Cela fait plus de deux mois que nous sommes allés aux urnes pour les législatives et nous n’avons toujours pas de gouvernement. Deux mois que nous sommes au point mort, en train de faire du surplace. Nous n’avons même pas droit à une navigation à vue. Deux mois de perdus pour la coalition gagnante qui n’a plus que 58 mois pour gouverner au lieu des soixante prévus par la constitution. Deux mois que nous payons des députés à ne rien faire. Deux mois de temps perdu, deux mois qui nous coûtent, à nous contribuables, la peau des fesses. Nous ne sommes pas encore au bout de nos peines, le pire est à venir.
Le chef du gouvernement désigné, Habib Jamli, a été chargé le 15 novembre dernier par le président de la République Kaïs Saïd, de composer son gouvernement. Trois semaines après, il patauge encore. Aux dernières nouvelles, il ne nous annoncera pas son équipe avant le début de la semaine prochaine. En théorie, constitutionnellement parlant, il a un mois pour composer son gouvernement. Un délai renouvelable une fois. En annonçant son gouvernement au début de la semaine prochaine, il aura déjà dépassé le premier délai. Peu importe, il a le temps. Qu’il continue à tuer le temps comme il peut, celui-ci le lui rendra bien en temps et en heure. Il oublie juste que ce n’est pas lui qui tue le temps, c’est le temps qui nous tue tous. Lui et Ennahdha.
Pour bien tuer le temps, Ennahdha et Habib Jamli nous occupent comme ils peuvent. En l’espace d’une semaine, M. Jamli est sorti deux fois au public pour une déclaration vidéo. Il en promet d’autres. Il n’a rien à faire de mieux ? Il tue le temps comme il peut en attendant que ses commanditaires (Ennahdha) lui fournissent la liste de ses ministres. Une liste qui devait être prête (au moins sur papier) bien avant les élections. Il est bon de rappeler, à ce niveau, que ce n’est pas Habib Jamli qui désigne les ministres, c’est bel et bien Ennahdha qui en a la charge.
A défaut d’avoir une occupation, le futur chef du gouvernement s’occupe comme il peut. Entre deux vidéos balancées sur les réseaux sociaux, où il nous fait savoir qu’il n’a rien à dire, Habib Jamli soigne son apparence. Exit ses chaussettes beiges en éponge, exit son costume kaki des années 90, exit son pince-cravate. Il a même pris soin de se raser la moustache.
La vérité est que nous sommes, depuis deux mois, en période de flottement. Parce que le vainqueur des élections ne sait toujours pas quelle direction prendre et quelle équipe amener avec lui, c’est tout le pays qui est au point mort. A commencer par le chef du gouvernement, entreprises, administrations, investisseurs, députés, partis, nous sommes tous en stand by… On attend, voilà !
C’est une oisiveté qui nous gagne tous, qui nous est imposée, que nous subissons et qui nous coûte très cher.
« L'oisiveté entretient le vice et déchaîne les passions les plus violentes et nuisibles à tout individu » disait le journaliste français Samuel Ferdinand-Lop (1891-1974) dans ses « nouvelles pensées et maximes » (1970).
« L'oisiveté est la source de tous les désordres et de tous les vices », disait le Roi de Pologne Stanislas Leczinski (1677-1766).
Nous y sommes. Le triste tableau observé tout au long de la semaine dernière à l’Assemblée des représentants du peuple est la meilleure illustration de ces deux citations.
Sans cette oisiveté, sans son inculture, sans son incivisme, sans son impolitesse, la députée islamiste Jamila Ksiksi aurait eu autre chose à faire de mieux que d’injurier sa camarade Abir Moussi et de la traiter, ainsi que ses électeurs, de bandits et de clochards. Avec ses injures, elle a agi comme une masseuse de hammam.
De même, s’il n’y avait pas cette oisiveté ambiante et si elle avait plus de civisme et plus de bagage culturel, Abir Moussi aurait traité le problème avec plus de hauteur. Avec son sit-in et en empêchant la plénière de se tenir normalement, elle a agi comme un bandit de grand chemin.
