Le coup de com’ raté de Youssef Chahed
A la veille du dépôt des candidatures à la présidentielle, le chef du gouvernement et président de Tahya Tounes, Youssef Chahed, a accordé une interview à la chaîne nationale, à Hannibal TV et à radio Shems Fm. On y retrouve un discours qui se rapproche plus de celui de chef de parti et de candidat à la présidentielle que de chef du gouvernement.
Annoncée vers la fin de l’après-midi, l’interview du chef du gouvernement, Youssef Chahed a été suivie par une grande partie des Tunisiens, ainsi que par la majorité des observateurs de la scène politique nationale. En effet, tous s’attendaient à une grande annonce, comme une démission de son poste à la tête du gouvernement, ou encore sa candidature à la présidentielle.
Mais il n’en fût rien. Durant plus d’une heure et demie, Youssef Chahed n’a fait aucune annonce ! Cependant, il a profité de son passage à l’écran de la télévision nationale pour affirmer que sa relation avec le président défunt Béji Caïd Essebsi était au beau fixe durant les 5 derniers mois, soit après le 20 mars. Il a, également, tenu à parler de l’épisode de la maladie du président en évoquant la visite qu’il lui a rendu à l’hôpital militaire le 27 juin 2019, alors que quelques heures auparavant il était à la salle d’opérations au ministère de l’Intérieur à la suite des deux attentats terroristes qui ont eu lieu le jour même.
Youssef Chahed n’a pas, aussi, manqué de parler des préparatifs des funérailles organisées « par le gouvernement en collaboration avec la présidence de la République ». Un passage où il a vaguement survolé le rôle joué par le ministère de la Défense dans l’organisation de cet évènement mémorable pour tous les Tunisiens et qui a été applaudi à l’échelle internationale.
Comme attendu, le chef du gouvernement n’a pas raté l’occasion présentée par l’interview diffusée à une heure de grande audience, pour revenir sur les amendements du Code électoral refusés par le président de la République, Béji Caïd Essebsi. Et bien qu’il ait considéré que la non-signature constitue une véritable énigme, il a insinué que la famille du président est intervenue à ce sujet, puisque « des membres » lui ont signifié l’annulation d’une rencontre programmée au dernier moment et à la veille des délais impartis pour la promulgation des amendements. Affirmant que ce sujet est, désormais, clos, Youssef Chahed a tenu, quand-même à banaliser la chose esquivant la partie « exclusion » taillée sur mesure pour certains candidats. « Ces amendements imposent la présentation d’un bulletin n°3, la déclaration des biens et une attestation du paiement des impôts, ce n’est pas trop demandé pour un candidat à la présidentielle », assure le chef du gouvernement, ommettant l'essentiel des amendements.
Et au fil de l’interview, les téléspectateurs n’ont pas perdu espoir, d’avoir une véritable annonce, sauf qu’à leur surprise, le chef du gouvernement a passé en revue le bilan habituel de son gouvernement, les entraves qu’il a rencontrées, les réformes douloureuses, la guerre contre la corruption, la digitalisation de l’administration. Le discours coutumier et monotone auquel, les Tunisiens ont eu droit à chacun de ses passages médiatiques.
Le moment fatidique venu lorsqu’il a été interrogé sur ses intentions de se présenter à la présidentielle, Youssef Chahed n’a pas répondu en avançant qu’il est présent en sa qualité de chef du gouvernement et non de président de parti. Toutefois, il a tenu à assurer que sa décision est prise et qu’il l’annoncera le moment opportun.
Une fois l’interview terminée, les réactions ont été virulentes. Youssef Chahed aurait profité du service public, pour se blanchir, se débarrasser de l’étiquette de « traitre » qu’on lui a collée et pour torpiller le rôle du ministre de la Défense Abdelkrim Zbidi, l’étoile montante pour la présidentielle. Une vision non partagée par les sympathisants du chef du gouvernement, qui, eux, ont estimé que le passage était nécessaire pour dissiper les doutes et rappeler les difficultés rencontrées par le gouvernement, ses actions et la nécessité ainsi que l’importance des réformes qu’il a effectuées.
En tout état de cause, il semble que le chef du gouvernement n’a pas, vraiment, réussi son coup de communication cette fois-ci. S’il a été applaudi par certains lorsqu’il a eu le courage de pointer les dérapages de Hafedh Caïd Essebsi sur antenne à une époque bien déterminée, il n’en fût pas le cas cette fois-ci. C’est dire que la course vers Carthage est tellement rude, et la barre a été placée très haut surtout à la suite du décès du président de la République Béji Caïd Essebsi.
Sarra HLAOUI