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Chroniques
La pandémie a bon dos
Par Houcine Ben Achour
22/10/2020 | 22:32
4 min
La pandémie a bon dos

 

Mêmes les plus initiés - pour ne pas dire experts - des arcanes des finances publiques ne pouvaient imaginer une telle situation. Effrayant, effarant, tous les qualificatifs sont devenus dérisoires tant l’état des comptes publics est gravissime. A la lecture des projets de loi de finances rectificative 2020 et de finances pour l’exercice 2021, on n’est plus dans un contexte de difficultés financières passagères, mais dans une réelle perspective de banqueroute financière dont tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 2011 sont responsables. Le gouvernement de Hichem Mechichi a eu, au moins le mérite, de mettre à nu une gestion catastrophique caractérisée par une fuite en avant effrénée dans la dépense tout en sachant que les ressources ne pourraient jamais la combler. C’est d’ailleurs le seul mérite de ce gouvernement dans la mesure où, à travers le projet de loi de finances 2021, il semble emprunter la même démarche que ses prédécesseurs : dépenser sans se soucier de ce qui pourrait advenir plus tard.

 

Non, la pandémie du Covid-19 n’est pas l’unique facteur de détérioration de la situation économique du pays. Elle n’a fait que précipiter une échéance et révéler l'indicible. Certes, elle a provoqué un manque à gagner dans les ressources de l’Etat de 6 milliards de dinars et exigé des dépenses budgétaires supplémentaires d’environ 1 milliard de dinars par rapport à ce qui était normalement fixé en recettes et dépenses du budget pour cette année, selon les données fournies par le ministère de l’Economie, des Finances et du Soutien à l’investissement. On pouvait s’attendre à un déficit budgétaire cumulé de 10 milliards de dinars environ compte tenu du déficit de près de 4 milliards prévu dans la loi de finances initiale. Les 5 milliards de dinars restants vont servir à combler des arriérés et des rémunérations.

 

Pour les rémunérations, il s’agit d’une part de combler une erreur de calcul de 217 MD dans le budget initial et d’autre part de servir les dernières augmentations de salaires dans la fonction publique avec effet rétroactif à partir d’août 2020 dont le coût est de 300 MD. S’agissant des arriérés, le montant est proprement stupéfiant de 4 milliards de dinars dont les seuls bénéficiaires sont des fournisseurs publics : des arriérés de subvention à l’énergie (1 600 MD), arriérés de subvention aux produits de première nécessité (1 550 MD) et arriérés de subvention au tarif de transport (100 MD) et d’autres arriérés divers aux fournisseurs publics (560 MD). A cet égard, on n’a pas pensé aux fournisseurs privés. Seulement 150 MD sont alloués pour le paiement des factures des entreprises privées et seulement pour les sociétés de travaux publics.

 

Conséquence de tout cela, le recours à l’endettement est inévitable. Pour parer au plus pressé, comme par exemple servir les salaires ou honorer une échéance extérieure, l’Etat a été amené à emprunter sur des délais très courts, n’hésitant à émettre des bons du trésor à moins d’un an et même à 6 mois pour environ 2,5 milliards de dinars, une première historique. A cela, il faut ajouter l’émission de 9,2 milliards de dinars de BTA (Bons du Trésor Assimilables) alors qu’habituellement, cela ne concernait qu’un montant variant entre 2 et 3 milliards de dinars. Plus encore, dès lors qu’il convient d’ajouter les 2,6 milliards d’emprunts bancaires en devises. Jamais l’Etat n’a eu recours à une telle levée d’emprunt sur le marché intérieur. Et il lui reste encore à emprunter 7,3 milliards en devises pour boucler l’année.

 

Face à une telle configuration, on pouvait s’attendre logiquement à un retour au calme pour 2021. Il faudra déchanter. L’Etat aura besoin de pas moins de 19,5 milliards d’emprunt l’année prochaine dont plus de 16,5 milliards d’emprunt extérieur pour un total de dépense de plus de 41 milliards de dinars. Pourquoi faire ?  Et bien, recruter quelques 16 500 fonctionnaires sans compter la contractualisation de 300 conseillers d’éducation et 500 ouvriers supplémentaires, par exemple. Ou bien pour augmenter le budget du ministère des Affaires religieuses de 10% ou encore accroître le budget, déjà conséquent, de l’Isie alors qu’aucune élection n’est en vue. Ou encore de consacrer plus de 830 MD aux familles nécessiteuses dont 5 MD seulement seront alloués au financement de petits projets alors que 52 MD seront distribués à l’occasion des fêtes religieuses. Bref, on va dépenser à tout va.

