge du Tribunal administratif, Ahmed Souab qui a démissionné.
Au vu de la persistance d’une égalité parfaite entre les deux parties, le clivage s’est accentué, notamment, à cause des actions entreprises par l’AMT sur le terrain faisant monter la tension de plusieurs crans.
En effet, l’impasse semble totale et le blocage insurmontable ou presque, afin que le CSM puisse entamer un fonctionnement normal dans le sens où les divergences sont toujours aussi profondes entre l’Association des magistrats tunisiens et le Syndicat des magistrats tunisiens.
Pire encore, l’AMT a opté pour des actions sur le terrain pour exprimer sa colère et sa protestation. C’est ainsi que l’Association a indiqué que les mouvements de protestation observés, le mercredi 11 janvier 2017, par les magistrats judiciaires, administratifs et financiers ont réussi à mobiliser les magistrats dans l'ensemble de ces juridictions à hauteur de 95%.
A rappeler que les membres du conseil national de l'AMT ont appelé les magistrats judiciaires, administratifs et financiers à reporter de 5 jours l'examen des affaires judiciaires tous contentieux confondus et ce à partir du lundi 9 janvier jusqu'au 13 courant.
Devant cet imbroglio, les parties concernées semblent revenir à de meilleurs sentiments, notamment du côté du SMT alors que l’AMT maintient ses exigences. Fayçal Bouslimi, président du Syndicat a annoncé, mercredi soir lors de l’émission 24/7 de Mariem Belkadhi sur Al Hiwar ettounsi qu’il ne voit plus d’inconvénient à ce que le gouvernement valide les nominations des candidatures proposées par l’Instance provisoire de l’Ordre judiciaire.
Bouslimi a réitéré, toutefois, ses accusations contre Khaled Ayari, ex-président de la Cour de Cassation et ancien président, en cette qualité de ladite Instance. Cela veut-il dire que le conflit est terminé ?
Pour répondre à cette question, il faudra attendre le suivi que fera le gouvernement de Youssef Chahed à cette question. Car, jusque-là, le cabinet gouvernemental a observé un black-out total et n’a même pas communiqué là-dessus pour donner sa position voire sa décision s’il allait entériner les propositions ou non.
Car le fond du problème réside, finalement ici en ce que gouvernement doit assumer ses responsabilités et prendre les décisions qu’il juge adéquates et dépasser le blocage. D’ailleurs, en s’abstenant de valider les nominations proposées, Youssef Chahed laisse entendre clairement qu’il est contre ces nominations ou, du moins, contre la manière avec laquelle elles ont été proposées. Mais, en même temps, il n’a fait aucune contre-proposition pour sortir de l’imbroglio.
On rappellera que le membre du CSM, Abdelkrim Rajhi, a annoncé, lundi 12 janvier 2017 lors d’une conférence de presse, que des magistrats ont déposé deux recours contre les deux plénières précédentes du CSM et un recours contre l’appel à la tenue d’une nouvelle plénière, tout en assurant que les revendications sont, pourtant, simples à satisfaire.
Il suffit que le chef du gouvernement entérine les candidatures pour les postes restés vacants, plus particulièrement celui du président de la Cour de Cassation, qui est, de par cette qualité, le président en titre de l’Instance provisoire de l’Ordre judiciaire, et du procureur général auprès de la même Cour.
Or, s’écrie encore Abdelkrim Rajhi, « le chef du gouvernement nous afflige par son mutisme dans le sens où il n’a annoncé aucune position publique à savoir le refus des candidatures ou leur acceptation ».
En tout état de cause, le constat est bien là : la corporation de la magistrature est en train de vivre une de ses plus graves crises en cette ère postrévolutionnaire. Une crise tellement complexe que toutes les parties prenantes s’accordent à dire que l’impasse paraît totale car l’enjeu est de taille dans le sens où chaque camp, en l’occurrence l’AMT et le SMT cherche, chacun, à contrôler le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), élu depuis un mois et demi.
Dans cet ordre d’idées, les observateurs estiment, également, que depuis la Révolution, l’Association de magistrats tunisiens, réhabilitée, domine les débats en la matière avec une influence remarquable sur la majorité des décisions, bien que théoriquement, ses partisans soient moins nombreux que ceux de son rival, le SMT.
Effectivement, cette différence du poids quantitatif est clairement apparue lors de l’élection du CSM qui a vu, selon les milieux proches, une domination relative des membres du Syndicat.
Conséquence de cette nouvelle donne, le souci de l’AMT de s’approprier les postes clés à pourvoir par nominations, compensant, de la sorte, les pertes quantitatives par des gains qualitatifs.
Alors, pour qui va pencher la balance ? Difficile de répondre à cette question. Mais la réponse ne devrait plus trop tarder vu l’évolution des choses, le chef du gouvernement devrait bouger et prendre une décision dans un sens ou l’autre pour débloquer la situation. Il y va de la crédibilité d’un secteur vital pour l’image d’une Tunisie démocratique et respectueuse de l’Etat de droit et des institutions.