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Budget de l'Etat : Emprunter pour vivre
08/11/2017 | 19:59
5 min
Budget de l'Etat : Emprunter pour vivre

L’Assemblée des représentants du peuple vient d’adopter une convention de prêt de 250 millions d’euros pour le financement du budget de l’Etat. La nouveauté est que ce prêt sera contracté en devises auprès des banques tunisiennes. Certains élus ont salué cette initiative et d’autres l’ont vivement critiquée. Dans les deux cas, ce sera une nouvelle source d’endettement pour l’Etat tunisien.

 

Un pool de banques tunisiennes s’est constitué pour fournir un prêt au profit du budget de l’Etat d’une valeur de 250 millions d’euros. Il s’agit de la Banque Internationale Arabe de Tunisie (BIAT), Attijari Bank, l’Union Internationale de Banques (UIB), la Banque nationale agricole (BNA), l’Arab Tunisian Bank (ATB), la Société tunisienne de Banques (STB), l’Amen Bank, la Banque de Tunisie (BT), la Banque de l'Habitat (BH), l’Arab Banking Corporation (ABC), la Nord African international Bank (NAIB), la Tunisian International Bank (TIB), et la Banque de Tunisie et des Emirats (BTE).

Une méthode de financement jusque là inédite pour l’Etat tunisien. L’endettement « classique » fait que la Tunisie sollicite des prêts extérieurs libellés en devises étrangères ou un endettement intérieur libellé en dinars tunisiens. Aujourd’hui, l’Etat tunisien emprunte les devises détenues par les banques tunisiennes pour renflouer un budget chancelant.

 

La séance qui s’en est suivie au parlement a été l’occasion pour les élus de questionner le ministre des Finances, Ridha Chalghoum, sur ce prêt. Les interventions sont allées du plus populiste, avec Ammar Amrouseyya disant au ministre qu’ils se retrouveront tous à Rjim Maâtoug quand le peuple se soulèvera, au plus rationnel, avec Marouen Felfel qui a salué le fait de trouver un nouveau mode de financement du budget de l’Etat. Ridha Chalghoum, quant à lui, en a profité pour dissiper certaines craintes concernant l’effet inflationniste que pourrait avoir ce type de prêt en déclarant que la contrepartie monétaire est garantie et que les devises seront placées à la Banque centrale. Le ministre a également évoqué l’endettement, de manière générale, pour l’Etat tunisien. En effet, certains élus se sont émus du fait que les sommes empruntées par la Tunisie ne soient pas destinées à l’investissement et à la création de richesses. Pire encore, Mongi Rahoui, président de la commission des finances à l’ARP, avait déclaré sur Express FM que les prêts contractés servent désormais à payer les échéances des prêts antérieurs !

 

Ainsi, le ministre de Finances a déclaré à l’ARP, le 7 novembre 2017, que le taux l’endettement des dernières années, depuis 2011, a presque doublé par rapport à ce qu’empruntait la Tunisie auparavant. En effet, on parle aujourd’hui de près de 70% de taux d’endettement par rapport au budget de l’Etat, ce qui est un indicateur rouge écarlate. L’expert économique, Moez Joudi, s’en est indigné dans une publication Facebook en écrivant : « Le ministre des Finances a donné une information capitale hier à l'ARP que les initiés connaissent déjà. Normalement, suite à l'annonce officielle d'hier et en temps normal dans un pays normal, tout doit s'arrêter, l'information doit être analysée en profondeur et un débat national doit s'ouvrir autour de la question! L'information est relative à l'endettement de la Tunisie qui, comparativement à durant 50 ans depuis l'indépendance, a doublé juste en 6 ans!!!!? Ce que je peux rajouter sur ce qui a été annoncé par le ministre des Finances, c'est que pire que le doublement du montant en moins de dix ans, c'est l'utilisation de cette dette: Que des dépenses publiques, que des charges, que des frais, que des salaires que de l'argent jeté par les fenêtres!!! Aucun projet, aucun investissement d'envergure, aucun développement, aucun placement!! Il y a pire encore: les responsables politiques de ce désastre sont encore là, au pouvoir!! ».

