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Sortir des débats stériles
09/03/2024 | 13:07
6 min
Sortir des débats stériles

 

Par Mohamed Salah Ben Ammar*

 

Dans les années 1930 à Sfax, l'école coranique dirigée par Haj Khlifa jouissait d'une excellente réputation pour son sérieux et son dévouement envers ses élèves.

Haj Khlifa, homme compétent et profondément attaché à l'éducation des enfants, regrettait cependant de ne pouvoir leur dispenser qu'un enseignement en arabe. Remarquant le vif esprit et les aptitudes remarquables de ses élèves âgés de 6 et 7 ans, il prit la décision de leur faire apprendre le français. Il fait alors appel à son ami Si Ali Rekik, interprète au contrôle civil de Sfax, pour leur dispenser bénévolement des cours de français. 

Parmi ces élèves se trouvait un jeune Abderrahmane Kamoun, qui obtint son certificat d'études et intégra ensuite le lycée où, en 1940, il devint l'unique musulman parmi des dizaines de candidats français et juifs à décrocher son baccalauréat.

La région de Sfax, qui se distingue depuis de nombreuses décennies par la réussite exceptionnelle de sa jeunesse, qui annuellement intègrent les meilleures grandes écoles et les facultés les plus prestigieuses du monde, est un véritable vivier de talents qui rayonnent dans le monde entier.

 

Pourquoi la Tunisie qui était devenue un protectorat français en mai 1881 a longtemps été comme l’avait écrit un jour Rudyard Kipling « L’Orient est l’Orient et l’Occident est l’Occident, et les deux ne se rencontreront jamais. »

De fait, longtemps avant la colonisation française, le Maghreb était déjà le théâtre d'une confrontation intellectuelle entre deux courants majeurs : ceux qui puisaient leur inspiration dans le monde occidental et ceux qui se tournaient vers l'Orient. Une richesse. Cette division ancienne entre conservateurs attachés aux traditions et progressistes aspirant à l'ouverture vers de nouvelles idées a marqué l'histoire de notre pays et continue d'influencer son présent.

 

Les deux courants de pensée

Les partisans de l'arabisation, ancrés dans la religion et la culture arabo-musulmane, prônent un retour aux sources et présentent cette attitude comme une résistance à l'influence occidentale, oubliant que l'immense majorité des citoyens ne maîtrise pas l'arabe littéraire. En face, les occidentalisés, fascinés par les progrès scientifiques et techniques de l'Occident, aspirent à une modernisation de la société et à une adoption de ses valeurs, de la même façon la maîtrise des langues étrangères n'est pas également répartie dans le pays. Comment se comprendre si on ne parle pas la même langue ? Cela ne peut que générer un rapport de dominés-dominants. Cette question symbolique de la maîtrise de la langue est le reflet d'un choix éducatif, d'un mode de vie. Le mépris du tunisien, dialectique, choix schizophrénique, résume tout.

La colonisation française a joué un grand rôle en imposant sa langue dans une élite éduquée. Les populations locales ont été confrontées à un choix difficile : s'assimiler à la culture française ou rejeter l'occupant et se replier sur leur identité traditionnelle. Résister à la modernité est devenu synonyme de résistance à l’occupant. 

 

Éviter de parler le franco-tunisien est un choix idéologique !

Après l'indépendance, la Tunisie de Bourguiba a lutté pour essayer d'affirmer une empreinte originale dans la région. Les dirigeants de l’époque ont rejeté cette logique simpliste. Bourguiba en particulier et l'immense majorité des dirigeants maîtrisent aussi bien l'arabe que le français.

Pour certains les indépendances devaient signifier un rejet total et définitif de tout ce qui pouvait rappeler la France. Un rejet bien commode de ce qui a été qualifié de culture des élites et des collaborateurs avec l’occupant. 

