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Chroniques
Une gestion de crise en mode minimaliste
Par Synda Tajine
28/01/2025 | 16:00
4 min
Une gestion de crise en mode minimaliste

 

Vendredi dernier, l’annonce du ministère de l’Intérieur sur l’attaque de la synagogue de l’avenue de la Liberté – attribuée à un « homme atteint de troubles mentaux » – est l’illustration parfaite d’une gestion de crise en mode minimaliste.

En quelques lignes, l’incident qui aurait pu secouer le pays, déjà marqué par une histoire d’attaques terroristes, est réduit à un cas isolé, une dérive individuelle. Loin de l’évocation d’un attentat terroriste, le pouvoir semble se contenter de cet épilogue tranquille, préférant écarter la possibilité d’une menace extérieure. Pourquoi risquer d’ébruiter un complot en matière de sécurité nationale alors qu’une telle accusation pourrait ternir la prétention d’avoir définitivement tourné la page des tragédies précédentes ?

un schéma récurrent

Hier, la direction générale de la sûreté nationale a annoncé qu'aucune autre information ne serait fournie, soutenant que « le communiqué du ministère de l’Intérieur avait déjà fourni les détails nécessaires ». Le flou entourant l’affaire n’est donc pas une surprise, mais une constante. La vérité se cache systématiquement dans cette brume d’incertitude où les discours évasifs et les non-dits sont la norme. Et dans cette brume se dessine un schéma récurrent : un pouvoir qui semble s’abreuver de scandales non résolus et d'événements laissés en suspens pour alimenter un climat d’inquiétude permanent.

 

Prenons un instant pour réfléchir à quelques affaires restées sans réponses. En 2020, il y a eu l’histoire de la baguette de pain empoisonnée. Un rapport avait fait état d’un complot visant à empoisonner le pain d’une boulangerie qui fournissait le palais présidentiel. L’affaire a été ouverte sur la base de témoignages, mais les autorités n’en ont jamais reparlé.

Puis, il y a eu l’affaire de l’enveloppe suspecte en janvier 2021, envoyée au palais présidentiel avec un poison mystérieux, semblant viser le président Kaïs Saïed. La cheffe de cabinet, qui avait ouvert la lettre, fut brièvement hospitalisée. Mais, là encore, le silence a été absolu, sans la moindre conclusion ou éclaircissement.

En novembre 2021, la découverte d’un « tunnel » sous la résidence de l’ambassadeur de France à La Marsa aurait révélé une menace imminente, mais il n’en a jamais été davantage question.

Enfin, l’affaire de l’évasion des détenus de la prison de Mornaguia en 2023, où cinq terroristes – dont le tristement célèbre « Somalien » - se sont échappés en déjouant tous les dispositifs de sécurité, a été rapidement qualifiée de « complot international » avant de sombrer dans l’oubli.

Le flou comme stratégie

On a évoqué des enquêtes pour faire toute la lumière sur ces événements, mais leurs cas ont été précipitamment rangés sous l’étiquette des incidents isolés, en l’absence de toute explication satisfaisante.

Au lieu de dissiper les doutes, le pouvoir préfère alimenter l’incertitude, laissant l’opinion publique se perdre dans un tourbillon de spéculations. Car ces « scandales » non résolus ont une utilité bien précise : maintenir une atmosphère de paranoïa où le pouvoir se pose en dernier rempart contre des ennemis invisibles.

 

L’inaction face à ces affaires est-elle un simple défaut de gestion ou est-ce délibéré ? La réponse à cette question n’est pas très difficile à trouver lorsqu’on regarde la gestion de l’État du dossier terroriste.

Semblant vouloir faire croire que ce vilain mot n’existe plus sous nos cieux et qu’il a été totalement éradiqué, le pouvoir a eu une idée très simple : éviter d’en parler. Tel a été le cas après les développements en Syrie et la chute du régime de Bachar el Assad. Alors que de très nombreux jihadistes tunisiens devraient rentrer au pays, en passant par la Turquie, le pouvoir ne dit pas un mot sur le sort qui leur est réservé. L’on se contente de dire, via un communiqué de la compagnie aérienne nationale Tunisair, que « désormais, tous les vols en provenance de la Turquie seront détournés sur le terminal 2 de l’aéroport Tunis Carthage ». Lisez entre les lignes...

L’État, seul maître de l’information

Les citoyens, écartés des informations essentielles les concernant, devront eux-mêmes se faire leur propre lecture de ce communiqué laconique et y déceler la précaution anti-terroriste. Idem pour le sort réservé à Ridha Yazidi, terroriste tunisien proche d’Oussama Ben Laden, que le département de la Défense américain a annoncé qu’il allait nous rapatrier.

Dans notre pays, la gestion des informations délicates semble être une affaire étatique, menée en secret, de laquelle il exclut les principaux intéressés : les citoyens. L’État, seul maître de l’information, informe à sa guise, réduisant les Tunisiens au rôle de spectateurs applaudissant ses exploits, souvent à leur insu.

Comme un capitaine qui voit son navire prendre l’eau et qui, au lieu de colmater la brèche, réunit l’équipage pour discuter des tempêtes à venir. Pendant ce temps, l’eau continue de monter et le navire finit par sombrer…

 

Par Synda Tajine
28/01/2025 | 16:00
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Commentaires
Juan
d'un despotisme, l'autre ...... NO WAY ....
a posté le 30-01-2025 à 19:27
non, ce n'est pas le peuple qui a poussé Ali Baba et ses 40 voleurs , dehors.
si au lieu d'aller en Arabie, il est resté dans son palais, il y serait resté à vie .

70 morts en 2011. les incients du pain, ont fait 500 morts. Rguiba n'est pas tombé.

le peuple n'est pas révolutionnaire, n'est pas inventif, toujours colonisé depuis 1881.
on l'a vu: le parlement, la constutution bafoués par un tank. il n'a pas bougé.

ce qu'on constate, l'après 25/7 n'est pas mieux qu'avant. qd aux libertés, c'est pire.
ce despote est là à vie.
ceux qui l'ont applaudi, finiront couverts de honte.
NO WAY !!
Confiance
@Madame Synda Tajine
a posté le 29-01-2025 à 10:05
J'adore vos articles car ils sont multi-dimensionnelles. Je vous cite: "maintenir une atmosphère de paranoïa où le pouvoir se pose en dernier rempart contre des ennemis invisibles."
*******
Confiance
a posté le à 10:27
Regardez autour de vous, ils sont bien visibles, allez creusez un peu
Il y a que ceux qui sont aveuglés par la politique qui ne voient rien, ou qu'ils font semblant de rien voir
BOUSS KHOUK
Mme tajine
a posté le 29-01-2025 à 07:37
Si vous vous sentez plus apte à mener l'enquête , qu'attendez vous pour le faire , en tant que GRANDE JOURNALISTE ça devrait être facile pour vous de me er cette enquête , OU ALORS BIEN ENTENDU , vous devriez aussi laisser certains professionnels faire leurs boulots , et en attendant veuillez vous occuper d'autres choses
********
Madame Synda
a posté le 28-01-2025 à 16:29
Il s'agit de la sécurité d'un état. Ils ne sont pas obligés d'étaler tout. Il y a une enquête en cours et c'est la méthode utilisée dans le monde entier. Donc Ne cherchez pas de problèmes là où ne faut pas SVP. Jusqu'à maintenant au niveau sécurité je pense que ces hommes assurent et assument pleinement leur job.
Avec tous les efforts qu'ils font ça serait vraiment injuste de douter de leur travail.

Merci