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Sakher El Materi : La revanche avec « délice »
23/11/2010 | 1
min
Sakher El Materi : La revanche avec « délice »
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Sacré Mohamed Sakher El Materi ! Voila un nouvel aspect de l’homme d’affaires qu’on ne lui connaissait pas auparavant.
Ainsi, il vient d’acheter 25% du capital du premier opérateur GSM privé tunisien, Tunisiana, en compagnie de Hamdi Meddeb, patron de Délice et de l’Espérance Sportive de Tunis.
Pour ce trentenaire, patron de Princesse Holding, propriétaire majoritaire d’Ennakl, de Banque Zitouna et de Dar Assabah, entre autres, la revanche semble être un délice. Il sait qu’il doit toujours garder, non pas uniquement l’espoir, mais également l’espérance au fond du cœur.


Rappelez-vous, c’était en mai 2009. Sakher El Materi (en compagnie de Hamdi Meddeb, mais aussi du groupe Loukil et de l’opérateur turc Turkcell) voulait acquérir la troisième licence de télécommunications en Tunisie. Selon des témoins présents sur place, c’est lui-même qui est allé déposer l’offre au siège du ministère des Technologies de la communication.
Son dossier n’a cependant pas été retenu, le consortium France Telecom – Groupe Mabrouk ayant une meilleure offre et, pour dire vrai, de meilleures références et un plus grand know how en matière de télécommunications. L’Etat tunisien a fait son choix en optant pour le consortium franco-tunisien, mais ce niet n’a pas fait baisser les bras à M. El Materi. On le disait sur les rangs pour l’achat des 16% de l’opérateur public, Tunisie Telecom, mais l’Etat tunisien n’envisage pas de céder, maintenant, sa poule aux œufs d’or.

Cherchant à s’introduire, coûte que coûte, dans ce secteur juteux, il est allé chercher la solution, ailleurs. Loin des regards indiscrets. Il a bien caché sa stratégie et a bien ficelé son dossier, et ce depuis plusieurs mois. Car, pour acquérir Tunisiana, valorisée à 2,4 milliards de dollars, il fallait du cash. Quelques centaines de millions de dollars, rien de moins.
Pour trouver du cash et lever les fonds, Sakher El Materi a joué la plus transparente des cartes, celle de la bourse en cédant 40% de sa société Ennakl. On l’avait bien interrogé, la veille de l’introduction, sur les raisons de cette entrée en bourse et sur ce qu’il va faire de cet argent. Réponse de l’homme d’affaires devant les investisseurs, les intermédiaires en bourse et les médias : « Nous avons des projets très importants pour Princesse Holding et pour la Tunisie ». Les voila ces projets !
Pour payer les parts détenues par Orascom dans Tunisiana, M. El Materi a, tout simplement, cédé une partie de ses actifs dans Ennakl. Et acceptant, dans la foulée, de rendre transparents et publics tous les comptes de cette société.
Faites le calcul. Les 50% de Tunisiana, que détenait Orascom, ont été cédés à 1,2 milliard de dollars. Sakher El Materi et Hamdi Meddeb ont acheté la moitié de ces 50%, c’est-à-dire à 600 millions de dollars, soit l’équivalent de 840 millions de dinars environ.
En supposant que chacun a eu la moitié, M. El Materi aurait payé, alors, quelque 420 MDT. Or, en introduisant Ennakl en bourse, il avait déjà levé près de 130 MDT. Nous présentons ces chiffres avec les réserves d’usage vu que les montants n’ont pas été encore dévoilés officiellement.

D’une pierre, deux coups, cette cession est on ne peut plus bénéfique pour la Tunisie. Véritable machine à cash, bénéficiant d’une excellente image, employant 1500 personnes, il était temps qu’une partie des dividendes de Tunisiana demeure en Tunisie et ne va pas à l’étranger en devises. Après tout, si Tunisiana réussit, c’est bien grâce à son personnel tunisien, et sa clientèle tunisienne.
On a pensé, un temps, céder une part sur la bourse de Tunis, mais finalement, le management a préféré une solution moins risquée. La bourse voulant dire une exposition totale devant le public et la concurrence.
Pour Naguib Sawiris, patron d’Orascom, c’est surtout une solution, à la fois moins compliquée et plus rapide que le process boursier. Elle lui permet, en plus, de lever une grosse somme et de quitter définitivement Tunisiana, lui qui veut se séparer de tous ses actifs africains dans le secteur des télécoms.
L'option de la bourse pour Tunisiana n'est toutefois pas totalement exclue.

Avec ces changements d’actionnaires et cette entrée de ces deux actionnaires dans le capital de Tunisiana, le paysage tunisien des télécommunications va se trouver terriblement modifié.
Tunisiana a la meilleure part de marché dans le secteur du mobile. Or, comme chacun le sait, il est facile d’être premier, il est plus difficile de le rester. Les deux concurrents de Tunisiana tiennent, vaille que vaille, à la déloger de cette place et à lui grignoter un maximum de clientèle.
Tunisie Telecom prépare sa restructuration et l’offensive d’Orange Tunisie est déjà mise au point. Les deux ont un avantage de taille puisqu’ils ont la licence 3G que Tunisiana n’a pas.
Maintenant que des Tunisiens sont entrés dans le capital de Tunisiana (et pas n’importe lesquels), il n’y a plus vraiment quelque chose qui freine l’Etat pour ne pas octroyer à Tunisiana ce qu’il a déjà donné à Tunisie Telecom et à Orange.
Hier, l’Etat pouvait, toujours, dire qu’il n’a pas envie de voir des dividendes importants quitter le pays en accordant cette faveur à un investisseur étranger avec qui il a respecté tous les engagements signés. Mais aujourd’hui ? Il va même de l’intérêt de l’Etat que les trois acteurs du marché jouent à armes égales. En libérant la portabilité du numéro et en accordant la licence 3G notamment.

Avec autant d’éléments, tout le monde est gagnant. Le consommateur tunisien, en premier lieu, puisque les trois opérateurs vont se livrer à une belle concurrence (à moins qu’ils ne fassent cartel, ce qui est à exclure pour le moment et pour les cinq ans à venir) et une belle bataille de baisse des prix et d’amélioration des offres. Les trois opérateurs verront, inévitablement, leur ARPU (revenu par usager) augmenter grâce à la panoplie de nouvelles offres. Enfin, l’Etat verra ses recettes fiscales augmenter, d’autant plus que ses ponctions sur les opérateurs des télécoms sont supérieures aux impôts et taxes qu’il impose au reste des entreprises.

Il est évident que le paysage des télécommunications a bien changé, et ce dans l’intérêt de toutes les parties intervenantes, notamment opérateurs et Etat. Quant au citoyen client, qui sera, théoriquement, bénéficiaire aussi, il verra son portefeuille fortement saigné, dans le sens où il voudra consommer davantage de produits, notamment ceux proposés sous la 3G.
Pour cela, il y a de quoi s’inquiéter, car les trois opérateurs ont de véritables génies dans leurs départements marketing et sauront comment nous rendre indispensables des produits dont nous ignorions l’existence il y a à peine trois ans.
23/11/2010 | 1
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