Pour d'autres, la question de l'héritage colonial et de la place de l'Occident dans la société tunisienne ne pouvait pas se résumer à une dichotomie simpliste. A ce jour, ces clivages entre les différents courants de pensées nous enferment dans des débats sans fin, alimentant ainsi des tensions sociales et politiques. 

 

Indéniablement la colonisation a transformé en profondeur le monde, chez les colonisés mais aussi les colonisateurs. 

Au Maghreb ou au Moyen-Orient le mouvement décolonial a pris plusieurs formes. Panarabistes puis islamistes ont surfé sur cette volonté (nécessité ou illusion) de se défaire de ces chaînes culturelles, économiques et parfois religieuses de l'oppresseur. Dans notre région l’offre s’est souvent résumée à changer d’oppresseur, il faut le reconnaître. 

Les déceptions se sont succédé, venant du Nord ou de l’Est. L’Occident a souvent fait de ses "valeurs humanistes" une variable d’ajustement en fonction de ses intérêts économiques essentiellement et la cause palestinienne en est l’illustration la plus récente et en Orient on ne compte plus les guerres civiles et les coups d'État menés au nom d'idéologies répressives. Les peuples de la région vivent encore dans des situations ubuesques, où au nom d’interprétations tendancieuses de certains aspects de la religion certains préceptes ont été sacralisés alors que d’autres discrètement oubliés. On peut affirmer sans risque que la défense d’une vision patriarcale machiste de la société était centrale dans ce qui était présenté comme une défense de l’authenticité et au nom d'un rejet de l’oppression coloniale. 

Le monde avançait et notre mal-être post-colonial, nous maintenait dans des dialectiques parfois surréalistes où les droits de l’Homme, la démocratie, la justice sociale et tant d’autres principes fondateurs des sociétés modernes étaient remis en question.

 

Les apparences sont trompeuses. Dans ce monde globalisé, les luttes idéologiques sont plus que jamais d'actualité. Face à l'influence croissante de l'Occident, il est important pour les Maghrébins que nous sommes de développer une vision claire et cohérente de leur place dans le monde. De devenir producteur de connaissances. Cela implique de s'élever au-dessus des antagonismes stériles et de construire des relations constructives avec tous, tout en défendant ses propres valeurs et en œuvrant pour la paix et la justice.

Le défi pour les sociétés maghrébines aujourd'hui est de trouver un équilibre entre les héritages occidental et oriental. Il s'agit de dépasser nos démons et d’être capables de s'approprier les acquis de la modernité tout en préservant nos valeurs culturelles et religieuses. Cela passe par l’acceptation que nos sociétés sont des patchworks d’identités qui s’enrichissent mutuellement. Nos identités ne se décrètent pas à l'échelle d’une société, chacun se définit comme il le veut et a le droit de changer d’avis. Les idéologies répressives n’ont jamais admis ces perpétuels mouvements des sociétés.

 

L'anecdote de Haj Khlifa à Sfax illustre à quel point parfois un pas de côté peut faire du bien à la société. Notre identité tunisienne est un puzzle, une histoire de confrontations culturelles et de métissages. La construction d'un avenir stable et prospère passe par le rejet des interprétations simplistes du passé, des dogmes souvent faux par ailleurs, par la reconnaissance de nos différences d’opinions, de choix de vie, par la recherche d'une synthèse harmonieuse entre les différentes composantes de notre société. C’est la voie du progrès l’inverse ne fera que nous diviser et nous maintenir dans ce marasme post-colonial qui nous a fait tant de mal.

