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Tunisie - Les députés font un pied de nez à la loi et à la justice
15/04/2013 | 1
min
Tunisie - Les députés font un pied de nez à la loi et à la justice
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La commission du règlement interne et de l'immunité à l'Assemblée nationale constituante (ANC) a refusé la demande transmise par la justice pour lever l'immunité de la députée Samia Abbou, suscitant une grande polémique au sein de la classe politique et la société civile sur le bon usage de l’immunité. Il s’agit, en effet, d’un précédent, que certains observateurs ont déjà qualifié d’entrave à la justice. Qu’en est-il ?

Suite à l’affaire déposée à l’encontre de Samia Abbou  par le président de Nidaa Tounes, Béji Caïd Essebsi, qui l'accuse de diffamation en rapport avec l'affaire de l’assassinat de Chokri Belaïd, le ministère de la Justice a demandé à la commission spécialisée à l’Assemblée de lever l'immunité de Samia Abbou et ce pour intervenir dans l'affaire.
L’administration n’a fait qu’appliquer les procédures d’usage en la matière. Plusieurs députés ont déjà vu leur immunité levée. On se rappelle les cas de Moncef Cheikhrouhou, Khemaïs Ksila et bien d’autres.
Samia Abbou avait, d’ailleurs à maintes reprises, affirmé qu’elle ne craint pas d’être traduite devant la justice, voire qu’elle va réclamer, elle-même, de lui enlever son immunité pour affronter le président de Nidaa Tounes…

En vérité, ce ne fut que du blablabla… Après ces multiples affirmations de n’avoir aucun problème à se présenter devant la justice pour défendre ses accusations à l’encontre de Béji Caïd Essebsi, voilà que la députée se rétracte et se cache derrière la protection de la commission du règlement interne et de l'immunité, pour ne pas répondre à la requête de la justice.
Il est vrai que rien n’a été déclaré dans ce sens. Ladite commission a juste considéré que ‘de tels propos entrent dans le cadre de l’expression de l’opinion politique’.. sic ! ‘Un député peut donc user de diffamation et prétendre qu’il s’agit de ses opinions politiques, même s’il s’agit d’accusations gratuites d’implication dans un meurtre’, remarque le porte-parole d’Al Massar, Samir Taïeb.

En effet, l’article 8 de la loi 6 de l’organisation provisoire des pouvoirs stipule qu’un député ne peut être poursuivi devant la justice ou être arrêté pour ses opinions ou ses propositions exprimées ou autres actions entreprises dans le cadre de son mandat parlementaire.
Or, à ce que l’on sache, Mme Abbou avait lancé son accusation dans les halls du Palais du Bardo et en dehors des travaux de l’ANC. Il s’agissait d’une déclaration aux médias. Autrement dit, elle n’était pas en état d’exercice de ses fonctions en tant que députée. Et il s'agissait clairement, aux yeux de beaucoup, d'une accusation et non d'une opinion politique. En tout cas, c'était à la justice de trancher de quoi s'agissait-il.
C’est en effet le rapporteur de la commission, Abderrazak Khallouli, qui a transmis cette décision aux médias. Samia Abbou s’est finalement protégée par son immunité parlementaire pour éviter d’être poursuivie comme une citoyenne ordinaire pour les dépassements qu’elle a commis.
Par un geste pareil, l’Assemblée nationale constituante a démontré encore une fois sa défaillance dans le respect de l’esprit des lois. ‘Ce n’est pas parce que l’on dispose de la majorité que l’on puisse outrepasser les lois’, observe le doyen Fadhel Moussa.
On ne le répètera jamais assez, il s’agit purement et simplement d’une dictature maquillée par le vote.
 
‘Il y a un amalgame clair entre la liberté d’expression et la diffamation. Un député est censé donner l’exemple à ce niveau et ne pas se hasarder à balancer des accusations gratuites dans des questions aussi sensibles et graves que celle de l’assassinat du martyr Chokri Belaïd’, ajoute Iyad Dahmani.
‘L’immunité du membre de l’Assemblée nationale constituante ne saurait constituer une entrave à la justice mais, juste une protection de sa liberté d’expression. Dans le cas d’espèce, la députée n’a pas cherché à calmer le jeu. C’est vraiment un mauvais précédent dans l’usage de son immunité parlementaire. C’est presque un aveu de sa culpabilité. Elle aurait pu couper court à de telles pratiques en présentant des excuses. Il faut rappeler que son mari a, lui-même, considéré qu’elle s’est trompée’, a souligné Samir Ettaïeb.
‘La majorité à l’Assemblée ne saurait être exploitée pour se dérober à l’application de la loi. Ce n’est pas de la sorte que l’on donne le bon exemple de la réussite de la transition démocratique en Tunisie’, a conclu le porte-parole d’Al Massar.
En agissant de la sorte, Samia Abbou accuse Béji Caïd Essebsi d’implication dans l’assassinat de Belaïd et se protège derrière son immunité parlementaire. La commission de l’Assemblée la protège.
 
Un précédent qui n’honore guère la révolution tunisienne et sa transition démocratique.
Il faut rappeler que ce n’est point la première fois que les parlementaires tunisiens se dérobent à l’application de l’esprit des lois.
En effet, lors des débats du Budget complémentaire 2012, en mars 2012, Iyad Dahmani a attiré l’attention de l’ANC sur un vice de forme, nécessitant la    réécriture d’un paragraphe. Le président du bloc d’Ennahdha à l’Assemblée, Sahbi Atig, lui avait répondu : ‘nous disposons de la majorité. Nous pouvons agir à notre guise’.
Les propos de Sahbi Atig traduisent la logique avec laquelle la Troïka, notamment Ennahdha, gère la situation politique en Tunisie. Il ne s’agit nullement de respecter les lois en vigueur. Mais, les fins justifient les moyens. C’est dire qu’Ennahdha, est en train de remplacer les lois et les institutions par la fameuse ‘légitimité des urnes’ qui passe pour être la clé magique autorisant tous les dépassements.

Le geste de la commission du règlement interne et de l'immunité traduit cet esprit malsain dans la gestion des affaires de l’Assemblée, dont l’action n’est là que pour donner raison, même à tort, aux partis de la Troïka.


15/04/2013 | 1
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