 

Plusieurs explications viennent à l’esprit en voyant ces chiffres, qui sont un secret de polichinelle pour les connaisseurs des finances publiques. D’abord, il y a eu un recrutement massif dans la fonction publique à travers l’amnistie générale ou encore l’intégration des agents de la sous-traitance en tant que fonctionnaires. Tout cela s’est couplé avec un ralentissement, pour ne pas dire un arrêt, de l’activité économique du pays, ce qui a eu un effet immédiat sur les prélèvements et donc sur l’une des principales ressources du budget de l’Etat. Ainsi, en à peine 5 ans, on a augmenté exponentiellement les dépenses de l’Etat tout en remplaçant progressivement les taxes et impôts par les prêts extérieurs et intérieurs, d’où la situation actuelle de l’endettement. En plus, rien ne semble infléchir cette tendance car, si l’on examine le projet de Loi de finances 2018 à titre d’exemple, l’Etat ne semble pas enclin à réduire son train de vie. Plusieurs experts avaient préconisé que, au vu de la situation économique difficile, l’Etat devrait plutôt réorienter son action en fonction des ressources dont il dispose. Mais cet appel est resté lettre morte.

 

Inutile de rappeler qu’avant, ça ne se passait pas de la sorte et que le ministère des Finances d’un côté, et la Banque centrale de l’autre, étaient tenus d’une main de fer. Comme le rappelle Taoufik Baccar, ancien gouverneur de la Banque centrale : « Durant vingt ans, de 1991 à 2011, la Tunisie n'empruntera aucun dollar du FMI ; En 1994, elle aura son grade d'investissement et accédera au marché financier international réussissant à faire des sorties sur ce marché sans la garantie de quiconque sinon sa signature et sa capacité à honorer ses engagements, souveraineté nationale exige. En 2006, elle accédera à travers l'Agence Japonaise R and I au grade A- d'habitude réservé aux pays développés et réussira en juillet 2007, en pleine bourrasque financière internationale, à lever des ressources à vingt ans pour un spread de 70 points de base c'est à dire 0.7 % , une sortie qui restera dans les annales de ce pays ».

 

Un audit poussé de la dette tunisienne et une enquête sur la manière dont cet argent a été dépensé semble s’imposer. Il faudrait également que l’Etat puisse redéployer sa force de frappe, aussi bien au niveau sectoriel qu’au niveau financier. Il est illogique de continuer à dépenser comme si l’économie marchait normalement et comme si les ressources de l’Etat étaient constantes.

 

 

Marouen Achouri

08/11/2017 | 19:59
5 min
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Commentaires (9)

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Point de vue
| 11-11-2017 08:21
Et dans ces conditions Mr le chef du gouvernement ose parler de début de convalescence de l'économie !

Blu
| 10-11-2017 07:57
Le Bon Dieu te dira "aide toi et le ciel t'aidera"

khaled Ghéni
| 09-11-2017 16:58
Vous connaissez certainement celui(personne physique) qui emprunte auprès de plusieurs de ses connaissances et de son alentour familial et que finalement c'est l'impasse, il se créera une issue pour lui retrouver une nouvelle source.Exact
C'est notre gouvernement.On a emprunté auprès de tous avec des conditions époustouflantes. le dernier en date de pas loin de Monsieur Laâthari aussi la même somme:250 millions d'£.
Que reprochez-vous à nos bons gérants galants de rassembler une dizaine de banques et de leur tendre la main pour en avoir la même somme en devises pour élargir voire prolonger le temps et la capacité d'importation de produits divers: cacahuètes, figue sèche, grand bonbons au chocolat de Turquie,encore autres marques de voitures de la Chine, de l'Inde, de chez pas où. Comment ces types sont encore là; ces gens qui bloquent l'élection d'un monsieur (ou une dame) à la tête de l'ISIE et font comme si c'est rien ce qui se passe. Répondez-moi, svp, à une seule question: ces gens là, à l'ARP, ont-ils le sens de la responsabilité envers l'état? Ont-ils le minimum- un degré epsilonique- de patriotisme devant les Tunisiens?
L'Histoire ne vous marquera de rien et vous serez certainement comme la paille après le passage d'un feu violant...cendre noir, vous évitant même au passage.

