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Chroniques
Youssef Chahed et Selim Azzabi veulent devenir has-been à 40 ans
Par Nizar Bahloul
07/01/2019 | 15:59
8 min
Youssef Chahed et Selim Azzabi veulent devenir has-been à 40 ans

Par Nizar Bahloul

 

Jeudi 3 janvier 2019, Béji Caïd Essebsi reçoit une délégation de la Fédération tunisienne des directeurs de journaux pour une heure de temps. Cela fait un bail que le président de la République n’a pas eu de tête à tête avec les journalistes parmi les leaders d’opinion et encore moins les patrons de presse. Dans cette rencontre de jeudi 3 janvier, nous avons retrouvé, ou plutôt j’ai personnellement retrouvé, le Béji Caïd Essebsi des années 2011-2016. Un « Béji » qui réaffirme son respect total de la Constitution, des institutions, de la presse, de la liberté d’expression, des journalistes et de leur travail. « Il vaut mieux des journalistes qui se trompent dans l’exercice de leur fonction et qui pèchent par excès que l’absence de presse libre, nous a déclaré le président de la République. C’est ça la démocratie, j’y crois et je défends cela, même si j’en paie le prix. Je n’ai jamais déposé plainte contre un journaliste et je n’ai jamais appelé un journaliste pour lui reprocher un article ! ». Ces propos ont déjà été prononcés par l’intéressé au début de son mandat en 2015 et on demandait à voir à l’époque. Quatre ans après, on constate que ce n’était pas des paroles en l’air, comme ce fut le cas de son prédécesseur Moncef Marzouki qui dit la chose, mais fait son contraire, s’agissant de ses relations très houleuses avec les médias qui ne partagent pas ses convictions.

Ceci est rassurant pour ceux qui ont douté de Béji Caïd Essebsi quant à ses relations par rapport au quatrième pouvoir en dépit de quelques exceptions controversées qui prêtent à de longs débats. Je pense notamment au blogueur Sahbi Amri et aux deux directeurs controversés de médias Naïm Hadj Mansour et Nébil Rabhi. Est-il utile de rappeler que sans ce quatrième pouvoir, il n’y aurait point de démocratie ? Sauf que le souci n’est pas avec Béji Caïd Essebsi et il ne l’a jamais été. Le souci principal est avec son entourage. Pendant très longtemps, le souci était avec son fils ; maintenant que celui-ci s’est éclipsé (momentanément on suppose), le souci est avec son nouveau cabinet que préside Selma Elloumi. Elle constitue un véritable danger pour la presse et la liberté d’expression.

Que Béji Caïd Essebsi soit sincère quand il dit respecter la presse et la liberté d’expression, ceci est indéniable. Mais c’est loin d’être le cas de sa cheffe de cabinet et ce point a été expliqué plus d’une fois. Il y a un risque réel que le président de la République soit induit en erreur et qu’on lui dise, directement ou subtilement, qu’untel est corrompu, qu’untel est l’homme de Chahed, que l’autre a ‘’une’’ agenda « machbouha » (louche), etc. Des commérages, elle en connait un coin Mme Elloumi.

En me serrant la main, Béji Caïd Essebsi a dit qu’il me connait bien, mais que moi je ne le connais pas suffisamment. S’il le dit, c’est que ça doit être vrai et c’est tout le mal qu’on lui souhaite, c’est qu’il ne se fasse pas manipuler par son tout nouvel entourage qui n’agit peut-être pas par mauvaise foi, mais certainement par bêtise et manque d’assurance.

 

Dans sa rencontre, Béji Caïd Essebsi a souligné des points importants que nous devons, nous autres journalistes, respecter religieusement et cela commence par le respect de notre charte déontologique dont un des points focaux est de ne dire que la vérité. « Un journaliste ne ment pas », nous a dit le président de la République en nous rappelant les propos de feu Habib Bourguiba qui disait que quand quelque chose était publiée dans Assabah c’est que c’était forcément vrai !

Hélas de nos jours, ce n’est plus le cas. On ne compte plus le nombre de journalistes qui mentent et manipulent la vérité. Le dernier exemple en date est celui de Claas Relotius du très prestigieux Der Spiegel allemand ! Qui l’eut cru ?! En Tunisie, on ne compte pas le nombre de Claas Relotius. Ceci est fort regrettable, mais il n’y a aucune corporation qui échappe à ces individus irrespectueux de leur profession et de leur société. Est-ce pour autant une raison de généraliser ? Il est bon de rappeler à Selma Elloumi et consorts qu’un journaliste aussi expérimenté soit-il peut accidentellement être manipulé, peut accidentellement se tromper, peut accidentellement induire son lecteur en erreur, mais un journaliste respectueux de sa profession ne ment pas. Quand bien même ces accidents cités plus haut son répétitifs et nombreux, mais ils demeurent des accidents dans un pays qui est en train de tout apprendre. S’il y a un message à retenir dans tout ce qu’a dit Béji Caïd Essebsi, c’est bel et bien celui-là, un journaliste ne ment pas, un journaliste ne doit pas mentir. Pourvu que Mme Elloumi retienne les leçons de son chef dans son respect à notre corporation, dans le fait qu’il s’interdit d’appeler des journalistes (ou leur famille ou leurs chefs ou leurs associés) et qu’il s’interdit d’exercer toute pression sur eux de quelque nature que ce soit. J’en doute fort.

