alexametrics
vendredi 26 avril 2024
Heure de Tunis : 07:55
A la Une
La justice tunisienne devient-elle aveugle et équitable?
22/04/2011 |
min
La justice tunisienne devient-elle aveugle et équitable?
{legende_image}
Après Hédi Djilani, ancien chef de la centrale patronale, qui a été rétabli dans ses droits la semaine dernière par un tribunal de Tunis, un tribunal de Sidi Bouzid vient de relaxer Fédia Hamdi, l’agent municipal qui avait eu une altercation le 17 décembre dernier avec Mohamed Bouazizi ; altercation qui a conduit ce dernier à s’immoler par le feu et a déclenché la révolution tunisienne qui a abouti, le 14 janvier 2011, à la destitution de la dictature.

Ces deux décisions judiciaires semblent n’avoir aucun lien. Pourtant, elles marquent les contours d’une nouvelle justice qui se profile, une justice qui se veut autonome, libre, rompant avec les pesanteurs d’un passé peu glorieux où les salles des tribunaux étaient, ou presque, des chambres de résonnance, et où les affaires sont traitées à plusieurs vitesses au gré des influences et des intérêts de ceux qui y sont impliqués.
Qu’une cour d’appel rétablisse Hédi Djilani dans ses droits dans un procès contre l’Etat et annule une décision de première instance ne peut que rassurer. Pas Hédi Djilani qui visiblement, n’aura pas une retraite calme, au vu des procès contre lui qui fusent de toutes parts, mais pour tous les autres Tunisiens anonymes qui peuvent se trouver confrontés, un jour ou l’autre, à l’administration ou à des groupes influents.

Quant au jugement rendu en faveur de Fédia Hamdi, il a fait abstraction de l’effervescence et des passions qui ont entouré l’affaire.
Rappelons que l’agent municipal avait été incarcérée le 30 décembre 2010 sur instruction téléphonique de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali. Ses collègues de Sidi Bouzid avaient bien essayé de rétablir une version des faits plus proche de la réalité, mais le contexte ne se prêtait guère à l’émergence de la vérité. Qu’importe si une mère de famille croupisse en prison sans jugement, la Tunisie avait son martyr et la révolution ne s’embarrassera point d’une injustice mineure, un dommage collatéral en somme, diront certains.

C’est dans ce contexte que le tribunal de première instance de Sidi Bouzid choisit de ne juger que l’affaire, de ne traiter que le dossier, de ne voir que les faits. Et les faits ne permettaient pas de retenir une quelconque charge contre Fédia Hamdi. Les faits ne toléraient pas non plus l’opération de marketing politique tentée par la famille Bouazizi, opération qui a été balayée sec par le tribunal.
Bien sûr que ce jugement rétablit une vérité et montre que la révolution tunisienne ne peut désormais tolérer l’injustice. Il est tout autant sûr que c’est un jugement qui ne peut, en aucun cas, être assimilé à un désaveu de feu Mohamed Bouazizi. Son acte reste toujours un acte héroïque et un geste de désespoir ultime qui a secoué la conscience collective des Tunisiens les poussant dans les rues pour réclamer la liberté, la justice et la dignité.
C’est en cela que Mohamed Bouazizi est le martyr de notre révolution. C’est en cela aussi que son statut symbolique de héros national reste intact et ne peut, en aucun cas, pâtir du jugement rendu en faveur de Fédia Hamdi.

Les révolutions, toutes les révolutions, ont besoin de symboles. La nôtre, celle du 14 janvier 2011, a choisi Mohamed Bouazizi pour en faire le symbole d’une jeunesse désespérée, en rupture avec l’Etat mais capable par des moyens atypiques, violents ou pas, de bousculer les équilibres qu’on croyait immuables. Les jugements rendus par le tribunal de première instance de Sidi Bouzid et du tribunal d’appel de Tunis ont, donc, le mérite de vouloir rendre justice.

Peu importent les parties en présence, ces verdicts n’ont semblé retenir que les faits consignés dans les dossiers et n’ont pris en compte, ni le contexte passionné d’un pays encore porté par le souffle révolutionnaire, ni la pression d’une certaine presse qui continue de traiter les questions les plus importantes posées après la révolution avec des reflexes anciens, populistes à souhait et voyeuristes sur les bords.
Pour s’en convaincre, il n’ya qu’à regarder la couverture de la première séance du procès de Imed Trabelsi. Mais là encore, les médias ne sont pas les seuls à montrer du doigt, les avocats n’ont pas démérité non plus.
22/04/2011 |
min
Suivez-nous