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Chroniques
Pour en finir avec le projet de réconciliation de Kaïs Saïed
Par Marouen Achouri
15/12/2021 | 15:59
5 min
Pour en finir avec le projet de réconciliation de Kaïs Saïed

 

Kaïs Saïed a passé les dix dernières années, dont deux au pouvoir et quatre mois avec les pleins pouvoirs, à tenter de vendre une idée de réconciliation pénale. Il n’a manifestement pas réussi. Ceci devrait nous interroger sur ses capacités à formuler, expliquer et faire adopter une idée, n’importe laquelle. Mais ce n’est pas le sujet.

 

Cette idée, en termes simples, consiste à ce que le corrompu le plus véreux prenne en charge la délégation la plus pauvre du pays. Un ordre décroissant sera établi de sorte que le corrompu le moins véreux s’occupe de la délégation la plus riche. Le corrompu en question va investir dans la région et exécuter les projets qui lui seront soumis par la population locale dans la limite des fonds qu’il devrait, normalement, restituer à l’Etat. Voilà pour le principe.

Ce projet est une chimère. Il n’existe pas d’expériences comparables dans le monde, mais cela est balayé d’un revers de la main par le président qui considère que l’esprit humain ne cesse d’innover, même en dehors des textes établis. On en a d’ailleurs vu le résultat. Mais plus concrètement, ce projet contrevient à des principes fondamentaux. Est-ce que la réconciliation pénale va se substituer au cheminement judiciaire ? Ce corrompu qui a volé des sommes astronomiques à l’Etat se trouvera-t-il lavé de tout tort dès lors qu’il aura financé la construction d’un dispensaire à l’autre bout du pays ? En plus, nous n’aurions aucun droit de regard sur les ramifications de l’opération de corruption perpétrée par la personne en question. Mais d’abord, il faudrait répondre à une autre question à propos de laquelle le président ne donne aucune précision : qui est éligible à cette forme de réconciliation pénale ? Ou est-ce une porte ouverte à tous les corrompus pour se refaire une virginité et dire, plus tard, qu’ils ont même participé à la construction du pays ?

 

En tout cas, la liste des candidats est connue. Il s’agit de la liste d’hommes d’affaires et de présumés corrompus contenue dans le rapport de feu Abdelfattah Amor. Cette liste serait également extensible à l’après-révolution, selon des critères, eux aussi, inconnus. Mais il faut savoir que ledit rapport n’est aucunement une condamnation judiciaire ou pénale. Il s’agit d’un rapport qui documente certaines choses mais qui a vocation à être suivi d’actions en justice. Mais le président de la République a décidément beaucoup de mal avec cette notion, comme on l’a vu avec le rapport de la cour des comptes sur les élections de 2019. Mais admettons qu’il s’agit réellement de corrompus. Depuis 2011, des personnes figurant sur cette liste ont régularisé leurs situations, d’autres ont fait de la prison et d’autres encore sont carrément décédés. Que faut-il faire quand par exemple l’un des corrompus est décédé en laissant un héritage partagé par ses enfants ? Faut-il les punir eux en saisissant quand même cet argent ? Laisser couler en prenant le risque d’attirer des centaines de recours de la part des autres corrompus de la liste ?

Pour répondre à cela il faudrait d’abord savoir de combien on parle. Encore une question sur laquelle le président de la République maintient le flou. Non pas qu’il essaye de cacher l’information, mais il ne sait pas la lire. Les millions et les milliards, après tout, c’est du pareil au même. Prenons par exemple la modique somme de 1000 dinars, un million de millimes. Cette somme, volée à l’Etat en 2011, n’a pas du tout la même valeur que 1000 dinars en 2022. Faudrait-il, à ce moment-là, procéder à une correction de la somme ? Sur quelle base ? Est-ce que les montants que le président de la République espère attirer avec ce projet répondront aux aspirations qu’il y attache ? A l’écouter, il s’agirait d’un véritable plan Marshall pour le pays, comme si c’était un vecteur de développement à l’instar d’une politique agricole ou de la loi 72 de Hédi Nouira. Il faudrait que, dès maintenant, Kaïs Saïed tempère drastiquement ses ardeurs à propos de ce projet.

