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Tunisie - Harlem Shake, et que ça saute !
25/02/2013 | 1
min
Tunisie - Harlem Shake, et que ça saute !
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Depuis samedi 23 février, un débat s’est installé suite à la mise en ligne d’une vidéo dans laquelle les élèves du lycée Imam Moslem situé à El Menzah I se mettaient en scène dansant la danse du moment le « Harlem Shake » dans des tenues que certains jugeront immorales.
Notons que ce type de vidéos qui fait actuellement le buzz sur internet se définit par une danse loufoque dans un accoutrement excentrique aux rythmes d’un morceau de musique électronique portant le même nom.


Depuis, tout Tunis est secoué au rythme de cette danse folle. Dès le lundi 25 février, plusieurs sites commerciaux ont suivi la vague diffusant la musique caractéristique de la danse en question. Des hackers ont même été jusqu’à reproduire des pages substituts des sites officiels du ministère de l’Education, notamment, faisant bouger écran et image au son de la « Harlem Shake ».
Le ministre de l’Education, Abdellatif Abid, a été le premier à se positionner quant à une action juvénile devenue depuis phénomène.

En effet, M. Abid, s’exprimant, dans un premier temps sur les ondes de Mosaïque Fm, s’est indigné de tels agissements et s’était dit déterminé à ouvrir une enquête sur les faits qu’il a qualifiés d’immoraux. La directrice du lycée n’aurait, selon lui, pas demandé d’autorisation ni à l’inspection régionale dont dépend l’établissement, ni au ministère de tutelle.
Peu de temps après, nombreux ont été ceux qui ont répliqué via les réseaux sociaux pour contester l’attitude répressive du ministre.
S’insurgeant contre ses propos menaçants, beaucoup ont diffusé d’autres vidéos de la même danse tournées dans d’autres lycées tunisiens ou alors dans des établissements universitaires.
L’effet boule de neige est bel et bien enclenché et les choses prennent très vite de l’ampleur suscitant les réactions de personnages publics et politiques.

Dans leur majorité, les avis vont dans le même sens, condamnant l’attitude du ministre, contestant les menaces de répression et menaçant de danser de plus belle (un événement Harlem Shake est même lancé pour le 5 mars devant le ministère de l’Education).
Nombreux ont été ceux qui se sont indignés quant à la réaction jugée excessive du ministre de l’Education, contre sa manière d’exercer son autorité et contre les démarches qu’il s’est dit déterminé à prendre à l’encontre de la directrice du lycée Imam Moslem.
En réaction, même les élèves de ce lycée ont décidé de ne pas aller en cours aujourd’hui afin de soutenir à leur manière la directrice jugée responsable d’un tel débordement.

La réaction du ministre a été considérée comme excessive et disproportionnée. Ses propos diffusés sur Facebook et tournés dans un café ont été perçus comme étant une expression de la médiocrité ambiante. Alors, au nom de la liberté et du refus du conservatisme qui s’installe, nombreuses figures de la place publique ont manifesté leur soutien à l’égard de ces expressions dites « artistiques » et festives.

Cependant, les avis oscillent parce que dans cette affaire, il ne s’agit aucunement de politique, d’opposition ni d’islamisme…
Lassaâd Yaâcoubi, secrétaire général du Syndicat de l’Enseignement secondaire, a, en effet, livré sa position quant à cette vidéo dans une interview accordée lundi 25 février, à Assabah news. Il s’est en effet dit indigné par les agissements de ces jeunes et a jugé cette vidéo dépravante et recelant des allusions implicites à l’homosexualité.

Que des lycéens dansent en petite tenue dans la cour d’un lycée est réprimable quelles que soient le contexte politique et les litiges partisans.
Le ministre, mis à part son appartenance politique et celle du gouvernement dont il fait partie, avait amplement le droit d’exercer son autorité, puisque l’établissement dépend de lui et puisque cette vidéo est loin d’être la seule enregistrée dans un établissement scolaire ; d’autres ont été tournées mais d’une manière moins extravagante.

Les différends politiques ne doivent aucunement diviser la Tunisie et creuser le fossé jusque dans ses pratiques artistiques et ses valeurs sociales de base.
Toutes les formes d’excès sont à réprimer. Le ministre aurait dû se manifester, en l’occurrence, lorsque des salafistes ont investi un lycée pour remplacer le drapeau tunisien par la bannière noire qui leur est caractéristique. Il aurait dû le faire, mais il ne l’avait pas fait. Alors est-ce une raison pour qu’il ne réprime pas d’autres formes d’excès ?
De tels incidents peuvent sembler, de prime abord, sans grande importance. Néanmoins, ils prennent des proportions outrancières quand on en fait un cheval de bataille pour défendre l’Art, pour défendre la liberté d’expression et pour s’opposer à l’islamisme montant. Car ce cheval de bataille est loin d’être le bon.
Notre société quoique moderniste à bien des égards ne tolère pas certaines formes d’excès et quand bien même elle les tolérerait, le cadre dans lequel elle se déroule est un facteur majeur. Le respect des institutions éducatives est une notion importante, mais elle n’est pas qu’une notion.

La peur de voir s’installer le conservatisme religieux, la crainte de voir les islamistes s’installer et installer avec eux des valeurs religieuses radicales qui changeraient le schéma social tunisien ne doivent, en aucun cas, nous amener vers des excès d’un tout autre genre. Nous nous devons d’éviter d’aller vers les extrêmes dans l’un et l’autre sens car plus nous irons vers ce type de polarisation, plus le fossé se creusera entre les deux tendances. Et pendant qu’on se divisera, d’autres règneront.



Inès Oueslati
25/02/2013 | 1
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