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Tunisie - Hamadi Jebali dit tout et son contraire
22/01/2012 | 1
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Tunisie - Hamadi Jebali dit tout et son contraire
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On l’attendait cette fameuse interview accordée par Hamadi Jebali, chef du gouvernement provisoire aux trois chaînes de télévision, une interview préenregistrée et diffusée samedi soir 21 janvier 2012. Ce qui laisse entendre qu’elle a été soigneusement et minutieusement préparée.

Durant cette rencontre, M. Jebali a soufflé le chaud et le froid. Il en a dit trop et pas assez. Il a été, des fois clair et direct, d’autres fois, il est resté dans les généralités et le flou. Il a été, à la fois, conciliant, mais accusateur et menaçant. Justement, il y avait toujours ce fameux « mais… »

Parlant de la situation économique, il avoue que les difficultés rencontrées sont énormes, mais il se déclare optimiste pour peu que toutes les bonnes volontés et les tendances conjuguent leurs efforts. Concernant l’opposition, il assure qu’il est de son plein droit de protester, mais qu’il vaudrait mieux qu’elle participe à l’effort pour sauver le pays.

Le droit aux grèves et sit-in est légitime, mais sans que cela n’entrave la bonne marche de la vie quotidienne du pays. D’ailleurs, tout sit-in « anarchique et portant préjudice aux activités des entreprises, ne seront plus tolérés ». Et tout en assurant qu’il n’y aura jamais de recours à la force, ni à la répression, il n’indique pas comment le pouvoir compte procéder. Il a cité deux cas de sit-in levés suite au dialogue, mais qu’en sera-t-il si les négociations n’aboutissent pas ?!
A ce propos, il a fait un peu de populisme en lançant sur un air grave que les 2500 millions de dinars de pertes auraient pu servir à octroyer des salaires aux 800 mille chômeurs pendant un an. Ni plus, ni moins !

Pour ce qui est de la liberté d’expression et de la presse, M. Jebali affirme qu’elle est sacrée, mais sans qu’elle reste uniquement dans la critique. S’il y a de bonnes choses, il faut qu’elle en parle aussi.
Il a, certes, parlé de l’affaire de la vidéo de Ali Laârayedh pour dénoncer et condamner ce coup bas et ceux qui se trouvent derrière, mais il ne s’est pas prononcé sur une éventuelle démission du ministre de l’Intérieur ou s’il allait rester en poste comme si de rien n’était.

Evoquant les fortunes des clans Ben Ali et de la « famille », il avance, en l’air, des chiffres faramineux de milliers de milliards tout en indiquant que personne n’a une idée sur le montant de ces avoirs. Ces affaires de sous seront traitées très prochainement, mais il ne donne aucune date, même approximative.
Et quand on a évoqué le cas de Sakher El Matri qui mène la belle vie au Qatar et qui se dit le premier soutien de la Révolution tunisienne, le chef du gouvernement provisoire s’énerve et lance : « Pourquoi vous ne voyez que Sakher El Matri ? Bien d’autres membres de la famille sont libres comme l’air dans d’autres pays étrangers… ».
A propos, toujours de ce même Qatar, il avoue que ce pays veut bien nous aider tout en affirmant qu’il le fait pour nos beaux yeux et en exprimant son étonnement que des voix s’élèvent pour émettre des doutes quant aux dessous de cette générosité qatarie. Il va jusqu’à fustiger les auteurs de ces doutes qui, il n’y a as longtemps, se pressaient aux portes du Qatar et d’Al Jazeera pour faire entendre leurs voix.
A ce même propos, on aurait aimé entendre des questions sur le rôle du Qatar et d’Al Jazeera dans la nomination du ministre des Affaires étrangères et celui de la Jeunesse et des Sports pour avoir une idée sur les argumentations de M. Jebali.
Le chef du gouvernement provisoire a avoué, certes, certaines lacunes et autres défaillances, notamment au niveau de la communication, mais il impute la gravité de la situation sociale et économique – car la situation politique est, selon lui, excellente – aux décennies de l’ancien régime et à l’attitude des deux gouvernements de Ghannouchi et de Béji Caïd Essebsi, tout en voulant paraître ne pas trop charger ce dernier, dont une réaction à cette interview serait intéressante à connaître.

