Monsieur le président, à quand le changement du mode de scrutin ?
Par Nabil Ben Azouz*
Monsieur le président de la République,
Le 15 mars dernier, notre Collectif Citoyen Soumoud a organisé à Tunis et sous forme de plusieurs panels, une conférence nationale sur « le mode de scrutin et la crise de la gouvernance en Tunisie » qui a eu de larges échos. Le 20 mars et lors de votre discours commémorant notre Indépendance, vous avez vous-même repris cette idée de proposer la modification du mode de scrutin en invitant et en citant nommément tous les membres du panel juridique de notre conférence, à savoir les Professeurs Sadok Belaïd, Amin Mahfoud, Houcine Dimassi et Haykel Ben Mahfoudh. On vous est également reconnaissant de les avoir chargés de vous soumettre un projet de loi sur cette épineuse question.
Par la suite, vous avez proposé à discussion cette idée de modification du mode de scrutin aux « experts » chargés de préparer le document de Carthage 2. Ces experts, ne se sont pas mis d’accord sur ce point et on a décidé de le renvoyer au comité des présidents de Carthage 2. Hélas Carthage 2 fut mort-né et avec lui ce projet de loi. Tout est désormais bloqué.
Monsieur le président, cette idée de modifier le mode de scrutin en le faisant passer d’un mode de scrutin à la proportionnelle à un mode de scrutin majoritaire à deux tours, uninominal, binominal un homme-une femme ou par liste (le débat qu’on espère, le dira), est à notre avis la seule et unique solution pour ramener la stabilité à notre pays et le remettre ainsi sur les rails de l’achèvement de notre processus démocratique.
Monsieur le président, il ne s’agit plus, ni de démontrer, ni d’énumérer toutes les conséquences néfastes du mode de scrutin à la proportionnelle sur notre pays, politiquement, économiquement et socialement car désormais tout le monde le sait et le dit. Afin de les sensibiliser sur cette question, nous avons rencontré les responsables de plusieurs partis, tels que Nejib Chebbi, Mohsen Marzouk, Jounaidi Abdelajaouad, Kamel Morjane, Mounir Charfi, Yassine Brahim, Abid Briki et d’autres, plusieurs députés et à leur tête Sahbi Ben Fredj, Leila Chettaoui et Mustapha Ben Ahmed. On a rencontré également des responsables de l’UGTT, l’UNFT et l’UTICA, mais aussi plusieurs associations issues de la société civile. Tous se sont montrés intéressés par cette question et ouvert au débat. Sauf bien sûr et vous l’aurez deviné, « nos amis » du Front Populaire qui refusent cette proposition et qui refusent même de nous rencontrer ou de nous adresser la parole. On les comprend, tout en étant persuadés qu’ils ont tort. Toujours ce « syndrome de Peter Pan » et leur hélas trouvaille du moment « mouch waktou » !
Monsieur le président, certes cette proposition de modification du mode de scrutin, n’est pas la seule et unique réponse miracle à nos maux, mais elle fait grandement partie de la solution à la déliquescence et au dangereux virage d’instabilité que connait actuellement notre Grand-petit pays.
Cette campagne pour la modification du mode de scrutin, nous la menons depuis 2012. Le président de l’ISIE à cette époque, notre ami Kamel Jendoubi, qui a largement contribué à la mise de notre pays sur les rivages de la démocratie naissante que nous voulions tant, avait déjà attiré notre attention sur cette urgence de modification du mode de scrutin dans sa forme proportionnelle pour les élections de 2011, nécessaire lors des élections législatives de cette année, mais qui ne sera plus efficace après. On n’a pas été entendus. D’ailleurs, il faut bien qu’un jour, que nous espérons proche, revoir le fonctionnement de l’ISIE en réformant d’urgence le mode de nomination de ses membres afin de le sortir des magouilles politiques (par exemple que ses membres soient élus par les corps constitués en y associant la société civile) et afin de lui donner plus de pouvoir. La crise couve déjà et cela devient dangereux pour le bon déroulement des élections de 2019. C'est-à-dire demain !
Monsieur le président, on sait qu’actuellement vous avez d’autres chats à fouetter, mais il est de votre devoir d’être sur tous les fronts. Et le tableau n’est pas très reluisant. Une grave crise politique, économique et sociale, un fils qui sème la zizanie et les divisions et vous cause de l’antipathie un peu partout, un Chahed qui ne regarde plus que lui-même et nous la joue Iznogood, une centrale syndicale de plus en plus gourmande et politiquement ambitieuse, un partenaire islamiste qui fait semblant d’être dans le consensus, mais qui ne rêve que d’une chose, c’est de vous glisser des peaux de bananes et de s’accaparer le pouvoir, des démocrates qui ont votre préférence mais trop divisés et aux ego surdimensionnés et psychopathiques, une Gauche extrême toujours dans le refus, qui nous la joue sainte-ni-touche, mais qui est surtout atteinte du « syndrome Peter Pan », ce héros de la BD qui refuse de grandir. Pendant ce temps-là, notre peuple souffre le martyr.
Monsieur le président, on vous espère à l’écoute. On attend votre entrée en action sur cette question. Le projet de loi vous l’avez, mais et il est aussi de notre devoir d’agir. Cela urge !
*Membre du Collectif Citoyen Soumoud