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Chroniques
Un piège déguisé en élection
Par Ikhlas Latif
13/09/2024 | 16:29
4 min
Un piège déguisé en élection

 

Exactement trois semaines nous séparent du jour fatidique du 6 octobre. Un piège déguisé en élection présidentielle. Pour arriver à cette journée de « grand passage » comme l’a qualifié symboliquement le président-candidat, il en a fallu des manœuvres et des épurations dans le but de paver la voie et de la sécuriser.

On ne reviendra pas sur la chape de plomb qui s’est abattue sur la scène politique, on ne reviendra pas sur les centaines d’arrestations de politiciens, d’activistes ou de journalistes, on ne reparlera pas de la mainmise sur la justice et les médias publics, du harcèlement de la société civile et la violation de l’État de droit… Clairement, toutes les conditions ont été réunies pour installer un climat de terreur et verrouiller le pays.

 

Dans le camp des soutiens présidentiels, plusieurs slogans circulent, « pas de retour en arrière », « un seul tour et non pas deux », etc. Toutefois, le slogan central, celui qui représente la philosophie (si on peut appeler ça de la sorte) des partisans et du régime est : « Parachevons la guerre de libération nationale ». Pour le pouvoir en place et ses adeptes, ces élections sont une question « existentielle ». Le 6 octobre viendrait confirmer et trancher cette « guerre » qui a commencé un certain 25 juillet 2021. Le président aspirant à un second mandat l’avait d’ailleurs répété à plusieurs reprises, il s’agit d’une question de vie ou de mort, de la poursuite du processus du 25 ou de sa disparition. Perdre la guerre n’est donc pas envisageable parce que le rêve de ce qu’on appelle « libération nationale » ne sera pas accompli et que, forcément, les méchants auront gagné.

Mettre tout en œuvre pour le grand passage, quitte à tout écraser sur son chemin, n’est donc pas une option, mais un impératif.

Les disciples de cette rhétorique de guerre de libération nationale sont convaincus que l’élimination définitive des méfaits de la décennie dite noire, est intrinsèquement liée à une victoire le 6 octobre. Le scrutin est donc considéré comme étant l’étape ultime pour fermer définitivement la parenthèse de la décennie et de passer à un nouveau stade du processus. La période des trois ans post-25 juillet n’était que la phase liminaire, celle préparant l’après 6 octobre. Un après qui sera marqué par le parachèvement de la guerre et l’instauration définitive du projet présidentiel. Le processus du 6-Octobre viendra donc finaliser et remplacer celui du 25-Juillet.

Le mot est ainsi donné entre les partisans, tous les aspects de la vie publique passeront par le fil de la reddition des comptes. Le nouveau système supplantera une bonne fois pour toutes l’ancien.

 

C’est dans ce sens que le discours adopté par les adeptes du processus, en cette période électorale, est empreint d’une violence décomplexée envers les opposants au projet présidentiel. On ne peut plus parler, à ce niveau, d’hostilité électorale classique basée sur le désaveu et la critique de l’adversaire. Il n’en est rien. C’est l’Autre qu’on veut annihiler.

Un discours d’exclusion extrême dont le fondement est d’éliminer complètement les « brebis galeuses » de la scène politique, de les écraser, de les faire taire et de les mettre hors d’état d’agir définitivement. Un discours qui divise les Tunisiens en des « patriotes » et « honnêtes » qui se battent contre des « traitres » et « véreux ». Totalitaires, les partisans présidentiels invoquent la force du pouvoir, aidé par un peuple éclairé et au fait des complots, comme moyen de supprimer ceux qui n’ont pas plié genou. On voit se propager sur les réseaux sociaux la parole haineuse, les accusations les plus viles et les menaces fielleuses. Le lexique guerrier est employé à tout bout de champ pour susciter la vindicte populaire contre ces ennemis intérieurs qui ne sont que les agents des innombrables ennemis extérieurs. Et le sac des ennemis intérieurs peut contenir selon la circonstance, des fonctionnaires, des politiciens, des avocats, des hommes d’affaires, des journalistes, des juges, des activistes de la société civile, des artistes, etc. En somme, toute personne qui n’aura pas proclamé son allégeance.

