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Reportage – Malgré la polémique, les Tunisiens continuent à se faire avoir par les charlatans !
25/06/2013 | 1
min
Reportage – Malgré la polémique, les Tunisiens continuent à se faire avoir par les charlatans !
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Après le scandale de Yosr Développement et Adel Dridi, aujourd’hui en garde à vue avec son assistante, on aurait pu croire que les pouvoirs publics allaient juguler cette hémorragie en mettant hors d’état de nuire les entreprises similaires et appliquant la chaîne de Ponzi. La réponse est négative, d’autres sociétés continuent à exercer en toute impunité comme nos journalistes ont pu le constater ce matin. Reportage.

Après le scandale de Yosr Développement, Business News a rendu visite à une autre institution financière parallèle, Casus Group, similaire à celle d’Adel Dridi. Il s’agit de voir si les « charlatans » continuent encore à exercer librement.
Celle-ci se présente comme une société de services tunisienne qui agit dans le secteur de l'investissement et du développement et qui offre différents services adaptés à des clients de toutes catégories. Officiellement, la société propose « la vente en ligne de produits en promotion et la présentation des solutions d'épargne que peuvent garantir les parents à leur enfants », elle offre également ses services en tant qu’intermédiaire entre les clients et les agences de voyage en « assurant toutes les opérations techniques allant de la réservation des moyens de transport et des prestations touristiques à l'émission des billets ». Le site internet de la société Casus Group promet monts et merveilles et l’on est, de prime abord, étonné de voir une même société agir dans des domaines d’activité aussi divers que l’organisation des fêtes ou l’importation et la vente d’électroménager.

Le siège de Casus Group se trouve au Centre Urbain Nord, à deux minutes de l’Aéroport Tunis Carthage. A notre arrivée, ce matin mardi 25 juin 2013, nous avons été surpris de voir plusieurs dizaines de personnes devant l’immeuble et au 3ème étage de la société, bien gardée par des agents de sécurité aux visages fermés et postés à un mètre environ les uns des autres. En tout, il y avait une bonne dizaine d’agents à l’étage.
Pour les besoins de l’article, nous avons tu notre identité de journalistes pour nous présenter comme des citoyens ordinaires, à l’allure estudiantine, venant investir une épargne. 65 dinars, question de voir ce que ça rapporte concrètement. Apprenant que nous venions investir de l’argent, les agents de sécurité, puis de Casus, nous ont reçus avec le sourire. Un sourire qui remplace, d’un coup, le visage tendu et méfiant d’une seconde auparavant. On sentait, cependant, l’atmosphère agressive et tendue à l’encontre d’ « investisseurs » venus réclamer leur argent. Du coup, vu que nous étions de « nouveaux pigeons », on nous a fait entrer en priorité, ainsi que 12 autres personnes, venues en même temps que nous, pour déposer leur argent. L’attente étant uniquement réservée aux personnes angoissées par le précédent de Yosr Développement et qui cherchaient à récupérer leur argent de suite ou, tout simplement, se rassurer sur le sort de leur investissement. Ils continuent encore à penser que ça n’arrive qu’aux autres et que Casus n’a rien d’une société appliquant la chaîne de Ponzi.

Au bureau où sont scellés les contrats, on trouve des employés irrités par la fébrilité et le manque de confiance « des clients à qui, (ils) ont fait gagner beaucoup d’argent par le passé ». C’est ainsi que sont décrits les « clients » par l’agent chargé de rédiger notre contrat, sous-entendant l’ingratitude de certains.
Là aussi, nous avons été cordialement reçus par des employés souriants, accueillants, serviables et très rassurants. Ils n’ont pas cessé de nous dire que « Casus Group, n’a rien à voir avec Yosr Développement, mais absolument rien à voir !, se justifie l’agent. Depuis son ouverture, notre société a fait gagner beaucoup d’argent à beaucoup de gens, nous sommes très surpris et affectés par l’état de suspicion que certains de nos clients ont à notre égard ces derniers temps, depuis l’éclatement de Yosr Développement ».
Maitrisant parfaitement les techniques de vente et de communication, les employés de Casus Group nous ont incités à investir plus massivement sans spécifier, à aucun moment de l’entretien, la nature des projets auxquels seront alloués ces fonds. Notre interlocuteur paraissait déçu par la maigre somme de 65 dinars, s’exclamant « c’est tout ? », mais il n’était pas surpris et s’est montré compréhensif du fait que nous étions en train d’essayer le produit, comme il nous le dira lui-même.

