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Chroniques
Deux morts pour rien
Par Sofiene Ben Hamida
17/03/2024 | 15:59
3 min
Deux morts pour rien
Par Sofiene Ben Hamida

 
Deux détenus dans les prisons tunisiennes sont décédés durant les deux dernières semaines. Ces événements tragiques posent beaucoup de questions sur les conditions d’incarcération et la situation des prisons tunisiennes. Mais pas seulement.
 
Il y a deux jours, un médecin psychothérapeute en détention provisoire est mort suite à la dégradation de son état de santé. Il avait des difficultés respiratoires signalées par sa famille et ses avocats, à la direction de la prison qui n’a pas trouvé utile de prendre cette information en considération. Elle n’a pas jugé nécessaire de lui donner ses médicaments ni de lui procurer une paillasse au lieu de le laisser dormir à même le sol. Le pouvoir judiciaire n’a pas trouvé utile lui aussi de répondre favorablement à la demande de sa mise en liberté provisoire. 
Le résultat a été irrécupérable et tragique. Un homme est mort alors qu’il aurait pu rester en vie s’il avait été mis dans un environnement moins hostile et malveillant. Ses amis, ses collègues, sa famille, ne comprennent toujours pas pourquoi ils l’ont laissé mourir alors qu’il était si facile de le sauver. Ils ne comprennent pas pourquoi il y a eu cet acharnement contre lui pour le garder en détention provisoire alors qu’il ne présentait aucun danger ni pour lui-même, ni pour le cours de l’enquête judiciaire et encore moins pour l’ordre public.
 
 
Quelques jours avant, un autre détenu de trente-cinq ans, incarcéré depuis plusieurs mois dans une affaire de droit public, est décédé lui aussi suite à la dégradation de son état de santé. Il avait attrapé, dans la prison, une grave maladie contagieuse qui a été traitée sommairement par le médecin de la prison.
Visiblement, cela n’a pas été suffisant surtout que l’administration pénitentiaire ne répondait pas favorablement aux demandes répétées de son transfert à l’hôpital. Il en est mort. 
Mort parce que les médecins pénitenciers ne disposent d’aucuns moyens et pratiquent donc une médecine expéditive. Mort parce que l’administration pénitentiaire ne dispose pas de moyens et de personnel pour une bonne prise en charge des prisonniers. Mort parce que malheureusement dans notre pays, en prison comme en dehors de la prison, un prisonnier n’est pas considéré comme tout à fait l’égal de tout autre être humain. Il ne peut pas se prévaloir de ses droits humains, même les plus fondamentaux comme le droit de se soigner et de rester en vie.
 
 
Ces deux événements tragiques ne concernent pas des personnages publics ou des personnalités politiques. Ils sont liés à des citoyens jusque-là anonymes et posent les problèmes de la promiscuité dans les prisons et de l’explosion de la population carcérale. Mais derrière ce phénomène, il y a des magistrats à responsabiliser et une politique judiciaire qu’il devient urgent de réviser.
 
 
Les juges d’instruction sont les premiers à être montrés du doigt. Ils ont pris la fâcheuse habitude de signer très banalement, d’une manière presque mécanique et systématique les mandats de dépôt. 
Depuis de longues années, les Tunisiens qui se sont retrouvés dans le bureau d’un juge d’instruction, ont plus de chance d’être détournés en prison que de rentrer chez eux. Pourtant, il suffisait pour ces magistrats de considérer le mandat de dépôt comme une mesure exceptionnelle et d’appliquer vigoureusement les textes. Plusieurs milliers de détenus se retrouveraient en liberté et nous aurions des prisons moins congestionnées avec moins de problèmes.
 
 
Pour certains de ces magistrats, cette facilité à signer des mandats de dépôt s’explique par l’habitude. Pour d’autres, elle s’explique par la peur des représailles allant jusqu’aux mutations arbitraires ou même à la radiation.
Le pouvoir en place s’accommode à merveille avec cette chape de plomb qui s’abat sur la magistrature spoliée de son statut de pouvoir pour se limiter à une simple fonction judiciaire. Cela lui permet de consolider sa prise sur les sphères de la société, d’inhiber toute velléité et taire toute critique.
                  