 

On est confronté à un écosystème qui fait de l’intimidation, des accusations de traitrise et de la diffamation un outil électoral (qui est avant tout une politique du pouvoir d’une manière globale). Tout cela bien évidemment pour cacher l’absence de réalisations et de programmes viables.

Le piège de cette élection est multiforme. Parmi les aspects dangereux, est le fait que le pouvoir et ses partisans, dans leur quête d’un deuxième mandat, alimentent la division au sein de la société. Les gens s’entredéchirent sur les réseaux sociaux, mais le risque consiste en ce que toute cette violence éclate jusqu'au point de non-retour.

 

Par Ikhlas Latif
13/09/2024 | 16:29
4 min
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Commentaires
Adepte
Pour que tout change
a posté le 15-09-2024 à 14:38
Rien ne changera tant que les oligarchies, le parasitaire systeme bureaucratique et
l affairisme vereux qui sont responsables des malheurs du pays depuis
l independance, ne sont demanteles une fois pour toute! La democratie pervertie et faussee que ces oligarchies, leur systemes et leurs organisations veulent reimposer leur but est de faire tout pour que rien ne puisse etre change, au nom de leur version de la democratie, de leur version des libertes individuelles, aides en cela par les puissances etrangeres qui enragent de voir la Tunisie dirigee par le souverainiste Kaeies, plutot que par leur autoproclamees "elites" corrompues et infeodees a leur interets economiques, ideologiques et politiques.
Gg
Elections invalidées?
a posté le 15-09-2024 à 10:34
Lu dans les commentaires d'un autre article que je ne retrouve pas, je cite de mémoire : si cette élection se fait comme on peut le craindre, le TA aura toujours la possibilité de ne pas la valider.
Avec obligation de la rejouer.
Est-ce exact?
Ce serait un désaveu cinglant et le retour en force du Droit.
Zarzoumia
Dictature décomplexée
a posté le 14-09-2024 à 19:18
Le lexique des suppôts du calife et du calife lui-même n'a rien à envier à "nas7alohom fi chawara3". Et ils nous font croire qu'ils nous ont débarrassés des islamistes. Force est de constater qu'ils sont bien pires.
L'exilé
'?'
a posté le 14-09-2024 à 12:51
***
'?a ne peut que mal se terminer dans tous les cas de figure. Droit dans le mur. Un abus et un aveuglement incroyable. On n'a retenu aucune leçon de l'histoire du pouvoir en Tunisie. Aujourd'hui, même dans les démocraties occidentales, un deuxième mandat se passe généralement mal(exemple: France de Macron, USA sous G.W. Bush, Bill Cliinton, Obama). Fih el barka. Laissez ce peuple niais respirer. On étouffe.
Nephentes
La violence est désormais inevitable
a posté le 14-09-2024 à 09:26
C est tout le régime Kaes Saed qui est un piège mortel pour la Tunisie
Il ne faut pas se voiler la face : malgré le caractère profondément pacifiste du peuple tunisien ce régime a créé. de manière artificielle des blocages et des divisions telles que la paix civile est menacée
Les désordres a venir sont inévitables tout d abord du fait de la dégradation inédite de la situation socio-économique : des centaines de milliers de Tunisiens ne mangent plus a leur faim le taux de création d emploi est en diminution constante depuis 6 ans
La seconde source de désordre viendra de la clochardisation de notre jeunesse sacrifiée de manière lâche et criminelle aux lubies populistes de ce régime

Ce régime inclut dans sa "stratégie" une campagne de répression féroce avec des centaines de morts (tirs a balles réelles contre les manifestants) ,; il s y prépare activement

La violence est moteur de l Histoire ; mais l effusion de sang entraine des conséquences des traumatismes irréversibles et czch
LMT
Lequel?
a posté le 13-09-2024 à 20:23
De quel nouveau système parle-t-on? Est ce que la nullité, l'incompétence et la bêtise constitue un 'nouveau' système. Tout ce qui est nouveau est considéré 'en principe' comme étant meilleur que ce qui précède . Où se trouve la nouveauté dans ce qui abject et dans ce si tend à brimer tout un peuple, a le faire crever de faim (le tunisien manque de tout) et qui évoque à le jeter en prison? C'est une dictature qui essaye de cacher ses nombreuses faiblesses et multiples carences en inventant des complots et des machinations à tout bout de champ tout ce qui évoque la paranoïa des décideurs.
Fares
If you are not angry, then you are not paying attention
a posté le 13-09-2024 à 20:08
Mon slogan fétiche de cette manifestation populaire du 13 septembre, un vendredi 13. Je crois que cette manifestation a su mobiliser beaucoup plus de monde que celle organisée principalement par le SNJT au mois de mai dernier.

