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Interview Hamouda Ben Slama : Je ne suis pas le candidat consensuel d'Ennahdha
31/10/2014 | 1
min
 Interview Hamouda Ben Slama : Je ne suis pas le candidat consensuel d'Ennahdha
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Hamouda Ben Slama, a reçu Business News, jeudi 30 octobre 2014, pour nous livrer sa vision dans le cadre des interviews hebdomadaires des candidats à la présidence de la République. L’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports sous l’ancien régime de Ben Ali, membre fondateur du MDS (Mouvement des Démocrates Socialistes) et de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH) se présente comme étant un candidat indépendant, tout en affirmant sa proximité avec le mouvement islamiste Ennahdha. Il nous a expliqué sa vision de la fonction présidentielle et ses projets pour la Tunisie. Interview.


1- On vous désigne souvent comme le candidat d’Ennahdha à la présidentielle, qu’en pensez-vous ?


D’abord je dirai que ce n’est pas vrai. Mais je dirai aussi que si on me désigne en tant que candidat d’Ennahdha, probablement qu’il y a du vrai là-dedans, mais en réalité ce n’est pas vrai. La raison est toute simple c’est qu’Ennahdha a fait savoir qu’il n’a pas un candidat propre à son parti et qu’il n’a pas encore fait son choix par rapport à un candidat qu’il soutiendrait. Donc je ne peux pas être le candidat d’Ennahdha. Maintenant peut être qu’on fait une sorte de raccourci qui tient compte du fait que j’ai des amitiés ou de bonnes relations avec les dirigeants d’Ennahdha. Cela remonte à la période où les islamistes, comme d’ailleurs les autres formations politiques : la gauche, les syndicalistes et même les destouriens, étaient emprisonnés pour des raisons d’opinion. Je les ai soutenus en tant que militant et en tant que secrétaire général de la Ligue des droits de l’Homme. En plus de cela, j’ai toujours lutté contre l’exclusion des islamistes du paysage politique. Sous Bourguiba et Ben Ali, ils étaient opprimés et j’ai milité contre cela, comme j’ai milité après la révolution contre l’exclusion des destouriens et des RCDistes. Je suis contre l’exclusion quels que soient les différends qui nous ont opposé en termes de choix. Voila ce qui a amené à cette confusion, mais c’est aussi en partie vrai dans la mesure où ce n’est pas tout à fait négatif que quelqu’un soit considéré comme étant proche d’un parti politique qu’il soit Ennahdha ou autre. Par ailleurs, à mon sens, la question des parrainages est une fausse piste dans la mesure où ces parrainages, comme dans tout système démocratique peuvent être accordés même à un adversaire. Si j’étais un dirigeant d’un parti politique, je verrais mal comment je n’aiderais pas un confrère pour qu’il puisse accomplir des formalités qui sont nécessaires. Si les députés d’Ennahdha ne m’avaient pas accordé leurs parrainages, je n’aurais pas exercé mon droit de me présenter à l’élection présidentielle. C’est un concours de circonstances si j’ai collecté tous mes parrainages d’Ennahdha parce que j’ai essayé d’en avoir ailleurs mais ils avaient déjà parrainé un autre candidat. De là à prendre le raccourci pour dire que je suis le candidat ou le sous marin d’Ennadha, ce n’est pas tout à fait conforme à la réalité.

2- Quelle lecture faites-vous des résultats des élections législatives ?