 

Mais même en admettant que les rêves les plus fous se réalisent à propos de ce projet. Comment déterminer quels sont les projets qui doivent être réalisés ? Prenons un exemple concret. Les trois délégations les plus pauvres en Tunisie, d’après un rapport sur le sujet, élaboré par l’INS en collaboration avec la Banque mondiale et publié en septembre 2020, sont Hassi Frid, Jedeliane et Al Ayoun. Les trois délégations se trouvent dans le gouvernorat de Kasserine. Si les habitants des trois délégations souhaitent avoir un hôpital par exemple, que ferait l’Etat ? Surtout que contrairement à ce que l’on pourrait croire, le plus difficile dans un hôpital ce ne sont ni les murs, ni les équipements mais avoir du personnel pour y travailler. Si le plus véreux des corrompus finance un hôpital à Hassi Frid, ce sera ensuite à l’Etat de reprendre le relais, de fournir du personnel et de le payer ? Que ferions-nous alors de la carte sanitaire nationale ? De la nécessité d’une cohérence dans les politiques de l’Etat au niveau national ? L’autre question que l’on pourrait poser est celle du rapport avec la pauvreté. Ce sont les délégations les plus pauvres qui sont censées recevoir les financements les plus massifs. Mais la pauvreté se combat avec l’emploi et l’activation de toute une roue économique au niveau local, ensuite régional. Les corrompus véreux auront-ils le droit de créer de la richesse à travers des projets à valeur ajoutée ? Auront-ils le droit de gagner de l’argent ? Logiquement, non. A ce moment-là, ce sera à l’Etat de gérer, et on connait tous les facultés extraordinaires de l’Etat tunisien à gérer des entreprises. Celui qui perd de l’argent même en situation de monopole ne devrait pas se frotter à un tel exercice.

 

On pourrait multiplier les questionnements de ce type à longueur de pages pour arriver à la même conclusion : le projet de réconciliation pénale ne tient pas la route, sera inapplicable et légalement très contestable. Ce projet est en fait à l’image de toute la politique de Kaïs Saïed. Sa principale caractéristique est d’être totalement déconnecté des réalités et d’émaner d’une sorte d’idéalisme béat. Outre ce projet irréalisable, Kaïs Saïed n’a pas jugé utile, du moins au cours de ses deux ans de présidence, de formuler la moindre initiative concernant la situation économique, c’est dire son incompétence à ce sujet. Le caractère têtu des chiffres et la persistance de la réalité qu’ils décrivent ne laissent pas de marge suffisante aux envolées lyriques du président. Par contre, c’est une réalité qui s’impose, violemment, à tout le peuple tunisien. Pour finir, une pensée à tous les tenants du mouvement « Manich Msemah » et tous ceux qui s’étaient opposés, avec des manifestations et des campagnes digitales, à la loi sur la réconciliation. Aujourd’hui, une décision bien plus grave passera par un simple décret.

Par Marouen Achouri
15/12/2021 | 15:59
5 min
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Commentaires
DHEJ
Un projet ...
a posté le 25-01-2022 à 10:50
Le transformer en texte juridique et l'intégrer à l'arsenal juridique tunisien chose n'est pas donnée à Nadia AKACHA alors ROBOCOP l'a blâme et l'invite à quitter la présidence!
momo T
il est d'une médiocrité affligeante.
a posté le 16-12-2021 à 23:37
Je partage votre analyse, ce président est une grande catastrophe pour un petit pays et portant il avait une chance inespérée le 25 juillet, qui n'est pas de son fait d'ailleurs, afin de sauver le pays du chao qui le guettait, au contraire il a alourdit le fardeau en détruisant la seule chance qui conte, l'espoir d'une majorité qui aspirait à chasser les islamistes et les corrompus. Je ne parle pas de sa communication et de sa pédagogie qui sont nulles alors qu'il est professeur, paradoxe étonnant au demeurant, mais de ses actions concrètes après 2 ans d'exercice ,c'est le désert total ,je ne sais pas s'il était bon prof ,mais il est d'une médiocrité affligeante en tant que politique.
nazou de la chameliere
Faut pas chercher à comprendre le facho
a posté le 15-12-2021 à 21:25
Pour moi il est la débilité incarnée.
Et il a été choisi pour son ignorance totale ,du fonctionnement des institutions nationales et internationales étatiques .
Il vend du vent à ses semblables.
'?a aussi, il a été choisi pour sa capacité à faire illusion !!

Heureusement que des personnes responsables capables et initiés, ont pris le relais !!!

Il est désespérant.
Le corps du pauvre nahdhaouy était encore fumant, que le facho tire sur nahdha.
Un véritable homme d'état ne tire pas sur l'ambulance.
Et en public .