 

Si les messages qui nous étaient directement adressés ont été reçus comme une lettre à la poste, il n’en est pas de même par rapport à ses relations avec son chef du gouvernement Youssef Chahed.

Le président de la République a dit et répété qu’il respecte le chef du gouvernement qu’il a lui-même nommé, qu’il respecte les 130 voix (132 plus précisément) obtenues au parlement par son gouvernement, qu’il respecte le vote de l’ARP et qu’il respecte la Constitution. Ces belles paroles nous ont semblé (m’ont semblé) moins sincères que les précédentes. Car concrètement Béji Caïd Essebsi a tout fait pour éjecter M. Chahed de la Kasbah. Et d’après ce que l’on sait, et en dépit de ses belles paroles du 3 janvier, il n’a pas encore dit son dernier mot. Béji Caïd Essebsi a toujours dit que la patrie passe avant le parti. Dans son différend qui a un peu trop duré avec Youssef Chahed, on a l’impression du contraire. Dans ce différend entre les deux têtes de l’exécutif, c’est aussi bien le parti que la patrie qui ont pâti.

Youssef Chahed ne serait jamais devenu ce qu’il est sans Béji Caïd Essebsi. Il pense qu’il n’a plus besoin de lui et ceci n’est pas vrai. Quand bien même ce serait vrai, il vaut mieux pour lui d’avoir le président de la République à ses côtés qu’à son dos.

Avec ce différend contre son poulain, Béji Caïd Essebsi a beaucoup perdu et il risque de perdre encore. Il a perdu de sa superbe et il est descendu lui-même dans l’arène au lieu de rester au dessus de la mêlée. Dans une guerre, on laisse toujours des plumes et le président de la République ne le sait que trop. Il le sait, mais il n’en a pas tenu compte.

Le pays entre dans les élections dans moins de dix mois. Youssef Chahed va créer a priori son parti (par le biais de Selim Azzabi qui a un pied à Nidaa et un pied dans le nouveau parti) et va entrer en affrontement direct avec le parti créé par le président de la République et son propre ancien parti. Il va perdre de l’énergie, du temps et de l’argent dans cette création, alors qu’il est beaucoup moins compliqué pour lui de reconquérir Nidaa. L’énergie qu’il va mettre pour créer le nouveau parti sera, quoiqu’il en dise et quoiqu’en disent ses conseillers, supérieure à celle qu’il mettra pour reconquérir Nidaa ou signer la paix des braves avec Béji et Hafedh Caïd Essebsi.

Aussi bien Youssef Chahed que Béji Caïd Essebsi ont besoin de leur énergie et de leur temps pour combattre leurs véritables ennemis communs et ils sont nombreux. Il est stupide, très stupide, de dépenser cette énergie ailleurs que dans le combat de l’ennemi commun.

Rien qu’à voir les toutes premières réunions de la semaine dernière de ce nouveau parti, on a une idée sur la suite de la pièce. Du kitch, du vieux déjà consommé, du mauve, de la servilité, de la petitesse, de l’opportunisme indécent. Il manquait juste le tabbel, le zakkar et le mouton égorgé. Et pour boucler la boucle, on apprend qu’ils sont en train de chercher une date symbolique pour le lancement de leur parti, type 27 janvier, 2 mars, 20 mars… Même pas capables de créer leur propre date et de la figer dans l’Histoire !! Cela nous rappelle  Mustapha Ben Jaâfar qui voulait que la nouvelle constitution soit promulguée le 1er juin puis le 26 janvier (dates symboliques), mais mal lui en a pris, elle a été promulguée après minuit, donc le 27 janvier !  

En clair, le nouveau parti de Chahed est en train de refaire du Nidaa (lui-même une copie dépoussiérée du RCD, lui-même une copie dépoussiérée du PSD) en l’assaisonnant de quelques méthodes has-been et ce avec des figures supposées être « vierges » et représentant la jeunesse tunisienne du XXIème siècle.

 

Béji Caïd Essebsi a réussi à faire la paix avec le véritable ennemi de Bourguiba (et de Ben Ali) que sont les islamistes et Rached Ghannouchi, mais il ne l’a pas réussie avec Youssef Chahed ! Il est vrai que l’on ne fait la paix qu’avec ses ennemis. Est-ce à dire que Youssef Chahed n’est pas encore un véritable ennemi pour que les Caïd Essebsi fassent la paix avec lui (et réciproquement) ? Dans ce cas, qu’ils s’assoient autour d’une table et parlent franchement et cartes sur table, sans hypocrisie politique et sans hypocrisie tout court ! Quelle que soit l’issue de leur bataille, ils jouent tous les deux perdants-perdants. Les seuls gagnants seront les islamistes, les CPR, les populistes et les vendus des ambassades et des ONG. Béji Caïd Essebsi et Youssef Chahed ont le droit d’aimer le poker et ils peuvent en jouer, mais à Monaco, pas en Tunisie. Ils ont le droit de jouer leur avenir, mais pas le nôtre. Or avec ce différend qui a trop duré et cette histoire de parti de Chahed, c’est notre avenir qu’ils jouent avec leur poker menteur.

