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Tunisie – Le mariage forcé de l'opposition
11/01/2012 | 1
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Tunisie – Le mariage forcé de l'opposition
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Une conférence de presse en présence des leaders du PDP, d’Afek Tounes, du Parti Républicain nouveau et de personnalités politiques indépendantes s’est tenue aujourd’hui 11 janvier 2012, en vue d’annoncer la fusion prochaine des trois partis précités en un grand parti unifié, visant à préparer l’alternance électorale. Cette fusion sera officiellement effective à l’issue du prochain Congrès du PDP, les 17, 18 et 19 mars prochain. Parmi les indépendants, se joindront à eux notamment Said Aïdi, ancien ministre de la Formation professionnelle et de l’emploi au gouvernement de Béji Caïd Essebsi, et Slaheddine Zahaf élu indépendant à la Constituante. Rappelons que le Parti pour le progrès (PPP), ayant été dissous au sein d’Afek Tounes, et La voix du centre au sein du Parti républicain, font également partie de l’aventure.
Retour sur une union difficile et laborieuse, un mariage de raison plus que d’amour qui laisse sur la touche Ettajdid, le plus vieux parti politique encore existant, pour le moment du moins…


L’entrée en scène d’Afek Tounes sur la scène politique, on s’en souvient. Une entrée remarquée et un parti qui a vu grand… trop grand peut-être. Leur premier meeting était à l’image de leurs ambitions et avait réuni un nombre important de participants.
C’était quelques semaines après la Révolution, les rêves et les espoirs étaient permis, la diversité aussi. Les raisons de la création du parti étaient simples et, à l’époque, compréhensibles. Il n’existe pas en Tunisie, parmi les partis historiques, de parti libéral, tous se disant appartenir à la gauche ou au centre-gauche. Un parti libéral aurait pu avoir sa place dans la nouvelle Tunisie, mais c’était compter sans le paysage politique dégagé par les élections…
En effet, la bipolarisation idéologique ne se situe pas, aujourd’hui, entre une droite libérale et une gauche socialiste, mais plutôt entre les conservateurs et les progressistes, appelés également démocrates.

Le parcours d’Afek Tounes, aussi court soit-il (à peine un an), n’a pas été un long fleuve tranquille. Des désaccords et des démissions ont émaillé le parti qui, malgré tout, reste le seul « nouveau » parti à avoir réussi à se faire une petite place sur la scène politique. Les quatre sièges obtenus à la Constituante sont un résultat tout à fait honorable pour une formation politique qui fait ses premiers pas.
La première fissure chez Afek Tounes concernait justement la nécessité ou non de s’allier avec d’autres forces progressistes en vue des élections du 23 octobre. Cette question a fait naître deux clans, les premiers étant favorables à l’intégration du PDM (Pôle démocratique moderniste), quand les seconds y voyaient un non-sens idéologique, les libéraux ne pouvant pas s’allier avec les socialistes d’Ettajdid. Ces derniers l’emportent au vote, et Afek Tounes se rendra seul aux élections. « L’argument pour le refus de la coalition au sein du pôle était dû, en partie, à la volonté de connaître le vrai poids électoral de chacune de nos formations, en plus du fait qu’il y ait des divergences substantielles dans le programme », avoue Yassine Brahim, concédant, à demi-mots, une éventuelle erreur stratégique.

À l’instar d’Afek, le PDP, également, avait décidé de faire cavalier seul. Persuadé qu’il était de sa supériorité historique sur les autres partis dits progressistes, et trompé certainement par les premiers sondage le plaçant 2ème force politique après l’indétrônable parti islamiste. Sa participation au gouvernement Ghannouchi, sa sortie qui, pour certains, manquait d’élégance du gouvernement à l’arrivée de Béji Caïd Essebsi et sa campagne en faveur de la publicité politique ont certainement contribué à la défaite du PDP.
Conscient de cette erreur stratégique, Ahmed Nejib Chebbi joue la carte, quelques jours avant les élections, de la coalition des forces progressistes, mais il était déjà trop tard. Désireux de préserver son leadership et les spécificités historiques de son parti, Nejib Chebbi, il y a à peine deux semaines, était encore réticent à l’idée de fusionner avec d’autres partis, y préférant une coalition électorale, au plus.
« Nous sommes prêts à travailler main dans la main pour constituer une vraie alternative démocratique, mais se fondre dans un même parti n’est pas encore à l’ordre du jour, car chacun de nos partis a son histoire propre », avait en effet déclaré, le 26 décembre dernier, M. Chebbi. À croire que les pressions de la base de chacun de ces partis a joué un rôle déterminant dans l’accélération du processus et, en l’espace d’une dizaine de jours, le discours n’est déjà plus le même.

Le perdant du jour, si la situation n’évolue pas, est certainement le projet du Pôle démocratique moderniste. Les deux principaux partis qui le composaient, en plus d’Ettajdid, étaient la Voie du centre et le Parti républicain. Ces derniers ayant décidé d’ores et déjà d’intégrer le parti unifié. Ettajdid, l’ancien Parti communiste tunisien, à l’origine du rassemblement du Pôle, se retrouve alors, de fait, sur le banc de touche. Les pourparlers avec les leaders du PDP et d’Afek Tounes sont certes encore en cours et le Congrès d’Ettajdid, en février prochain, traitera de cette question de fusion mais les désaccords sont nombreux.
D’une part, Ettajdid reprocherait au PDP de vouloir prendre les rênes du nouveau parti et refuse d’être dissout au sein d’un PDP renommé (le fait que la création de ce grand parti se déroule lors du Congrès du PDP n’est pas un hasard), où le « quota décisionnel » lui serait imposé par ce dernier. Le deuxième point de désaccord concernerait la position idéologique et le programme politique ; les leaders d’Ettajdid privilégient en effet l’idée d’une coalition, plutôt que d’une fusion, dans l’attente d’un programme politique commun et la poursuite des concertations pour dépasser ces différences idéologiques.
Toujours est-il qu’après avoir été présent, ces dernières semaines, aux conférences tenues par l’opposition, le parti d’Ahmed Brahim était le grand absent de ce rendez-vous que ses organisateurs disent « historique ».

Les leaders des principaux partis de l’opposition ont, semble-t-il, pris la mesure de leur insuffisance, sans que l’on puisse affirmer, à ce jour, si ce choix de fusion est judicieux. Plusieurs observateurs s’étonnent en effet de voir des partis dont l’idéologie de base s’oppose, prendre la décision de fusionner aujourd’hui, alors qu’ils avaient refusé de s’allier, justement, à cause de ces différences.
Beaucoup d’internautes peinent également à prendre cette fusion au sérieux et, en attendant le Congrès de mars, les paris sont lancés sur les réseaux sociaux concernant le nom choisi pour ce nouveau parti dont l’annonce est passée d’historique au statut de non-événement.

Monia Ben Hamadi
11/01/2012 | 1
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