Pourquoi elles en sont là, où tout cela va nous mener ? Dire que la seule oisiveté est à l’origine des scènes affligeantes observées la semaine dernière à l’ARP est simpliste. Les choses sont plus profondes et plus nauséabondes, hélas.
Par son intervention, en plénière à l’ARP, Jamila Ksiksi a déplacé le débat du terrain politico-économique vers la place idéologique. On revient au premier carré, celui de 2011, des islamistes vs laïcs. Des révolutionnaires patriotes et victimes vs RCDistes despotes et tyranniques. C’est le terrain favori des islamistes, car ça les (re)met dans la peau de victimes, ça inspire l’empathie. Jamila Ksiksi a ajouté une nouvelle corde à son arc victimaire en se cachant derrière sa couleur de peau pour prétendre être victime de racisme. Pourtant, force est de reconnaitre que les Tunisiens de couleur ne sont pas traités d’Afro-tunisiens et ne subissent aucune discrimination dans les lois ou dans la constitution (contrairement aux juifs ou aux femmes par exemple). L’élection-même de Mme Ksikisi est la preuve de cette absence de racisme. Son époux, PDG d’une grande institution publique, en est une autre, puisqu’il est, lui aussi, noir de peau.
Cela arrange son parti Ennahdha qui n’est pas encore prêt pour composer le gouvernement et n’a pas spécialement envie de débattre longtemps de la Loi de finances. Avec tout ce retard, les débats autour de la loi de finances seront bâclés et votés dans l'urgence, qui lui permettra de faire passer tous les textes impopulaires qu'il désire.
Ce terrain idéologique sied à merveille à Abir Moussi qui, radicale elle aussi, n’a pas grand-chose à dire en matière économique. Elle a gagné grâce à son hostilité à Ennahdha et non grâce à un programme en bonne et due forme, elle poursuit donc sa politique au détriment des intérêts de l’Etat et des citoyens.
Ce terrain idéologique sied à merveille, également, aux populistes de tous bords, à commencer par Samia Abbou jusqu’à Rached Khiari qui n’ont pas manqué l’occasion de se faire remarquer en tant que semeurs de zizanie qui mettent de l’huile sur le feu.
Où tout cela va nous mener ? Si les agissements de l’une et de l’autre les ont aidées à glaner quelques points auprès de leurs « gradins », il n’en demeure pas moins qu’elles ont toutes les deux perdu beaucoup en termes d’image et de respect auprès de l’opinion publique nationale et internationale. Idem pour l’image du président de l’ARP, Rached Ghannouchi et de l’ensemble des députés et de la classe politique.
Ira-t-on vers cette menace réelle de guerre civile, comme on l’a vu en 2013 ? Pour le moment, on en est encore loin, mais rien n’est exclu.
Là où on risque vraiment d’aller, c’est vers un « basta » populaire. Le « peuple » en a ras le bol de ce cirque des députés qui se poursuit depuis 2011. C’est la troisième session parlementaire depuis 2011 et ça empire d’une session à une autre.
Avec le retard pris pour composer le gouvernement, avec l’image d’une ARP ressemblant à un patio de hammam qu’on voit à la télé, le peuple devra vomir dans pas longtemps ses députés et réclamer une dissolution.
C’est là où le président de la République (80% de popularité) va sortir sur scène et présenter son projet alternatif. Le chroniqueur Borhen Bssaïs a rapidement évoqué le sujet hier dans un post Facebook et il n’est pas du tout exclu que Kaïs Saïd dissolve le parlement pour des élections anticipées auxquelles son parti (non encore né) participe et rafle toute la mise.
Ses grands manitous préparent déjà le mouvement du 13-Octobre et il œuvre lui-même dans ce sens. Son refus d’octroyer des passeports diplomatiques aux 217 députés et aux chefs de partis représentés au parlement est une belle provocation pour pousser les élus à sortir de leurs gonds et à exiger ce qu’ils estiment être leur droit. Une provocation que le « peuple » apprécie, lui qui en a marre des passe-droits et des avantages octroyés aux politiques à leur détriment.