 

Par Houcine Ben Achour
22/10/2020 | 22:32
4 min
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Commentaires
Nephentes
@Rationnel
a posté le 24-10-2020 à 18:22
Je vous trouve a la fois agressif et précipité

Le service de la dette réduit considérablement la capacité de la puissance publique en tant que levier de croissance

Le potentiel d'investissement et de soutien public a la croissance s'en trouve fortement réduit

De plus un taux d'endettement public supérieur a 80% a un impact direct sur le taux de croissance du PIB

Donc Si Houcine a parfaitement raison de souligner le caractère irresponsable voire criminel de l'accroissement de la dette publique en pareil contexte
Nephentes
Merci pour ce cadrage
a posté le 24-10-2020 à 17:28
Les articles de Si Houcine (qui sont de vrais article pas des chroniques a polémiques)

Instruisent et font réfléchir

Notamment sur l'irresponsabilité infantile de ce gouvernement qui se permet on ne sait trop comment d'hypothèquer l'avenir de nos enfants en leur léguant une dette publique insupportable

Sachant encore une fois qu'une partie des emprunts contractes est D'?TOURN'?E au profit de l'oligarchie mafieuse

Je vous fait pitié

A combien estimez vous le montant des subventions accordées au secteur touristique pour que les hôteliers véreux puissent alimenter leurs comptes a l'étranger
GZ
Tout le monde n'est pas à plaindre
a posté le 23-10-2020 à 20:34
L'existence d'un ministère des des affaires religieuses est en soi une extravagance . Que ce ministère compte quelque vingt mille fonctionnaires en est une autre , mais que de surcroît , ce ministère bénéficie d'une augmentation budgétaire de 10% , dans la situation où se trouve le pays , est tout bonnement irresponsable , consternant , affiligeant .
M. Ben Achour, les départements de l'enseignement , de la recherche et celui de la culture bénéficient-ils des mêmes largesses ?
Décidément on n'a pas fini de marcher sur la tête .
DHEJ
Le gouvernement...
a posté le 23-10-2020 à 15:57
L'amont, l'aval: quelle REGULATION POSSIBLE?


REGULATION un mot étrange à MECHICHI L'ENARQUE!
Rationnel
Les experts comptables font les pires economistes
a posté le 23-10-2020 à 13:09
Une analyse complètement erronée sur tous les points.
Le gouvernement n'est pas un ménage et n'est pas tenu a équilibrer son budget.
Pour éviter une dépression le gouvernement est tenu d'augmenter ses dépenses dans le cas d'une récession économique.
Tous les gouvernement du monde sont sur-endettes, c'est la nouvelle économie. L'endettent quand les taux d'intérêts sont bas ou négatifs ne constitue pas un problème.
Le problème en Tunisie est le taux d'intérêt maintenu artificiellement élevé pas la banque centrale pour servir les banques sous prétexte de lutte contre l'inflation. Le taux d'intérêt de 7% est au moins 7 fois plus élevé qu'en Europe (-0,5%), USA (0,25%), ou le Japon (-0,1%) et 6 fois plus élevé que celui du Maroc ou le Senegal (1,5%).
Le problème est le service de la dette et non la dette. Avec un taux d'intérêt de 10% (7 taux directeur + 3% marge pour les banque), un prêts de 100 milliards coûte a l'état 10 milliards de dinars par an, soit 20% du budget, avec un taux de 1%, le coût de la dette serait de 1 Milliard et le gouvernement peur emprunter 1000 milliards au même coût. Donc la BCT est le plus grand obstacle au développement du pays.
Ceux qui écrivent sur l'économie doivent suivre l'évolution de ce domaine, un livre qui explique bien les nouvelles orientations économiques est "The Deficit Myth", je peux envoyer une copie a Si Houcine s'il le désire, c'est en anglais