Par Sofiene Ben Hamida
17/03/2024 | 15:59
3 min
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Commentaires
J.trad
Dieu aurait pu imposer le système de prison
a posté le 21-03-2024 à 18:34
L'incarcération même dans de bonnes conditions est inconcevable ,la césure dite cruelle ,contre le vol est plus efficace ,et moins cruelle ,surtout sous anesthésie ,l'incarcération ,est excessivement injuste et cruelle ,c'
st comme une mort à petit feu ,c'est même mort dans l'àme ,incarcérer un chef de famille c'est s'attenr,les membres de la famille sont des innocents ter à toute la famille ,
Ahmed
Le gouvernement assume sa responsabilité
a posté le 18-03-2024 à 13:21
Fin de carrière funeste pour tout ce beau monde
DHEJ
Et que dit la constitution de ROBOCOP?
a posté le 18-03-2024 à 11:43
Respecter la dignité humaine...


C'est triste, ils sont morts au nom du peuple... un peuple indigène au lieu de réparer l'appareil judiciaire, il a suivi les conseils du charlatan Y.B. Achour en changeant la constitution...


Que les défunts repose en paix et sincères condoléances à leurs familles!
Samir Bouhouch
Au nom de quel peuple ?
a posté le 18-03-2024 à 11:33
Depuis l'élection de Kais Saied à la présidence de la Tunisie, une atmosphère politique inquiétante s'est installée, suscitant des préoccupations croissantes quant à la montée du populisme dans le pays.
L'exploitation, adroite, du mécontentement généralisé envers ceux qui ont dirigé la Tunisie entre 2011 et 2021 par un personnage énigmatique, aux idées obscures et farfelues, ne s'est pas arrêtée aux pratiques mais a dérivé vers une remise en cause de l'existence même des élites, des hommes d'affaires, des institutions politiques, des corps intermédiaires et de la séparation des pouvoirs.
Ce discours polarisant lui a permis de consolider son pouvoir au point d'établir une véritable dictature. Au nom du "peuple souverain", il s'est octroyé le droit de monopoliser tous les pouvoirs et de prétendre détenir la volonté populaire absolue, écartant ainsi toute forme de contestation ou de remise en question de son autorité.
Malgré les échecs répétés de sa politique dans de nombreux domaines, allant de la politique à l'économie en passant par le social, il persiste à ignorer une réalité alarmante. L'inflation, le chômage, la corruption, la pauvreté sont des thématiques de prédilection dans ses discours, alors qu'il en est aussi responsable. Après cinq ans au pouvoir, il tente de faire croire que ses échecs sont imputables à d'autres. Il n'assume aucune responsabilité dans la situation actuelle. Il prétend être entouré de comploteurs dissimulés dans tous les secteurs. Qui sont-ils précisément ? Mystère et boule de gomme, mais il affirme les connaitre et qu'un jour il va les démasquer.
Ses opposants sont accusés de trahison et sont en prison sans procès. Ils n'ont droit qu'à 8 minutes de visite par semaine pour deux personnes dont ils sont séparés par un double vitrage et un couloir au milieu. Depuis des mois ils attendent d'être présentés au juge d'instruction. Au nom de la volonté populaire qu'il prétend incarner, un Twitt peut vous amener en prison pour des mois. Nous sommes revenus à l'ère des lettres de cachet.
En réalité, sa manipulation des faits est grotesque. Il présente les Tunisiens comme une masse uniforme qu'il appelle le peuple dont il se fait le porte-parole, prétendant ne rien décider mais traduire la volonté du peuple.
En plus de rédiger en 15 jours, seul dans son palais, une constitution, ce que personne ne lui a demandé, notre, ce qu'il faut bien qualifier de toutologue national, intervient dans tous les domaines de la vie publique, de l'urbanisme à l'économie en passant par la culture, tout en lançant des promesses extravagantes et des projets fantaisistes.