Une première lecture du contenu de cette interview, qui sent le sur-mesure, nous constatons que Hamadi Jebali a mis l’accent sur le fait que son gouvernement fera tout pour réussir à faire décoller, un tant soit peu, la Tunisie. Mais tout en laissant entendre que s’il n’y parvient pas, ce sera, alors, la faute aux saboteurs et autres pêcheurs en eaux troubles qui sont « démasqués et identifiés d’après des données concrètes ».

Il a même laissé entendre clairement que des forces appartenant à l’ancien régime liées à de nouveaux lobbies, qui s’activent aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, sont responsables de l’état d’instabilité et d’insécurité en Tunisie. « La contre-révolution est en marche, mais elle ne passera pas », affirme-t-il en substance.
Tout ce qu’a dit Hamadi Jebali, est du déjà vu, lu et entendu. Mais l’interview a été édifiante, surtout, par ses non dits. Il n’a pas dit un mot sur ce qui vient de se passer à la Banque centrale de Tunisie. Aucun mot sur le programme concret du gouvernement, sur les chiffres et sur les perspectives d’avenir.
Aucune donne sur la manière projetée pour combattre le fléau destructeur des salafistes. Des propos trop vagues sur la diplomatie et sur la politique étrangère à adopter. Rien que des slogans et des généralités, l’objectif étant de ne pas en dire trop et d’éviter de commettre des erreurs de communication.
Aucun retour sur les tergiversations ayant marqué la formation du gouvernement d’intérêt national, une appellation et une trouvaille de Mustapha Ben Jaâfar. Pourtant, et à notre humble avis, tout le mal vient, en bonne partie, de là.
Tout le monde s’accorde à dire que les portefeuilles ont été « distribués » selon des critères totalement subjectifs et partisans. Tous les membres du gouvernement, ou presque, sont des anciens prisonniers politiques, des anciens militants qui avaient eu le courage et osé, à des degrés divers, s’opposer à Ben Ali.
Or, pour l’année qui vient, la Tunisie traverse la période la plus difficile se son histoire. Ou on réussit et décolle, ou bien – que Dieu nous en préserve – on échoue et c’est le chaos. C’est dire qu’il aurait fallu faire appel aux meilleures compétences, notamment les technocrates, pour gérer les affaires du pays en cette étape complexe nécessitant des experts et des spécialistes chevronnés et expérimentés. Et la Tunisie en regorge. Ils ne sont pas très nombreux, mais ils existent. Et le passage de Béji Caïd Essebsi l’a montré.
Mais, placer une équipe qui n’a aucun passé dans la gestion, est un choix qui laisse à désirer, surtout qu’au départ, tout le monde était convaincu que les élus avaient pour mission de préparer la nouvelle constitution, le système politique et autre code électoral. Tout le monde s’attendait à ce que le pays soit remis entre les mains de compétences avérées.
Aucun critère rationnel n’a été pris en considération, sauf celui du degré de combat contre le régime de Ben Ali et du tribut payé en années d’emprisonnement. Le cas de Abbou, obnubilé par l’idée de « nettoyage » de tous les départements qu’il se proposait de détenir. Après avoir échoué à obtenir l’Intérieur et la Justice, il a fini par avoir celui de la réforme administrative.
Et là aussi, il a fait un scandale et a failli faire capoter toute l’équipe gouvernementale à cause de prétendues attributions qu’il tient à avoir pour « nettoyer » l’administration. Or, cette idée fixe, tournant à l’obsession, de nettoyage et d’épuration, a des connotations et des relents fascisants, de vengeance.
M. Jebali a eu, enfin, cette envolée lyrique pour condamner les propos antisémites tenus par des sympathisants islamistes lors de la venue d’Ismaïl Haniya en Tunisie, mais est-ce suffisant quand ont voit que les auteurs de ces propos et autres extrémistes auteurs de violences demeurent impunis et libres de mener leurs activités au vu et au su de tout le monde.
Le chef de gouvernement a tenté, certes, de se montrer rassurant, mais il faut attendre l’action et les résultats sur le terrain pour croire aux paroles et aux promesses.

Noureddine HLAOUI

22/01/2012 | 1
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