Les participants étaient plus hétéroclites qu'au mois de mai. On voyait principalement des jeunes au mois de mai, alors que toutes les tranches d'âges étaient représentées aujourd'hui, enfants inclus (j'en ai vu trois courir parmi les manifestants!).

Chacun des manifestants semblait chanter pour sa Layla, 15 minutes du début de la manifestation. Ceci n'est nullement un signe d'une mauvaise organisation, au contraire ceci reflète la spontanéité des manifestants ergo leur sincérité. Nous sommes loin de la manifestation pour la souveraineté organisée par le régime il y a quelques mois et encore moins de la manifestation touzzina malsou9a organisée le 25 juillet au pied du théâtre municipal.

Les slogans vulgaires et surtout le mot en T étaient prohibés apparemment delans cette manifestation, tout à l'honneur des organisateurs.

L'image du tunisien tenant son sachet d'épicerie au début de la manif, m'a particulièrement frappé. Ce monsieur, dans la soixantaine, levait un V de victoire. C'est lui le peuple et non pas le concept abstrait qui loge dans la tête du type.

Imaginons, for the sake of the argument, comme dirait l'autre que chacun des participants à cette manifestation vote contre chesmou (s'il y avait des candidats sérieux, soit dit en passant), ne pensez vous pas que ceci aurait été suffisant pour faire tomber le putschiste du 25?

Contrairement à la manifestation du mois de mai, les manifestants d'aujourd'hui étaient prêts à franchir les barrages, heureusement que la manifestation s'est terminée pacifiquement. Cependant, il est bien clair que la colère populaire est montée d'un cran ou plus depuis le mois de mai.

Enfin et une fois pas coutume, il faut saluer la police (oui vous avez bien lu) qui a su faire respecter l'itinéraire de la manifestation sans user de violence. C'était peut-être une stratégie car tout dérapage risque de signer l'arrêt de mort de ce régime. Mais, même un choix raisonné et stratégique mérite d'être salué vu le délire de l'autre.

If you are not angry, then you are not paying attention.

Inna lichari3 wa Inna ilayhi raji3oun.


A4
Election ? pourquoi faire ?
a posté le 13-09-2024 à 17:24
Parlons d'autre chose !

LE CLOWN
Ecrit par A4 - Tunis, le 11 Septembre 2024

Il a beau se barbouiller le visage
Se maquiller pour nous cacher sa rage
Rien ne va plus, rien ne peut plus passer
Ne peut disparaître ou s'effacer:
Le clown grincheux est hargneux et triste
En se retrouvant seul sur la piste

Il tourne en rond ne sachant plus quoi faire
Sortir des idioties ou bien se taire
Il sautille ça et là et gesticule
De plus en plus affreux et ridicule
Entouré de ses sept chiens aboyeurs
Qui ont dégoûté tous les spectateurs

Sept cabots furieux qui hurlent et gigotent
Et que notre clown a mis à sa botte
Pour mordre et déchiqueter tout passant
Qui trouve que le spectacle est lassant
Ou qui déclare pour éviter le pire
Que le clown de service doit déguerpir

Et voilà qu'entre deux clowneries fades
Sonne l'heure du débâcle et la débandade
Le clown entourés de ses sept clébards
Voulant nous montrer son adresse et art
Et son talent à élargir sa gamme
S'est mis à jouer au cracheur de flamme

Soudain, l'un de ses cabots a pris peur
En voyant le feu et sentant sa chaleur
Il s'est mis à courir dans tous les sens
Renversant le clown et son fût d'essence
Propageant le feu à tous les niveaux
Et causant la chute du grand chapiteau

S'il y a une morale dans cette histoire
Ou une chose à garder en mémoire
C'est qu'il y a plus fort que tous les complots
Quand tous vos desseins et plans tombent à l'eau
C'est plus par bêtise et incompétence
Qu' à cause des magouilles ou des manigances