La dérive autoritaire de ce président repose sur sa propension à proférer des accusations infondées contre ses opposants, alimentant ainsi un climat de peur et de suspicion généralisées. Les limogeages de fonctionnaires et les changements fréquents de gouvernement témoignent de son instabilité politique. C'est lui qui nomme et limoge. Le premier ministre actuel, le quatrième en quatre ans est un simple exécutant, sorti de sa retraite incapable d'aligner une phrase compréhensible.
Si un diagnostic doit être posé, c'est celui de la mentalité du Tunisien qui croit à toutes ces absurdités. Qui adhère à ces projets fantaisistes, risibles sinon destructeurs.
Le personnage surfe sur les frustrations et il est suivi par beaucoup.
C'est ce qui interpelle le monde entier. Une sorte de folie collective qui surprend ceux qui pensaient que nous étions un peuple éduqué et tempéré.
Nous avons donné un chèque en blanc à un illuminé.
Son programme était la volonté du peuple, inscrite sur les murs, disait-il. Cela aurait dû nous mettre la puce à l'oreille. En creusant un peu, nous aurions découvert entre les lignes que ses projets fous, des entreprises communautaires, la construction par la base et de destruction des corps intermédiaires, c'étaient sous-entendus mais nous étions aveuglés par la colère et la déception.
En réalité, les Tunisiens ont élu un pseudo-révolutionnaire d'extrême-droite, conservateur, fruste, adepte de l'autorité, du pouvoir d'un seul homme, une sorte de führer tunisien. Il est un fervent lecteur de Carl Schmitt, c'est un panarabiste refoulé et surtout un crypto-islamiste. Convaincu de détenir la vérité absolue, il ne croit pas en la démocratie ni en les valeurs universelles. Il voue une haine féroce aux partis politiques, aux corps intermédiaires et à l'occident.
Tunisiennes, Tunisiens, vous qui avez rêvé d'une démocratie authentiquement tunisienne, Zitounienne diront les anciens, un sorte de mélange apaisé entre modernité et authenticité, nous payons maintenant le prix de 60 ans des années de dictatures mais le plus grave est que nous n'avons pas fini de payer le prix de la dictature actuelle. Notre tragédie est que les dirigeants populistes bénéficient toujours d'une certaine popularité pendant un certain temps, une lune de miel trompeuse. Et quand vient le réveil, il est parfois trop tard pour réaliser les conséquences toujours désastreuses du populisme et de l'autoritarisme. Le réveil risque d'être douloureux pour ceux qui ont cru en ce leader charismatique, mais il est encore temps de prendre conscience des dangers de ses politiques destructrices et de se tourner vers un avenir politique plus inclusif et progressiste.
wild bled
Pas étonnant, hélas.
a posté le 17-03-2024 à 19:56
Déjà quand on voit la qualité des soins dans les services hospitaliers d'urgence depuis des décennies ainsi que d'impolitesse du personnel. Bien entendu, il y a des exceptions. Rabbi yjarriha 3alassleh.
Personne
Qui jugera les juges
a posté le 17-03-2024 à 17:10
Habitude, peur, tremblement pour la khobza, indifférence, insensibilité aux souffrances d'autrui, qu'importe la motivation, le résultat est là, les juges sont les premiers responsables. Il n y a aucun métier sans risques (voir le film du mm titre). Il n y a pas non plus de métier où on a le beurre et l'argent du beurre. Viendra Un jour ou ils seront jugés par le pouvoir, par les victimes, ou même par leurs proches ou leur conscience qd il sera trop tard.
L'idiot du bled
@l'auteur de la chronique.
a posté le 17-03-2024 à 17:05
On ne dit pas:Ils ont plus de chances de se retrouver en prison mais plutôt plus de risques de se retrouver en prison.
A4
Le pourquoi de la chose:
a posté le 17-03-2024 à 16:59
Ecrasée par la "fonction" exécutive, la "fonction" judiciaire se venge comme elle peut en recourant à l'excès de zèle: prison pour tous jusqu'à la mort, jusqu'à le ras le bol et l'exaspération de la population !!!
Est-ce de la lâcheté ou de la légitime défense de la part des "fonctionnaires" de la justice ?
A vous de juger ...