La Tunisie vit à l’heure du Sommet arabe qui débarque chez nous pour sa 30^ème session. Le palais des congrès s’est transformé pour accueillir le plus grand événement qui se déroule en Tunisie depuis la bénie révolution. De fastueux décors ont été posés. La cité de la culture se prépare à recevoir les journalistes de tous bords.

Nos dirigeants reçoivent rois, princes et chefs d’Etat. Des flopées entières d’émirs enturbannés arrivent dans nos humbles contrées. Les hôtels de la banlieue nord de Tunis sont réquisitionnés. Des étages entiers sont réservés à nos honorables invités. Les celliers se remplissent de denrées de choix. Ce n’est pas facile de convaincre le palais exigeant d’un nabab qatari ou d’un dictateur saoudien. En même temps, c’est une bonne chose, ça fait tourner les affaires et le tourisme. Ça sent les liasses d’argent à des kilomètres à la ronde. Et puis c’est bon pour l’image de la Tunisie. On montrera que nous savons accueillir nos invités comme il se doit, malgré le manque de moyens et une économie en berne.

Et le plus important dans tout ça, ce sont les artères et les ronds-points de la ville qui se retrouvent comme par magie reluisants comme un sou neuf. A regarder les rues de Tunis, ou du moins (n’exagérons pas) le parcours officiel qu’emprunteront nos invités, on se croirait franchement débarquer en Suisse. C’est nickel ! Les arbres et les rosiers sont taillés avec art, les pelouses sont tondues avec précision, les trottoirs sont repeints et, miracle, les nids-de-poule ont disparu ! Il faut dire que depuis quelques temps, des campagnes de propreté ont démarré dans certains endroits de la capitale et les quelques régions qui seront visitées par les délégations officielles. La police environnementale était sur le pied de guerre, aucun détritus, aucun mégot de cigarette, aucun crachat, aucune flaque verdâtre ne devaient polluer le regard de nos visiteurs. Le ministre de l’Environnement nous le disait que la propreté est un enjeu majeur de l’image de la Tunisie.

C’est quand même vexant que ces actions ne soient entreprises par nos autorités que pour en mettre plein la vue à nos invités ; que ce grand ménage printanier ne se limite qu’à de telles occasions. L’image de la Tunisie aux yeux de ses citoyens, on en parle ? Voilà que les Tunisiens constatent que nos autorités sont aptes, et avec brio, à faire ressembler nos rues à celles de la Suisse, pourquoi donc nos artères ressemblent le reste du temps à des dépotoirs ? Très vexant.  

Mais trêve de mauvaise foi, toutes ces opérations et tous ces préparatifs n’ont qu’un seul but au fond, faire réussir un événement important, duquel les pays arabes sortiront transfigurés (hormis la Syrie peut-être qui est toujours persona non grata). Des fournées d’accords de coopérations seront signées ; des centaines de poignées de mains aboutiront sur le déblocage de crises géopolitiques irrésolues depuis des décennies ; on condamnera l’annexion du Golan ; on fustigera les agissements de l’Iran ;  on réaffirmera avec force conviction que la Palestine est aux Palestiniens et puis quoi encore ?

Oui, le sommet conclura ses travaux sur un communiqué final très langue de bois (pour changer de toutes les sessions précédentes) et n’aboutira en définitive (pour changer aussi) sur aucune action concrète (à ma charge, la dernière décision forte a été l’exclusion de la Syrie en 2011. Très bel exploit en passant).

Voilà. Bienvenue aux invités de la Tunisie et que le bal commence !