 

* médecin et ancien ministre de la Santé

09/03/2024 | 13:07
6 min
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Commentaires
Vladimir
Megalomanie
a posté le 13-03-2024 à 11:50
"Si la barbe est un signe de sagesse, la chevre serait Socrate." Ce faux jeton nous rsconte dsns un article plagia des choses que lui meme ne les connait pas.Par accident malheureux de l histoire il etait nomme ministre de sante, poste qu il a quitte spres avoir ruine le secteur.
Vladimir Guez
Voeu pieux
a posté le 10-03-2024 à 11:10
"modernité et valeurs culturelles et religieuses." ne sont pas compatibles.
La modernité (émancipation de l'individu et recherche de la Vérité par le primat de la science ) a tué la chrétienté d'abord par la réforme protestante puis ensuite par la sortie du religieux. Parallèlement l'individualisme et la recherche de l'accomplissement personnel ont tue les valeurs traditionnelles.
L'Occident n'a jamais fait cette synthèse parce qu'elle est impossible.
Gardons un minimum d'honnêteté!
@Vladimir Guez
a posté le à 12:35
- Votre commentaire me fait penser à Rousseau qui appartenait au siècle des lumières (XVIII), mais qui était contre la pensée de la lumière (d'ailleurs, c'est pour cela qu'il a gagné différents concours à l'académie de Dijon) --> d'où le conflit entre Voltaire et Rousseau...

Puis " l'accomplissement personnel [--> l'égoïsme]" est indispensable pour la réussite d'un pays/état, par contre ceci n'est valable que si c'est un égoïsme sans corruption et sans exploitation abusive des autres --> Et c'est là, où l'Etat doit agir...
--> lire Adam Smith

Ok
*médecin et ancien ministre
a posté le 10-03-2024 à 09:04
Tout ce que j'ai retenu c'est la qualité de l'auteur médecin et ancien ministre et sa photo pour ceux qui l'auraient oublié. Par contre on ne tire rien du contenu
Abel Chater
Un article ancien comme le temps. Du déjà-vu à maintes reprises dans les journaux La Presse, Le Temps et tant d'autres, qui nous rabâchaient les mêmes copies conformes à longueur des décennies de leur soi-disant indépendance de Bou-Petit-Cou. Le monde change et nos intellectuels trébuchent encore à leurs histoires de «lalènni yè lalènni».
a posté le 10-03-2024 à 00:42
Monsieur oublie qu'avec l'émigration des Tunisiens vers les quatre coins de ce monde, les langues ne sont plus un choix pour les Tunisiens. Là où on vit, on est obligé d'apprendre la langue du pays et de son peuple. Non pas suivant le langage des rues de nos chers compatriotes de «chez nouzapparis», mais suivant l'éducation locale qui nous fait gagner notre vie aisément.
Avant la mainmise judaïque sur la France, l'Allemagne et tant d'autres pays occidentaux, ni la France, ni l'Allemagne, ne voulaient parler des langues étrangères. Surtout pas l'anglais. Les radios et télévisions françaises ne diffusaient des chansons anglaises, que lorsque leurs homologues anglaises en diffusaient le même nombre de chansons françaises en Angleterre. Maintenant, la belle chanson française de «Capri, c'est fini» et de tant de centaines d'autres belles chansons française, ont disparu par la manipulation judaïque du show-business en Occident, au profit de la langue anglaise.
Donc, je dirais aux donneurs de leçons concernant les langues, d'aller eux-mêmes maîtriser des langues nécessaires pour leur propre vie. Dans des pays arabes comme au Qatar, où j'étais lors de la Coupe du monde de football, je n'ai pas pu communiquer avec presque tous les commerçants du pays. Ni en arabe, ni en anglais, ni en français, ni en allemand. Des Indiens, des Pakistanais, des Bangladeshis et tant d'autres asiates qui ne parlent pas l'arabe. Ils parlent l'ourdou ou l'urdu. Ils font semblant de parler l'anglais, mais un anglais tellement déformé, qu'il est presque impossible de les comprendre ni qu'ils ne te comprennent eux aussi. Le résultat, c'est que je maîtrise quatre langues, pour rien du tout, bien que je me trouve dans un pays arabe. Idem en Allemagne, venez en RFA parler votre français et même votre anglais, vous serez isolé dans le coin des extraterrestres.
Parlez la langue du pays où vous habitez et où vous travaillez. Tout le reste n'appartient qu'aux contes mythologiques des «Fdèoui», qui se prennent pour des donneurs de leçons aux Tunisiens. Un Cheikh «Mèddib» du «Kottèb» à Sfax, qui faisait apprendre le français à ses élèves. Quel grand honneur en ces temps du colonialisme français en Tunisie. Des histoires à vous faire dormir debout.
Allah yostir Tounes.
Gg
Bel article
a posté le 09-03-2024 à 23:17
Merci pour cette présentation historique, politique et sociale.
Cela mériterait un livre, une page est trop peu! Mais cette page est lumineuse.
Bientôt à votre plume, Monsieur?
okba
l'ignorance et la médiocrité
a posté le 09-03-2024 à 20:59
celui qui a écrit le premier commentaire reproche à M. Ben Salah l' absence d'une " inspiration intelligente " et le caractère " artificiel " de son article !!A t-il avancé une seule idée constructive IL est malheureux que nombre de Tunisiens ne savent que dénigrer et insulter tout en étant vides comme des coquilles préférant se cloîtrer dans leur médiocrité et leur ignorance
'Gardons un minimum d'honnêteté!
@Mr. Mohamed Salah Ben Ammar
a posté le 09-03-2024 à 19:07
Certes le sujet que vos abordez est extrêmement intéressant, par contre l'Inspiration intelligente vous a manqué cette fois-ci

