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Non, femme n’est pas un gros mot !
Par Synda Tajine
08/03/2014 | 13:15
3 min
Non, femme n’est pas un gros mot !


Par Synda TAJINE


« Vous écrivez plutôt bien pour une femme ». En voilà une réplique que l’on entend souvent lorsque l’on est journaliste...et femme en même temps. Cela semble en dérouter plus d’un, ce que je vais dire peut paraitre de la science-fiction pour certains et peut hérisser le poil de nombreux autres, mais les femmes sont capables d’accomplir quasiment tout ce que les hommes font aujourd’hui !
Et pourtant, le mouvement féministe a mauvaise presse. Dans une société obsédée par ce qui se trouve entre les jambes des femmes, le simple fait de se revendiquer féministe est qualifié de castrateur, de mouvement anti-homme. Le simple fait d’associer un groupe de personnes à un combat, et d’en exclure d’autres, relèverait du communautarisme et serait donc, par définition, antirépublicain. Mais est-ce tout simplement la présence du mot « femme » dans le concept de « féminisme » qui dérange autant ?

Non être féministe n’est pas un gros mot, pas plus que le fait d’être femme. Non le mouvement féministe n’a pas pour vocation de couper les parties génitales des hommes. Pour quelle raison, autre que la misogynie, chercherait-on à limiter les libertés féminines ? Religion, tradition, et autres arguments fallacieux sont souvent brandis contre cette égalité. On va même jusqu’à dire que l’égalité serait dangereuse pour la femme elle-même et qu’on devrait l’en protéger.

Le samedi 8 mars, le monde entier célèbre LA journée de la femme. Une occasion de leur passer de la pommade pour les inégalités et injustices subies au quotidien, durant les 364 jours restants de l’année. Au diable les inégalités salariales et dans les évolutions de carrière, la sous-représentativité aux postes clés du pouvoir et des décisions. Au diable les violences, viols, harcèlements, agressions et autres perfidies réservées aux femmes. Aujourd’hui, c’est LEUR journée.
Accorder une seule journée à la femme, pour l’honorer et la respecter, une journée dans l’année, relève de l’hypocrisie la plus totale. Mais tant qu’à faire, aussi longtemps que cette journée existe, il serait judicieux d’en profiter pour débattre des vraies questions d’inégalités qui existent encore et qui ont la vie dure.
Il est temps de parler de la discrimination sexuelle, du sexisme et de la misogynie dont les femmes sont victimes, au quotidien. Dans la vie politique, dans les médias et autres représentations, la femme est liée à une image superficielle et reste critiquée ou complimentée sur son apparence, et attaquée sur sa vie privée, plutôt que sur ses véritables compétences ou prestations.
Déception, lorsque dans une société qui se dit en voie de modernisation, et dans laquelle de véritables combats sont menés tous les jours pour les libertés individuelles, le simple port du Sefsari est affiché comme un signe de la libération féminine. Le port du Sefsari, cet autre carcan de la femme, est un compromis au port du niqab, signe d’une islamisation dont on ne veut pas. Lorsque les femmes fabriquent elles mêmes leurs carcans, c’est là où le combat s’impose. Un véritable combat contre ces mentalités archaïques qui veulent qu’en gagnant une bataille, on soit obligé d’en perdre une autre.

Au-delà de la pléiade de textes de lois, débattus en long et en large dans les vertigineuses salles d’une Assemblée nationale et des « victoires », très médiatisées, consacrées par la Constitution, un vrai débat doit s’ouvrir aujourd’hui. Un débat sur les mentalités.
Aujourd’hui, la Constitution consacre l’égalité entre homme et femme, ainsi qu’une parité dans les assemblées élues. Mais dans les faits, le chemin qui mène vers la délivrance de modes de fonctionnement archaïques, reste très long. Aujourd’hui, de nombreuses autres lois consacrent cette inégalité, de l’héritage, à certains droits parentaux. Aujourd’hui, au sein même de l’assemblée, on compte 66 femmes sur 217 constituants et la présence féminine reste très timide dans la vie politique, dans les hauts postes des grandes entreprises et même dans les postes clés de l’Etat.

Si la journée de la femme est une discrimination en elle-même, elle a aujourd’hui une raison d’être, aussi longtemps que des combats devront être menés. Tout comme la journée de l’homme n’a aucun sens, la véritable bataille serait de faire en sorte que la journée de la femme ne soit plus célébrée. Mais pour cela, il faudra faire la peau à des injustices qui ont la vie dure...

Par Synda Tajine
08/03/2014 | 13:15
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