DHEJ
| 09-11-2017 13:39
N'est jamais RÉEL et ne sera jamais RÉEL!

The Mirror
| 09-11-2017 12:31
En 2010, le ministère de l'Agriculture comptait 16000 employés.
En 2011, lorsque Ennahdha a pris le Pouvoir, Mohmaed Ben Salem a été nommé ministre de l'Agriculture. Pour récompenser les militants d'Ennahdha, Ben Salem a procédé à un recrutement massif et sauvage. Il a ainsi embauché 15000 nouveaux fonctionnaires au ministère de l'Agriculture ; le staff de ce ministère a donc doublé, passant de 16000 à 31000 employés. Il faut préciser que les 15000 nouveaux employés de Ben Salem appartiennent tous, sans exception aucune, au Mouvement Ennahdha. Il faut noter aussi que tout ce beau monde embauché par Mohamed Ben Salem ne fout absolument rien, puisque le ministère n'en pas besoin. Résultat : ce même beau monde perçoit son salaire mensuel, que la Tunisie emprunte à l'étranger, en devise bien sûr, et que moi, toi, il, ainsi que nos enfants et nos petits-enfants, seront obligés de rembourser.

Daly
| 09-11-2017 11:33
Un pays qui emprunte pour importer des biens de consommation mérite ce qui va bientôt lui arriver

Nour
| 08-11-2017 21:15
Dans tous les pays européens, les gens paient des impôts sur le revenu, foncier etc..et les routes sont entretenues, il y a des hôpitaux de pointe, des écoles équipées avec du bon matériel, les poubelles sont ramassées.

En tunisie : pas d'impot = infrastrucure des routes sans sécurité, poubelles et chiens errants etc...

La solution tunisienne : on ne paye pas d'impot et on recrute des fonctionnaires incompétents, on paye tout cela sur le budget de l'etat et on verra.

Tunis air vend des billets à des prix ahurissants alors que l'open sky ferait venir des touristes et des devises

On préfere attendre, ne pas anticiper, ne pas prévoir et la solution : on emprunte, on emprunte !!!

Comment se fait il que le fmi et autres organismes financiers, prettent sans dire aux personnes de participer à la relève du pays en participant et en payant des impots ?

Mon banquier me prête de l'argent quand il est sur par mon salaire que je vais rembourser.

Faire une purge de toute cette corruption qui empeche la tva de rentrer dans les caisses de l'etat,

Fuite en avant
| 08-11-2017 21:11
C'est vraiment trés décevant de gérer la gestion du pays de cette manière, comme noté dans cet article parmi les causes ayant conduit le pays à cette situation catastrophique, alarmante est le surpeuplement dans les entreprises publiques , à noter que tous les gouvernements ayant géré le pays après la révolution sont tous responsables à ce point de situation. Ils ont tous pris des décisions irréfléchies et surtout pour faire plaisir aux manisfestants vu qu'ils étaient conscients qu'ils sont provisoires et les conséquences néfastes seront subies par leurs prédécesseurs (c'est vraiment malhonnête), outre l'incompétence de plusieurs.
Aussi. Il faut signaler que la faiblesse des responsables devant les mouvements sociaux (grèves) qui ont causé un grand manque à gagner au pays (spécialement la phosphate)

Fuite en avant
| 08-11-2017 20:57
C'est vraiment trés décevant de gérer la gestion du pays de cette manière, comme noté dans cet article parmi les causes ayant conduit le pays à cette situation catastrophique, alarmante est le surpeuplement dans les entreprises publiques , à noter que tous les gouvernements ayant géré le pays après la révolution sont tous responsables à ce point de situation. Ils ont tous pris des décisions irréfléchies et surtout pour faire plaisir aux manisfestants vu qu'ils étaient conscients qu'ils sont provisoires et les conséquences néfastes seront subies par leurs prédécesseurs (c'est vraiment malhonnête), outre l'incompétence de plusieurs.
Aussi. Il faut signaler que la faiblesse des responsables devant les mouvements sociaux (grèves) qui ont causé un grand manque à gagner au pays (spécialement le phosphate).
Honnêtement et sincèrement l'avenir n'est pas promoteux.
Espérant que le bon dieu sauve ce pays .