Le projet de Kaïs Saïd ? Rien de plus dangereux puisqu’il entend diviser encore davantage les Tunisiens en octroyant le pouvoir décisionnel à des instances régionales au détriment du pouvoir central. Habib Bourguiba, Zine El Abidine Ben Ali et tous ceux qui ont uni, par le passé, les Tunisiens autour d’un Etat fort et moderne sont en train de se retourner dans leurs tombes. En revanche, Mouammar Gueddafi est en train de jouir dans la sienne.
Commentaires (25)
CommenterMr Nizar
@Maxula
Cordialement
G&G
Le vrai bien sur
@ BN et NB
Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'un "plagiaire" (jusque là anonyme)s'attribue des commentaires de "Léon". . .s'il ne les envoie pas sous le pseudo de "J. Wayne" !
Votre rôle n'est-il pas entre-autres (*) de veiller à empêcher toute usurpation de "pseudonyme", et tout détournement de "commentaire", lequel est et demeure par essence, personnel ?
Si vous n'y mettez pas le holà, vous allez finir par dégoûter les "contributeurs" de continuer à commenter dans un premier temps. Puis, à déserter le site dans un deuxième temps !
Maxula.
(*) En plus de laisser la bride sur le cou à "Cruella", votre Anastasie maison ?
Vous êtes injuste avec Abir
2)Ce n'est pas elle qui a commencé.
3)Elle rend service à tout le monde pq d'ici là,les nahdaoui seront moins arrogants et auront peur des réactions qu'ils peuvent déclencher.
Ben Ali est parti avec le GPS et le peuple perd la boussole
Ce peuple naïf qui criait dégage un certain 14 maudit, a abandonné l'autoroute de Ben Ali pour emprunter une piste raccourcie à la recherche de son paradis perdu.
Il se perd et refuse de faire marche arrière.
Aujourd'hui il ne trouve pas mieux que de tuer le temps avec des histoires d'Ommi Sissi inventées de toutes pièces par des partis politiques qui poussent comme des champignons.
Il s'éloigne trop de l'autoroute et ses réserves sont épuisés. Sa fin est désormais imminente.
Bientôt, ses élus prendront la poudre d'escampette avec leur valises bourrées et escortés par leurs passeports diplomatiques.
Léon, Min Joundi Tounis Al Awfiya;
Résistant.
VERSET 112 de la SOURATE des ABEILLES
le ridicule n a jamais assez tué
arretez d'utiliser le mot islamiste SVP
bonne analyse mais .....
Tout cela a été démoli rapidement par les islamistes qui ont volé l'argent du peuple et vous le savez.
Abir Moussi, une femme tenace, patriote, bourguibienne, combat farouchement ces énergumènes fascistes car elle n'admet pas des personnes qui volent l'argent du peuple (Cas de Bouchlakla voleur du milliard don chinois).
Aujourd'hui, il n y a que cette femme qui pourra faire sortir la Tunisie de ce gouffre par son courage et ses compétences. Pour les reste de votre analyse, j'y partage.
Ben Ali est parti avec le GPS et le peuple perd la boussole
Ce peuple naïf qui criait dégage un certain 14 maudit, a abandonné l'autoroute de Ben Ali pour emprunter une piste raccourcie à la recherche de son paradis perdu.
Il se perd et refuse de faire marche arrière.
Aujourd'hui il ne trouve pas mieux que de tuer le temps avec des histoires d'Ommi Sissi inventées de toutes pièces par des partis politiques qui poussent comme des champignons.
Il s'éloigne trop de l'autoroute et ses réserves sont épuisés. Sa fin est désormais imminente.
Bientôt, ses élus prendront la poudre d'escampette avec leur valises bourrées et escortés par leurs passeports diplomatiques.
G&G
RCDiste et fier
@forza
Si KS se lance dans l'aventure parlementaire, ils voteront massivement pour son parti, surtout après l'horrible cafouillage de Qalb Tounes (lequel, à mon avis, chutera dans les scores ridicules, et ne fera pas plus des voix que Nidaa). KS et ses alliés s'approcheront dangereusement des 66%.
La question est : Comment, au 21è siècle, des hommes adultes et instruits (KS et ses amis) peuvent encore porter un projet qui a détruit TOUS LES PAYS du monde qui s'y sont hasardé ?