Par Nizar Bahloul
07/01/2019 | 15:59
8 min
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Commentaires (18)

Commenter

Tounsia
| 10-01-2019 10:26
Nizar bon retour,tu nous a tellement manqué !

Tlili
| 08-01-2019 20:39
Un édito de taille ,un scalpel vif d'un bon chirurgien qui essaye de sauver un corps inerte

Jilani
| 08-01-2019 14:00
Ne soit pas étonné, juste après cette réunion, il appellera sa bande de voyous pour discuter du nouveau plan de destitution de YC. Benali faisait de même, devant les soi-disant intellectuels il se montre decmocrate et ouvert mais après il suit les conseils de ses voyous quitte à leur envoyer ses bandits leur donner des coups de poing sur la figure.

Tunisino
| 08-01-2019 13:14
Bonne solution si l'union se fait suivant un projet socioéconomique clair, faisable, et sincère. BCE et YC pourraient même avoir la majorité nécessaire pour gouverner seuls puisque Nahda devient de plus en plus isolé suite à son anarchisme. Cependant, BCE et YC auront du travail à faire pour attirer une majorité qui ne veut plus voter!

Nephentes
| 08-01-2019 11:08
La Tunisie agonise et à sa tête deux âmes supposément bien nées s'entre-déchirent sur des guéguerres de pouvoir et d'égo, en décalage total avec la réalité et les urgences du moment....

Ni vision stratégique, ni programme politique digne de ce nom, aucun engagement si ce n'est la farouche volonté de garder son siège, envers et contre tous...

l'Histoire sera impitoyable envers ceux qui avaient à un moment donné la possibilité de sauver ce Pays de la bédouinisation.

Observateur
| 08-01-2019 10:24
A la lecture de cet article, je me pose les questions suivantes :
- Nizar Bahloul, catalogué partisan de Y.Chahed serait-il en train de revoir ses calculs sur les chances de ce dernier de gagner sa partie de poker contre BCE ?
- Les préparatifs pour la constitution d'un nouveau parti par les partisans de Y.C. ont ils convaincu N.B. que ces tentatives seront vouées à l'échec et que, au final, les résultats économiques plus que catastrophiques du gouvernement Y.C. (l'euro à 4 dinars d'ici la fin de l'année !) ne permettront jamais à Y.C. d'espérer gagner, avec son nouveau parti, les prochaines élections législatives.

Je vois dans cet article un appel du pied de N.B. à son mentor Y.C. pour qu'il rectifie le tir. C'est astucieux mais les dés sont déjà jetés !

Abdo
| 08-01-2019 09:12
Peut on vraiment croire que les Caïd Sebssi et Chahed sont en désaccord ou ont un différend quelconque, ils tirent profit tous les deux d'une nation éperdue qu'il traite avec prétention et minutie pour simplement ne pas renverser la tendance contre eux.

Che
| 07-01-2019 23:22
Bravo

Mohamed 1
| 07-01-2019 21:33
""""Béji Caïd Essebsi et Youssef Chahed ont le droit d'aimer le poker et ils peuvent en jouer, mais à Monaco, pas en Tunisie. Ils ont le droit de jouer leur avenir, mais pas le nôtre. Or avec ce différend qui a trop duré et cette histoire de parti de Chahed, c'est notre avenir qu'ils jouent avec leur poker menteur """

Etincelant ! Bravo !

Dix mois nous séparent des élections. Autant dire dix secondes, au rythme où se meuvent les choses et les éléments dans notre pays depuis le 14 janvier. Une extrême lenteur souvent voulue, car celui qui a "gagné" un poste trouve tous les prétextes pour faire durer son "plaisir".
Tenant compte de ce laps de temps très court et de l'extrême lenteur des "politiciens" tunisiens, vous avez très bien expliqué le seul modus operandi possible restant pouvant mener le camp progressiste à la victoire. Prétendre le contraire dénote d'une déconnexion totale des réalités.
De toutes les façons on ne le répétera jamais assez: dans les législatives, un seul bulletin de vote progressiste doit figurer sur la table. Plus d'un bulletin progressiste constitue un véritable crime contre la Tunisie, et les responsables des deux bords seront considérés comme traîtres. Traîtres tout simplement parce qu'ils ont une parfaite connaissance des conséquences de leurs agissements.
Vous l'avez excellemment souligné: le poker menteur, c'est plus loin ! C'est pas ici !

AMAZIGH TUNISIEN
| 07-01-2019 20:31
Selon Bahloul les partis politiques patriotes juste Rcd et Nida...
'?coute petit journaliste continue à dénigrer les autres partis on verra la fin.
Soit neutre au moins si non prend la place de Borhen