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Tunisie - Le 13 août, entre les héritières de Bourguiba et les béni-oui-oui d'Ennahdha
12/08/2013 | 1
min
Tunisie - Le 13 août, entre les héritières de Bourguiba et les béni-oui-oui d'Ennahdha
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Comme tous les 13 août de chaque année, la Tunisie célèbre une fête propre aux Tunisiens et Tunisiennes, une pure invention tuniso-tunisienne du feu Bourguiba, la fête de la Femme. Sauf que cette année, en cet été 2013, la fête a un goût différent, se revêt d'un habit original et prend une symbolique particulière, puisqu'il s'agit selon l'opposition d'une date décisive et d'un tournant dans l'histoire de la révolution tunisienne.
Que les femmes modernes et émancipées veuillent fêter le 13 août, quoi de plus normal et logique? Mais que les femmes du parti islamiste Ennahdha, ce parti qui ne reconnaît aucun mérite à Bourguiba, qui tente même de l'effacer de la mémoire collective; ces femmes là, organisent une manifestation pour fêter l'événement en parallèle, la question qui se pose alors, profite-t-on de cette date symbole pour l'instrumentaliser politiquement, pour contrecarrer l'opposition? Ou bien est-on simplement fidèle à l'habitude qui commence à être vieille chez Ennahdha, l'habitude d'organiser une contre-manifestation, à chaque fois que l'opposition en prévoit une?


Il est utile de rappeler qu'il s'agit de fêter le 57ème anniversaire du Code du statut personnel (CSP) promulgué le 13 août 1956 par décret beylical puis entré en vigueur le 1er janvier 1957, par l'ancien "combattant suprême" Habib Bourguiba, un code qui reste visiblement l'une des réalisations les plus célèbres et les plus audacieuses de l'ancien chef de l'Etat Bourguiba.

Etant donné que ce code comportait une série de lois progressistes visant l’instauration de l’égalité entre l’homme et la femme dans nombre de domaines, ce code a valu à Bourguiba le qualificatif de "libérateur de la Femme", puisqu'il défend ses droits et lui promet protection contre toute injustice sociale.

Notre CSP national donne à la femme une place inédite dans la société et dans le monde arabo-musulman d'une manière plus générale. N'était-ce pas l'unique loi qui a, déjà dès 1956, aboli la polygamie, contrairement à tous les autres pays arabo-musulmans, qui n'ont pas encore à ce jour, eu le courage de le faire?!

Selon ce décret du 13 août 1956, portant promulgation du Code du Statut Personnel (CSP), et plus précisément conformément à l'article 18- (Modifié par la loi n° 58-70 du 4 juillet 1958 et les alinéas 3, 4 et 5 ajoutés par le décret-loi n° 64-1 du 20 février 1964, ratifié par la loi n° 64-1 du 21 avril 1964),
"la polygamie est interdite. Quiconque, étant engagé dans les liens du mariage, en aura contracté un autre avant la dissolution du précédent, sera passible d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 240.000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement, même si le nouveau mariage n'a pas été contracté conformément à la loi".

Le même article stipule également: "Encourt les mêmes peines, quiconque, ayant contracté mariage hors des formes prévues par la loi n°57-3 du 1er août 1957 réglementant l'état civil, conclut une nouvelle union et continue la vie commune avec son premier conjoint.
Encourt les mêmes peines, le conjoint qui, sciemment, contracte mariage avec une personne tombant sous le coup des dispositions des deux alinéas précédents".

Par ailleurs, et contrairement aux usages familiaux moyenâgeux de l'époque qui donnaient le droit aux parents et familles de marier leurs filles parfois, contre leur gré, le CSP a conditionné le mariage par le consentement mutuel des deux époux.

La femme, n'étant pas un être "secondaire", ni même "complémentaire", a vu sa personnalité confirmée et son rôle mis en valeur par ce même CSP.
En effet, conformément à l'article 23- (Modifié par la loi n° 93-74 du 12 juillet 1993), "chacun des deux époux doit traiter son conjoint avec bienveillance, vivre en bon rapport avec lui et éviter de lui porter préjudice… Ils coopèrent pour la conduite des affaires de la famille, la bonne éducation des enfants, ainsi que la gestion des affaires de ces derniers y compris l'enseignement, les voyages et les transactions financières. Le mari, en tant que chef de famille, doit subvenir aux besoins de l'épouse et des enfants dans la mesure de ses moyens et selon leur état dans le cadre des composantes de la pension alimentaire…"

Et d'ajouter selon l'article 24, "le mari ne dispose d'aucun pouvoir d'administration sur les biens propres de la femme".

En matière de divorce également, le CSP a prévu une procédure judiciaire qui assure la protection pour la femme divorcée, avec une couverture financière, un logement …etc.
Selon l'article Article 31- (Modifié par la loi n° 81-7 du 18 février 1981), … "En ce qui concerne la femme, le préjudice matériel sera réparé sous forme de rente payable mensuellement et à terme échu à l'expiration du délai de viduité, en fonction du niveau de vie auquel elle était habituée durant la vie conjugale, y compris le logement…".

Ces droits octroyés par le CSP, qu'on croyait pourtant comme étant des acquis indéniables et non discutables, ont été tout de même menacés lors des travaux de l'ANC, en dépit de toutes les promesses préélectorales "de ne jamais toucher à cette ligne rouge qu'est le CSP".

Rappelons par exemple qu'en août 2012, Farida Laâbidi, députée d'Ennahdha et présidente de la commission des droits et libertés à l’ANC, a déclaré : "On ne peut pas parler d’égalité entre l’homme et la femme dans l’absolu, sinon on risque de rompre l’équilibre familial et de défigurer le modèle social dans lequel nous vivons ... Si la femme est l’égale de l’homme, alors il va falloir qu’elle soit contrainte de payer la pension alimentaire des enfants, au même titre que l’homme!".

Autre brillante performance, celle présentée en janvier 2013, lors du débat sur le chapitre "droits et libertés" quand la députée, Néjiba Berioul, a appelé à inclure la criminalisation de l’avortement dans la nouvelle Constitution.

Ces députées nahdhaouies, en dépit du fait qu'elles soient des femmes, donc concernées directement par la question, n'ont pas hésité à mettre en cause leurs acquis, mais n'ont pas hésité non plus à appeler en ce mois d'août 2013 à fêter le CSP. En effet, le bureau de la femme et de la famille du parti Ennahdha a lancé un appel à ses adhérents et adhérentes, militants et militantes, pour prendre part à une manifestation à l'avenue Habib Bourguiba sous le slogan: "Femmes de Tunisie, support de la transition démocratique et de l'union nationale".

Ainsi, nul ne peut dénier que les femmes à Ennahdha mènent un double langage et s'adonnent à des manœuvres politiques, en menaçant le CSP d'une part et en lui rendant hommage d'un autre côté à travers ces festivités.
En tout état de cause, Ennahdha a la nette intention d'instrumentaliser cette fête de la femme tunisienne au profit de la "légitimité" et par conséquent contre la menace accrue que représentent les mouvements et sit-in qui appellent à la dissolution de l'ANC et à la chute du régime de la Troïka, dont Ennahdha est le principal acteur.

Dorra Megdiche Meziou
12/08/2013 | 1
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