
On dit que le pouvoir transforme celui qui le détient. En bien ou en mal, cela dépend du caractère du détenteur, de ses antécédents et du contexte. Mais le fait est qu’on a pu observer à travers l’histoire de l’humanité la propension qu’ont les dirigeants à voir leur personnalité changer. Certains traits psychologiques, qui ne pouvaient s’exprimer, se retrouvent ainsi amplifiés, d’autres subissent une altération.
Beaucoup, au contact du pouvoir perdent pied. Beaucoup aussi développent une forme de mégalomanie qui, sur la durée, se transforme en handicap. Bien évidemment, dans les systèmes où la démocratie est solide, où des mécanismes et des garde-fous sont bien instaurés, les effets d’un tel phénomène qui viendrait s’emparer d’un dirigeant sont circonscris. Toutefois, on peut facilement imaginer les conséquences d’un dirigeant pris par l’ivresse du pouvoir dans un contexte politique chaotique et dans un pays où les institutions et la démocratie sont fragiles. Il ne fait aucun doute que la convergence de ces éléments n’augure rien de bon.
Il existe un terme qui définit ce sentiment de toute-puissance qui touche celui qui arrive aux plus hautes marches du pouvoir : le syndrome d’hubris. Vous pouvez googler cette notion et vous trouverez des études intéressantes sur le sujet. Vous pouvez aussi vous munir du livre « In Sickness and in Power » du neuropsychologue et politicien David Owen.
Ce syndrome qui n’est pas une maladie, mais un trouble de la personnalité, se manifeste à travers plusieurs aspects. Des critères ont été établis pour identifier avec précision les personnes exerçant le pouvoir et qui manifestent ce trouble. Il s’agit de quatorze critères et il suffit d’en manifester au moins trois ou quatre pour confirmer qu’un dirigeant en est atteint. On en citera cinq : mépriser les avis extérieurs et se sentir omnipotent, faire preuve d’un zèle messianique et d’une exaltation dans son discours, être persuadé de n'avoir de comptes à rendre qu'à la postérité, court-circuiter systématiquement les rouages décisionnels, croire que l'Histoire jugera positivement son œuvre…
Se référant notamment aux travaux de D. Owen, la chercheure française, Isabelle Barth a décortiqué les manifestations de ce syndrome.
Étonnamment, pour les Tunisiens que nous sommes, certains aspects sont tellement précis et collent à notre réalité qu’il nous est impossible de penser à une coïncidence. Pratiquement toutes les cases sont cochées qu’on pourrait poser le diagnostic les yeux fermés. Pas besoin d’un spécialiste pour confirmer notre hubris.
Ainsi, on apprend que les leaders qui ont développé ce syndrome ont toujours l’impression d’avoir raison, ne se remettent jamais en cause et sont intolérants à la contradiction. Ils perdent contact avec la réalité avec un sentiment de toute-puissance et d’invulnérabilité. La confiance excessive en ses décisions est associée au mépris affiché face aux conseils et les jugements d’autrui. Fait étonnant aussi, ces personnes ont souvent un entourage qui leur dit ce qu’elles veulent entendre et participe à accentuer la dérive. Pour quelle raison ? Parce que l’hubris est souvent brutal avec son entourage et ne souffre aucune contrainte, il est donc craint et on lui cache la vérité par peur. Dr. Barth nous gratifie d’un exemple édifiant : « Ces personnes n’acceptent plus les contraintes, les limites. Si on leur dit par exemple qu’on n’a pas le budget pour un projet, ils ne veulent rien savoir »…
Le sentiment d’impunité et l’impulsivité sont également des marqueurs importants. Une impulsivité qui conduit à des prises de décisions aléatoires et émotionnelles. On retrouve aussi ce penchant à n’accorder de l’importante qu’à sa vision sans prendre en compte l’aspect pratique, le coût ou les conséquences. Pour les spécialistes, le syndrome d’hubris a tendance à s’amplifier face aux crises et ça nous dit, surtout, que chez les dictateurs la chose s’intensifie encore parce qu’il y a peu, voire aucun, contrôle ou contraintes sur leur comportement.
En assemblant toutes ces fascinantes observations, il est évident que cela ne peut aboutir qu’à un leadership désastreux et causer des dégâts à grande échelle.
Toute similitude avec une certaine situation en Tunisie n’est nullement fortuite.



Mais cette solution est aussi une faiblesse, car elle empêche les dirigeants de penser et d'agir à long terme.
Prenons le cas du Maroc, le roi peut engager des programmes dont les effets se feront sentir dans 20 ou 30 ans, c'est un sacré avantage!
Pas de similitude avec une certaine situation en Tunisie bien sûr :)
Il est bon de revenir a la sagesse des Anciens . Lisons Blaise Pascal : Discours sur la condition des grands; Pascal jugeait utile d'éduquer les futurs puissants en leur rappelant que leur détention du pouvoir tenait avant tout du hasard : « Surtout ne vous méconnaissez pas vous-même en croyant que votre être a quelque chose de plus élevé que celui des autres ['?'] Car tous les emportements, toute la violence, et toute la vanité des Grands vient de ce qu'ils ne connaissent point ce qu'ils sont. »