Il faut d’abord positiver parce que ces élections ont eu lieu, elles auraient pu ne pas se faire ou être reportées, tout était possible. Nous sommes dans un climat d’insécurité et d’inquiétude et tout pourrait arriver et puis les dépassements qui ont été enregistrés ne sont pas excessifs. Maintenant, penchons-nous sur les choses négatives : l’absence d’engouement des jeunes, leur abstention est inquiétante, cela doit interpeller les politiciens. C’est un phénomène qui doit nous amener à réfléchir, vu que nous sommes en grande partie responsables de l’absence d’intérêt des jeunes pour ces élections. Pareil pour les régions défavorisées et les quartiers populaires où il y a eu un important taux d’abstention. Par ailleurs, sur le plan politique c’est la bipolarisation qui pose problème. C’est normal que les électeurs aient choisi, mais cette bipolarisation a laminé les partis proches d’Ennahdha et ceux proches de Nidaa Tounes. Le jeu entre les deux grands partis et le slogan du vote utile ont fait du tort. On comprend par ces résultats que les électeurs ont eu peur dans les deux camps, chacun diabolise l’autre. Cette ambiance a fait qu’il y a eu des votes refuges, comme les valeurs refuges en bourse. Par conséquent, les autres partis, même historiques qui ont milité et existé même avant la révolution se sont retrouvés sur la touche. Quand on voit des grands noms comme Fadhel Moussa, Selma Baccar, Samir Taieb écartés, c’est embêtant qu’ils ne soient pas au Parlement, alors que d’autres, inconnus s’y retrouvent, ce n’est pas sain. Il faut ici immanquablement parler de l’argent politique, ce n’est pas par hasard que les choses se sont passées ainsi, ce n’est pas le militantisme tel que nous l’avons vécu dans les années 70 et 80, qui faisait que l’argent n’avait pas d’importance. Les hommes d’affaires et les détenteurs d’argent se contentaient de gérer leurs affaires, c’était réellement un débat sur les idées, des enjeux sur les programmes etc. Malheureusement nous sommes en train de constater qu’il y a des effets pervers, ce sont les dérives de la démocratie, qui sont peut être inévitables, passagers, conjoncturels. J’espère que ces grandes personnalités tiennent le coup et résistent. On a vu lors des élections de 2011 des hommes comme Slaheddine Jourchi ou Abdelfattah Mourou évincés, alors que d’autres, nous les connaissons tous, ont été élus et n’ont pas fait honneur. D’un autre coté, j’ai l’impression que juste après les résultats, il y a eu une sorte, non pas de déferlement de joie, mais d’arrogance des vainqueurs et cela s’est traduit également par une attitude régionaliste. Ma lecture politique de ce scrutin, c’est qu’il n y a pas de vainqueur et pas de perdant. En lisant la carte du nouveau Parlement, on constate que la majorité n’est pas une majorité confortable. Elle ne permet pas à mon avis de gouverner seule d’une manière confortable et la minorité n’est pas importante, elle est de blocage. Il est notamment à prévoir, un jeu des chaises, un tourisme politique, chemin faisant cela se passera comme au sein de l’Assemblée constituante. Tout ceci nous amène que ce qui nous dérange dans le régime parlementaire, c’est quand il y a deux forces qui peuvent se neutraliser, qui sont proches en nombre de sièges, et lorsqu’elles se neutralisent, les affaires du pays, les échéances, les projets de loi peuvent en pâtir. Comparons avec l’ANC, la Troïka avait désigné Ali Laârayedh à la présidence du gouvernement, avec 150 votes, et avec cela Ennahdha a eu toutes les difficultés du monde ces trois ans. Il a été bloqué à plusieurs fois, il a fallu le quartet, le Dialogue national pour résoudre l’impasse. Alors, il n’y a pas de raison pour que cette fois-ci soit cela se passe de la même manière. De ce fait, une lecture politique projetée sur six mois ou une année, ne dégage pas réellement une majorité confortable, dans une démocratie ceci est nécessaire. Pour l’étape à venir, je pense que cela va se jouer sur les alliances et sur le consensus, sur la maturité des hommes politiques des deux camps parce qu’on est passé par des problèmes après la révolution. Je crois que les gens deviennent maintenant plus réalistes. La période d’allégresse, qui a suivi le soulèvement, est passée par le tamis de la réalité, des difficultés, des défis économiques et sécuritaire etc. Chacun en ce moment se comporte comme devrait l’être un homme politique moderne, quels que soient le parti ou l’idéologie auxquels il appartient.

3- Quelles sont les grandes lignes de votre programme électoral ?

La présidentielle est une rencontre entre le candidat et le peuple, bien sûr à travers les médias et l’élite bien-pensante, il ne s’agit pas de dire je vais utiliser un discours populaire ou populiste pour gagner le maximum de voix. Un candidat à la présidence de la République peut et doit avoir de grandes tendances. Il doit tout d’abord avoir un programme précis sur ces attributions, telles que définies par la Constitution : au niveau de la Défense et au niveau de la politique étrangère. En plus, il doit absolument bien saisir la situation en matière des grands dossiers : économie, agriculture, santé, logement etc. même s’ils n’entrent pas dans ses prérogatives. Le président de la République doit avoir son avis et le dire, c’est le président du conseil des ministres. Donc il doit être en mesure d’apporter un plus et d’arbitrer. Pour ma part, j’ai les grandes tendances, au moment où je serai élu, partant de mes choix je pourrais affiner un véritable programme. Par exemple, dans ce qui se rapporte à la Défense, j’ai une vision et j’ai des experts derrière moi. Il faut moderniser l’Armée, opter pour qu’elle devienne une Armée de métier ou bien la populariser, inciter les jeunes à accomplir leur service militaire. Il faut que le nombre de l’Armée soit en adéquation avec les normes internationales, à savoir 1 soldat pour 100 mille habitants. Actuellement notre Armée s’élève à 30 et 35 mille, alors qu’elle devrait avoisiner les 100 mille. Pour lutter contre le terrorisme, il faut qu’il y ait une centrale de Renseignements : une coordination entre le renseignement militaire, celui des forces de sécurité et de la Douane. Pour la politique étrangère, cela nous permettra surtout en matière d’économie de travailler la diplomatie économique, de travailler le positionnement de la Tunisie, pour pouvoir exporter et attirer les investissements, et créer un climat des affaires. Le président se doit également de rehausser l’image de la Tunisie qui a certainement été ternie ces dernières années et travailler de concert dans cet environnement régional auquel nous appartenons. Consolider les relations avec nos alliés traditionnels, nos voisins, avec nos alliés potentiels, est primordial. Nous avons un potentiel à travailler avec les pays émergents à l’instar de la Chine, l’Inde ou le Brésil. Ce sont des grands chantiers, certainement du ressort du chef de l’Etat, mais aussi des ministres, des ambassadeurs et toutes les parties concernées. La chose la plus importante est que le président représente l’Etat, il est le symbole de l’Etat, veillant à ce que la Constitution soit appliquée et respectée. Il y a une idée qui me tient à cœur qu’on ne retrouve pas dans les programmes des autres candidats, puisque maintenant nous sommes dans un régime parlementaire, et que comme nous l’avons vu cette bipolarisation fait que nous risquons de voir le plus souvent des blocages, pour ne pas dire des crises. J’estime qu’il est du ressort du chef de l’Etat d’être au dessus des partis, mais non pas dégagé, sans éveiller la suspicion des uns et des autres. A ce moment là, le président est le plus indiqué pour pouvoir intervenir, organiser lui-même le Dialogue national, il doit donc être constamment disponible pour jouer au « pompier ». Le président a une autorité constitutionnelle, morale. Si je suis élu c’est pour apporter un plus, il y a une expérience, un background, une sorte de crédit que l’on met au service de cet instant démocratique. Pour finir, je veux être un président rassembleur, je ne veux pas être le chef d’un clan aux dépens d’un autre. C’est nécessaire qu’il y ait quelqu’un qui réconcilie, amenant à une réconciliation nationale. Un président qui essaye de relier l’ancien et le nouveau : il est impensable de dire que tout ce que nous avons vécu pendant 50 ans est corrompu de même pour ce que nous avons vécu après la révolution. On ne construit pas une démocratie naissante en faisant fi du passé et en restant uniquement passéiste. C’est le moment d’apaiser et raisonner le discours politique.