On nous a appris que malgré ce sentiment d’injustice, Casus Group a trouvé du soutien chez quelques uns de ses clients. Pour preuve, l’un d’eux, un policier habitant à Kabaria, qui a investi chez eux 20.000 dinars, a pris un congé de 20 jours spécialement pour leur porter main forte en tant que vigile bénévole, vu l’affluence exceptionnelle de personnes angoissées. Les clients confiants semblent se serrer les coudes et faire preuve de solidarité avec la société pour qu’elle résiste à la vague de suspicion et de dénigrement.
Visiblement, les affaires de Casus Group sont florissantes. Vu la croissance, la société prévoit de déménager la semaine prochaine dans un vaste local situé aux Berges du Lac, que Sana Trabelsi, directrice générale de Casus Group, vient d’acquérir pour 4 millions de dinars, d’après notre interlocuteur chargé de nous souscrire le contrat à « 65 dinars ». « Chaque étage de ce bâtiment sera consacré à un des services qu’offre notre société, dit-il, pour plus de transparence avec nos clients».
Une grande réception d’inauguration est prévue dans un hôtel de Nabeul qui se trouve être également la propriété de Sana Trabelsi. N’ayant pour le moment que deux représentations, l’un à Tunis et l’autre à Nabeul, Casus Group compte s’agrandir en ouvrant d’autres filiales à Hammamet, à Sousse et à Sfax.

Après avoir présenté une copie d’une pièce d’identité, et rempli un formulaire comportant adresse géographique et numéro de téléphone, nous avons souscrit un contrat (voir fac-similé ci-dessous) de « contribution » à hauteur de 65 dinars. Contrat dans lequel l’objet de l’utilisation de ces fonds n’est spécifié à aucun moment. D’après le reçu qui nous a été remis (voir fac-similé ci-dessous), nous allons empocher la somme de 120 dinars le 19 août 2013, soit dans 55 jours. Nous aurons réalisé ainsi une plus-value de plus de 84% ! En notre qualité de « petit » client (moins de 500 dinars), on aura évité de régler les frais d’adhésion qui montent jusqu’à 25 dinars.
On remarquera que selon la plaquette commerciale, ces 84% de « dividendes ou d’intérêt » seront servis au bout de 50 jours, mais de 55 jours selon la date inscrite sur le reçu remis et de 65 jours, selon le contrat signé et le reçu.
On nous montre que si on avait investi 750 dinars, on aura empoché, au bout de 100 jours, la coquette somme de 2300 dinars. Soit plus de 200%. La définition même d’une chaîne de Ponzi.

A notre sortie, dans l’ascenseur, des curieux nous ont demandé si nous étions venus pour retirer notre argent ou, au contraire, pour le faire fructifier. En apprenant que nous sommes venus « investir », ils se réjouirent pour nous et nous félicitèrent avec des « mabrouk ! ». Sûrement rassurés par ces nouveaux venus qui refusent de se laisser influencer par la mésaventure très médiatisée d’Adel Dridi.
L’un de nos interlocuteurs nous confia tout de même son inquiétude quant aux bénéfices qu’il tirerait de son investissement puisqu’« avec cet état d’agitation où se trouvent les gens à cause du scandale qu’a suscité la société d’Adel Dridi, le risque de ne pas tirer suffisamment de bénéfice de notre argent existe, puisque les gens deviennent de plus en plus récalcitrants à investir. Si les investissements sont insuffisants, les bénéfices seront forcément faibles. C’est logique ! », d’après les propos de ce fidèle client de Casus.

Cette société a pignon sur rue dans au moins deux gouvernorats et exerce ses activités illégales sans être inquiétée pour l’instant et malgré la grosse polémique déclenchée par l’affaire Yosr Développement. Pourtant, cette société exerce en violation directe des articles 7 et 14 de la loi N°65 de l’année 2001 qui régit les activités des organismes de prêt. Les experts en la question recommandent une intervention rapide pour juguler les dégâts que ce type de société peut causer et surtout pour essayer de rembourser les fonds « investis » dans ce type d’arnaque. Pour l’instant, rien n’est encore fait…

Inès Chaïeb & Marouen Achouri

25/06/2013 | 1
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