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Chroniques
Les sept plaies de La Tunisie
10/10/2013 | 1
min
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Par Mourad El Hattab

La Tunisie vit aujourd’hui une décadence politique et socio-économique des plus marquantes de son histoire contemporaine. La situation générale du pays fait revenir aux âges anciens où l’être humain subit toutes les catastrophes sans presque aucun moyen pour réagir à une fatalité inéluctable.


Pour convaincre Pharaon de laisser partir le peuple d'Israël retenu en esclavage, Dieu a infligé à l'Égypte, selon l’épisode de la Bible (Exode, 7-12) sept châtiments majeurs: le Nil fut nauséabond et les Égyptiens ne purent boire des eaux depuis le fleuve, les grenouilles recouvrirent l’Égypte, toute la poussière du sol se transforma en moustiques, les mouches et les bêtes sauvages envahirent le pays, tous les troupeaux des Egyptiens moururent, personnes et animaux furent couverts d’ulcères bourgeonnant en pustules et Adonaï ou dieu en hébreux fit tomber la grêle qui se transforma en feu.

Toutefois, quelle ressemblance entre cette péripétie apocalyptique biblique et la situation actuelle de la Tunisie sous le règne de la troïka après un triste dimanche, 23 Octobre 2011 ? Le peuple tunisien supporte actuellement des calamités comparables aux sept plaies d’Égypte.

Le contexte politique
En Tunisie, l’expérience de la « transition » a vite tourné au drame politique et économique et a fait sombrer l’économie nationale dans l’abime. Deux ans après leur accession au pouvoir, une grande partie du peuple a émis son constat que les gouvernants actuels ne sont pas faits pour gouverner. L’ampleur de la crise économique, la chute des recettes touristiques, la dégradation de la note souveraine, les indicateurs financiers en berne alimentent la contestation et font régner une ambiance plus que morose chez les investisseurs locaux et étrangers. En Tunisie, on est plus doué pour la cacophonie et le dogmatisme que pour gérer l’économie, rassurer les investisseurs et faire baisser le chômage.

Pour l’histoire, beaucoup se rappellent des promesses électorales rocambolesques, irréalisables et ridicules telles que la création de 400 mille emplois en quatre ans promis par certains partis avant octobre 2011. Promesse « tenue », bien sûr, par les 4600 nominations partisanes et abusives aux positions clés de l’Etat dans un laps de temps ne dépassant pas une année avec l’incompétence comme critère principal et le recrutement d’une légion de fonctionnaires partisans bénéficiaires de l'amnistie générale.
La Tunisie se rapproche de toucher le fond en termes de souveraineté financière et économique au même rang que les républiques bananières, les paradis fiscaux et les états de non droit.

Le désastre social

La détérioration d’une classe moyenne menacée d’extermination en raison d’une imposition abusive qui érode son pouvoir d’achat, l’écrasement des jeunes, au-devant de la scène lors de « la révolution » et qui en sont devenus les principales victimes sont représentatifs d’un désastre social certain. 51% des adolescents et 45% des jeunes tenteront d'émigrer selon certains sondages : une indication claire de leur insatisfaction à l'égard des conditions présentes et des perspectives d'avenir que leur offrent les politiciens et le mouvement migratoire intérieur sans précédent puisqu’on a vu 159 mille citoyens se déplacer rien qu’entre Mai 2011 et Mai 2012 des zones de plus en plus défavorisées vers le Grand Tunis et autres régions du littoral illustrant ainsi la détérioration des conditions de vie d’une importante frange de la population tunisienne.

Le terrorisme galopant
Entre deux assassinats politiques, ceux des martyrs Belaïd et Brahmi en l’occurrence, il ne se passe plus un seul jour sans que nous ne découvrions une nouvelle attaque déjouée, une cache d’armes découverte ou une nouvelle menace terroriste sur la Tunisie. Bon nombre de Tunisiens en sont surpris, mais ceci n'est, en fin de compte, que la suite logique de ce qui se prépare chez nous depuis une longue période.
La recrudescence de la violence politique s’est alimentée de l’impunité dont ont souvent bénéficié les terroristes, les intégristes et tous les fouteurs de troubles appartenant aux mouvances les plus étrangères à notre culture, qui visent à mettre à mal les libertés fondamentales, en particulier les libertés d’association, d’expression et de rassemblement pacifique et le pluralisme politique et syndical.

Le rôle de l’Etat

L’enchaînement terrible des événements de contestations et de revendications sociales, la défaillance sécuritaire et le désordre qui a impacté les organes administratifs et décisionnels a largement réduit le prestige et l’efficacité des institutions. Celles-ci souffrent actuellement de dislocation, de manque de coordination et de synergie d’action ont rendu toute concrétisation de plans de réforme presqu’impossible compte tenu de ce phénomène de dérégulation institutionnelle dont l’éradication nécessite le déploiement d’efforts importants pendant les années à venir.

L’avenir flou
L’avenir qu’on veut pour la Tunisie est plus que flou. Seul espoir : que le Mont Chaâmbi redevienne réserve naturelle et la sagesse recouvre de nouveau les esprits des décideurs en donnant la priorité au développement régional, à la lutte contre la pauvreté et contre les inégalités sociales pour permettre de retrouver un climat d’affaires et de travail sain faisant de la Tunisie un site compétitif et attrayant pour les partenaires économiques historiques et autres.
Il est douloureux de faire le constat de nos jours alors que la Tunisie fonctionne sans code d’investissement viable donnant toute l’importance qui s’impose à un partenariat harmonieux entre les secteurs public et privé, consacrant l’esprit d’entreprise et d’initiative et œuvrant sur un socle d’ouverture et non sur la pénalisation de certaines catégories d’investisseurs clés au niveau de la dynamisation de l’appareil productif par la prise de mesures insensées pour surtaxer leurs transactions et les encourager à quitter le pays laissant derrière eux des dizaines de milliers de nouveaux chômeurs et bien évidemment des drames sociaux et de la précarité montante.
Je m’arrête à citer ces cinq catastrophes tout en essayant d’ouvrir une brèche pour être constructif et positif : le salut de notre pays dépend aujourd’hui, dans une large mesure, de donner les moyens à une nouvelle classe gouvernante convaincue des principes et des normes de la bonne gestion des finances publiques et des fondamentaux de l’économie, hautement professionnelle et technicienne pour gérer une crise multidimensionnelle évitant au pays la chute de ses équilibres aussi bien financiers que sociaux et institutionnels.
La réussite du travail de cette classe demande la compréhension et le diagnostic rapide de l’état des lieux tout en composant avec les acteurs qui ont pris l’initiative pour proposer des plans de sauvetage où pratiquement le seul mot d’ordre était l’exploitation optimale des facteurs de production et la recherche de ressources durables qui pourraient être injectées dans les meilleurs délais et au moindre coût dans une économie devenue fragile, risquée et proche de la faillite.

*Spécialiste en gestion des risques financiers
10/10/2013 | 1
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