Un Médecin / Ex-ministre devrait fournir un article de meilleure qualité que celui ci-dessus: Trop superficiel, banal et plat.

@Mr. Mohamed Salah Ben Ammar, vous êtes Médecin et Ex-Ministre, vous appartenez à l'élite tunisienne et ainsi on s'attend à quelque chose de beaucoup mieux de vos publications.

Bonne soirée

PS: Je ne commente généralement que les articles de la rubrique "Tribune" de Business news tn, le reste est trop superficiel...
Amine
Qui connait sa valeur n'éprouve pas le besoin d'abaisser les autres
a posté le à 23:29
Pensez vous que la vacuité sidérale que traduit votre stérile logorrhée, faite de bric et de broc, que nous subissons régulièrement sur ce forum, vous permette de vous valoriser en rabaissant les autres ?
Votre Post-scriptum raconte votre incommensurable générosité d'esprit !
Ne représentez vous pas la superficialité elle même ?
Gardons un minimum d'inconstitutionnalité
@Amine
a posté le à 13:59
+8.000.000.000 et des poussières...
Juan
toujours dans les nuages
a posté le à 19:48
rien de plus superficiels, dans les nuages, que les matheux ...
Juan
franalpahabètes, éternellement colonisés ...
a posté le 09-03-2024 à 15:42
Leçon de suisse:
proverbe: die Sprache ist die Seele des Volkes ... la langue est l'ame du peuple.
à Zurich, ce forum serait en dialecte, pas en Hochdeutsch ( allemand littéraire).
utiliser sa langue maternelle ( schwitzerdutch) n'a pas empèché Zurich de prospérer dans la banque, assurance, industrie ...

bref, BN aurait du ètre en derja. idem pour l'enseignement, hors mis les termes techniques.
la langue française et son heaurtheaugraaaphe ... c'est pour vous mainteni=r en laisse, toujours dépendants de cette p... de france sionisée, zammourisée .
vous avez vendu votre ame, et récolté la dépendance.

WAKE UP !!
Gg
@ juan
a posté le à 23:23
Tu es trop bête pour comprendre.
Le Monsieur, il dit: au lieu de vous disperser dans des querelles stériles et de vous accrocher à des micro identités rigides, accueillez votre diversité héritée des passés, c'est une richesse. Vous pourriez être un pays de synthèse.
Eh oui...
Anis
Sagace
a posté le 09-03-2024 à 13:49
Soyons tout ouïe, un sage a parlé.