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Chroniques
Le temps des coups bas
03/10/2011 | 1
min
Le temps des coups bas
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Par Nizar BAHLOUL


La campagne électorale a démarré officiellement samedi dernier. Ceux habitués par l’observation des campagnes similaires aux Etats-Unis, en Italie ou en France se frottent déjà les mains. On va enfin passer aux choses sérieuses, parler de politique politicienne et assister au combat des chefs.
Un combat où tous les coups sont permis pour que seuls les plus résistants demeurent. Ceux qui ont une véritable carapace pour diriger le pays.
Sous d’autres cieux, en pareille période, les médias s’apprêtent à offrir leur une à un cigare (à la Clinton), une partouze (à la Berlusconi) ou un croc de boucher (à la Villepin).

En démocratie naissante, on devrait s’attendre à un pareil scénario en Tunisie.
Le bal a été ouvert avec l’histoire des passeports de Kamel Morjane. Un véritable coup de maître de la part de celui qui a fait fuiter l’information. C’est qui déjà ?
Personne ne cherche à le savoir, l’essentiel est que le parti de l’ancien ministre des Affaires étrangères semble discrédité. Bravo pour ce coup bas, on en redemande pour les autres, question d’assurer le spectacle.

Mais non, il n’y a rien eu ! Toujours pas de révélations sensationnelles contre Ben Jâafar, Chebbi, Ghannouchi, Louzir ou Ibrahim. Ils se tiennent tous à carreau, ils se ménagent.
Faute de sensationnel d’actualité, on est revenu aux archives avec une vieille histoire de cassettes. Pas celle de Abdelfattah Mourou, celle-là est interdite aux moins de 18 ans. Non, on a sorti celle(s) de Kamel Eltaïef. C’est qui Kamel Eltaïef ? Que pèse concrètement ce lobbyiste dans l’échiquier politique pour qu’on s’intéresse tant à lui en ce moment ?
Mais c’est quoi donc ces politiques qui jouent aux anges se considérant comme adversaires plutôt que rivaux ?

On a besoin d’un véritable chef, qui cogne, qui frappe, qui montre ses griffes.
Au lieu de quoi, on a des gars qui pleurent devant la caméra et pleurnichent dans les journaux.
On dirait une cour de récré. La dernière en date, Emna Mnif qui est sortie à la une du Maghreb, samedi dernier, pour dire : « Nous allons déposer plainte contre Moncef Marzouki ». Waw ! Il va avoir peur Moncef Marzouki ! Ça ne vous rappelle rien ? « Maîtresse, maîtresse, il m’a frappé ! »
Et l’autre, Abdelfattah Mourou, qui devant un public de jeunes à la télé leur dit : « On va se voir devant Dieu le jour du jugement dernier ! »

Au lieu de se frapper les uns les autres, de se lancer des peaux de banane, d’épingler ce qui ne va pas dans les programmes des autres, nos hommes et femmes politiques et leurs sympathisants parlent de casse-croûte, d’argent politique et de l’autre qui ne s’est pas mis dans les rangs.
Et quand ils ne parlent pas de casse-croûte et de publicité politique, ils s’en prennent aux médias et aux journalistes. Je vous invite à lire les commentaires de certains lecteurs chaque fois qu’on fait un semblant de critique à un parti ou chef de parti. Mokhtar Yahiaoui est allé même jusqu’à déposer plainte contre l’hebdomadaire Al Oula de notre confrère Nébil Jridet, parce qu’il a « osé » révéler la lettre mielleuse que l’ancien juge a adressée à l’ancien président.
C’est pourtant là le rôle qu’on demande aux médias de l’après 14-Janvier : informer de ce qui ne va pas et parler des trains qui arrivent en retard.
Mais non, nos hommes politiques exigent de nous une neutralité et une objectivité qui n’existent nulle part au monde. Ils veulent que l’on soit des « procès-verbalistes » et des boites de résonnance à leurs programmes.
Non seulement, ils refusent de descendre sur le ring et de jouer frontal, mais en plus ils refusent ce rôle aux médias.

Au vu de tout cela, et quitte à se répéter, la campagne électorale ressemble à une cour de récré.
Où l’on voit un cortège de voitures klaxonner en portant le drapeau de leur parti.
Où l’on ne parle pas de procès, mais de plaintes. Où l’on ne parle pas de cigares, mais de cigarettes distribuées dans un meeting. Où l’on ne parle pas de crocs de boucher, mais de sandwichs.
Ils n’élèvent jamais la voix, ils pleurnichent et ils pleurent.
Nos politiques se ménagent les uns les autres, question de se garantir un strapontin « offert » par le vainqueur.
Nos politiques ne disent jamais les choses clairement quant aux alliances qu’ils comptent entreprendre ou refuser.
Ils se présentent en rangs dispersés, mais s’envoient des messages d’amour et de sympathie, en (soi-disant) bons adversaires.
Après avoir été privés de démocratie pendant des décennies, nous voilà maintenant privés de bataille politique réelle au sens propre du terme.
Sur notre dos, un modus vivendi a été arrangé pour se ménager afin de pouvoir, demain, cohabiter.
Non seulement notre premier rendez-vous est cacophonique, mais en plus il risque d’être insipide à cause de cet angélisme exagéré qu’on observe.
Face à ce qui nous attend, les prochaines années, c’est pourtant un renard qu’il nous faut et pas un mouton.
Et ce renard ne s’est toujours pas montré clairement, il est encore dans les coulisses en train de jouer avec des passeports et des cassettes.
03/10/2011 | 1
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