Il n'hésite pas à humilier ses anciens soutiens, en les accusant d'êtres intéressés !!
Un véritable homme d'état ne doit surtout pas humilier, ses adversaires ou ses anciens soutiens.
Quelque soit les reproches qu'il aurait envers eux !!
Surtout qu'il l'a fait en public !!
Il est désespérant, tellement désespérant, qu'il faut le laisser brasser son vent !!!
Fares
Les algorithmes de Monsieur le Président
a posté le 15-12-2021 à 19:07
Je me sens un peu mal pour tous ces chercheurs en mathématiques appliquées et en recherche opérationnelle qui travaillent d'arrache-pied depuis les années quarante à résoudre des problèmes d'allocation de ressources d'une manière optimale. Je me sens mal pour eux parce que le Président d'un petit pays, juriste de formation, vient de leur clouer le bec en suggérant un algorithme historique d'allocation de ressources. Il s'agit de trier les ressources par ordre décroissant, faire pareil pour les besoins et enfin établir une correspondance un à un ou une bijection si vous voulez entre les ressources et les besoins, brillantissime non?

On aurait pu appeler cette méthode le Simplex vu sa simplicité déconcertante, mais malheureusement ce nom est déjà pris depuis les années 50 pour désigner un algorithme d'optimisation très mathématique et compliqué beuuuurk! Par contre, d'autres noms me viennent à l'esprit, comme Délirex, Fantasmilex ou encore Foutagedeguelex.
@Faresex
En langagex
a posté le à 12:16
Vous pensez être l'unique ingénieur RO au monde et vous etalez votre confiture d'imbécilitex?
"Yaka" devenir président pour résoudre autrement la conjecture de Fermat: à la tunisienne avec vos équa. diff. du énième ordre, puisque c'est si facile pour vous...
L'ignorancex et l'arrogancex tuent dans votre cas et un peu de modestie ne vous fera pas de mal.
L'alpha et l'oméga
@FARESEX
a posté le à 20:47
Vas-y explique nous comment résoudre autrement le grand théorème de Fermat sans la théorie de Galois et les courbes elliptiques Mr sait tout........
On t'écoute kassosex...
Fares
Heuh!
a posté le à 16:08
Je ne me fous pas de la gueule de la populace moi avec des "algorithmes" enfantins comme ton whatever qui se nourrit de la naïveté des gens.

Si le programme qui a été présenté au FMI est cette blague, alors ça va rigoler fort une siège du FMI. Allah ghaleb. El bhama wa killet lehya.
Zend
La com
a posté le 15-12-2021 à 17:50
Si Marouen. Vous n'êtes pas naïf au point de croire dans ce projet..c'est la pure com . Pour sa base et le reste. Ainsi il pourra justifier de ce cramponner au pouvoir jusqu'à 2034. ( au moins) Il aura 74 ans. Il pourra même tirer un 4 em mandat..en jonglant avec la nouvelle constitution qu'il va pondre ..et qui passera sans problème.
Elle passera car, il n'y a pas d'opposition. Et si elle existe. Elle est éparpillé. De plus elle va dire . " on boycotte le référendum " . Du coup, la nouvelle constitution passera avec 80 % de oui . Et un taux de participation de 30 % .
walii eddine
n'oubliez pas les missiles KS
a posté le 15-12-2021 à 17:40
Le président Kaïs Saïed dispose d'un missile qui lui permettra de résoudre toutes les difficultés en un tour de main: il s'agit des entreprises citoyennes. L'argent récupéré chez les "corrompus" servira à fournir aux jeunes chômeurs - diplômés ou non - issus des délégations déshéritées de quoi payer le prix de l'action unique que chacun va souscrire dans sa société citoyenne et il appartiendra à cette dernière de choisir, financer puis gérer le projet de développement local retenu. Si on table sur un capital moyen d'un million de dinars par société et sur la création de 3 sociétés citoyennes par délégation, Hassi El Frid, Jedliane et El Ayoun bénéficieront chacune d'un apport de 3 millions de dinars ce qui n'est pas trop cher payé pour un gros corrompu.
zozo Zohra
Monsieur Marouen
a posté le 15-12-2021 à 17:01
Pour reconstruire et prospérer, la réconciliation et paix sont indissociables Monsieur.

Quel processus adapté ? Il n'y a pas de règles. Il ne faut pas que la réconciliation efface le crime, le crime doit être puni par la justice.

KS a opté pour ce processus pour les corrompus, attendons de voir le résultat. On ne va vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

Notre esprit baigne toujours dans la négativité malheureusement.

Il va y avoir consultation, ca sera l'occasion de proposer vos idées