4- Quelles seront vos premières décisions en tant que président de la République ?

J’intensifierai la lutte contre le terrorisme, c’est la première préoccupation des Tunisiens : l’amélioration de la situation sécuritaire. Cette notion de sécurité elle est perçue certainement d’une manière individuelle pour le citoyen, dans son cadre global par le politique. Outre la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la délinquance et le crime organisé, contre la contrebande. C’est ma principale préoccupation, comment intensifier, coordonner, obtenir des résultats et surtout activer l’adoption de la loi antiterroriste. D’un autre coté, je travaillerai pour qu’il y ait au plus tôt des élections municipales, parce que la démocratie est avant tout une démocratie de proximité. C’est là où on peut jeter les bases d’un régime démocratique. La révolution est venue de la périphérie vers le centre, mais ce dernier se l’est accaparée sans revenir vers la périphérie. Pour faire face à beaucoup de fléaux, il faut qu’il y ait une vie démocratique locale et il faut faire cela au plus vite. Les élections municipales ont aussi permis à réhabiliter les partis qui ont été écartés du Parlement, de gagner ses galons de militants. Finalement, je mettrai en place l’ébauche d’un dessein d’avenir stratégique, notamment pour les jeunes et les compétences.

5- Comment sera financée votre campagne ?

Elle est financée par mes propres économies et j’essaye de compter sur la contribution de quelques amis hommes d’affaires, toujours dans la limite de ce qui est prévu par la loi. Et puis peut être que je serais obligé d’utiliser la subvention de l’Etat. Je pense que mon budget ne représentera pas le millième du budget des grands partis. C’est un choix, je suis un indépendant, je ne crois pas que l’argent doit conditionner la politique. Je suis peut être un rêveur ou un nostalgique. Si je deviens président de la République, puisque j’aurais la possibilité de présenter des projets de loi, sûrement que j’œuvrerai à moraliser le rapport du politique à l’argent.

6- En une phrase, pourquoi on voterait pour vous ?

Le slogan que j’ai choisi pour ma campagne électorale est « Votre confiance est précieuse », parce qu’il a surtout un problème de confiance qui se pose actuellement. La confiance des citoyens dans les hommes politiques. Ce qui m’intéresse c’est la confiance que je peux inspirer à l’électeur, à monsieur tout le monde. Cette confiance qu’on m’accordera sera précieuse pour que je puisse travailler. Un chef d’Etat doit compter sur cette confiance. J’estime personnellement qu’en étant sincère, je suis en mesure de communiquer cette sincérité à l’électeur. J’ai un plus que je vais essayer de faire valoir, mais il n’y a pas que cela, j’ai trainé ma bosse depuis une quarantaine d’années. Je suis rentrée de mes études en France depuis les années 70 et j’ai exercé mon métier de médecin. En même temps, j’ai entamé une vie de militant politique me permettant d’avoir une existence très riche, de connaitre toutes les crises par lesquelles est passée la Tunisie et d’être souvent témoin et acteur de toutes les tentatives de réformes pour mettre fin au totalitarisme, au parti unique et comment faire valoir l’intelligence à la place de la médiocrité. Je pense que tout ceci n’existe pas chez beaucoup de candidats et en tant qu’électeur je ferai confiance à celui qui a ce profile.

Ikhlas Latif

31/10/2014 | 1
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